Retraites : La vérité sort du puits
par credohumanisme
jeudi 10 mai 2012
Seuls quelques blogueurs, dont votre serviteur (1) s'étaient émus de l'utilisation par François Hollande du terme « cotisé » pour la mesure sur les retraites.
Nous avions signalé la grande ambiguïté du discours et la parfaite clarté des termes employés par le candidat, futur Président. Les syndicalistes, pour leur part, se sont gardés du moindre commentaire pouvant nuire au candidat.
Il n'est de pire sourd que celui qui ne veut entendre.
Aujourd'hui la vérité sort du puits. Comment sera-t-elle accueillie ?
Le projet de décret prévoit l'ouverture du droit à la retraite à 60 ans pour les assurés qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans (avant cet âge un texte existe déjà).
Ils devront avoir cotisé de manière effective la durée nécessaire pour bénéficier d'une pension à taux plein :
Pour ceux nés en 1952 : 41 annuités pour la génération née en 1952,
Pour ceux nés en 1953 et 1954 : 41 ans et un trimestre,
Pour ceux nés en 1955 : 41 ans et demi.
Ainsi, une personne née en 1952 et remplissant les conditions gagnerait 9 mois par rapport à la situation actuelle. Une personne née en 1953 gagnerait elle 14 mois.
Le « malentendu » provient de la différence entre trimestres cotisés et trimestres validés. (2)
Cotisés :
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Les trimestres travaillés,
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les cotisations régularisées,
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les cotisations rachetées,
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les cotisations payées à titre volontaire,
Assimilés (mais non cotisés) :
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les périodes de maladie, maternité, invalidité,
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le service national,
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les périodes de chômage involontaire,
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... / ...
Equivalents :
"Il s’agit principalement de périodes travaillées en qualité d’aide familial dans les régimes de l’agriculture, du commerce et de l’artisanat, ou de périodes d’activité à l’étranger. "
Validés : l’ensemble des trois catégories ci-dessus.
Dans le programme officiel, dans chaque discours, à chaque interrogation de journaliste le mot employé est bien "cotisé" et non pas "validé".
Les électeurs ont entendu (à tort) se qu'ils avaient envie d'entendre et personne n'a fait d'effort pour les détromper.
Ainsi Madame Marissol Touraine, le 29 février 2012, chargée au PS de ses problèmes a habilement esquivé une question directe qui lui était posée. (3)
François Hollande disait déjà : « pour les personnes ayant commencé à travailler tôt et cotisé suffisamment. […] Les salariés concernés sont les personnes ayant cotisé pendant 41,5 années, soit 166 trimestres. »
En l'état, la mesure ne concernera que les rares personnes qui ont commencé à travailler tôt ET sans interruption. Comme un aveu, François Hollande l'a confirmé sur RTL (7) : « Ceux qui n'ont pas leur durée de cotisation ne le pourront pas ».
Ce texte est conforme au programme du candidat. Hollande n'a pas menti. Il a essayé, avec succès, de tromper ses électeurs. Comment, alors que des voix avaient pourtant lancé des alertes, les syndicalistes ont-ils pu être aussi passifs. Incompétence ou complaisance ?
La vérité sort du puits, mais c'est le roi qui est nu. Les spectateurs, eux, se réveillent aujourd'hui :
A la CGT :
"Ce n'est pas du tout la même chose", s'inquiète Eric Aubin, chargé des retraites au sein de la CGT, qui compte "réclamer que le chômage ou la maternité soient pris en compte". (4)
« Nous aurions souhaité qu'on prenne en compte la durée de cotisation validée, explique-t-il. Pour nous, ce décret n'est qu'une première étape vers le rétablissement du droit au départ à 60 ans pour tous, une revendication que nous porterons lors de la réforme globale annoncée par François Hollande ». (6)
Très remonté, il indique aussi (7) : « L'annonce de François Hollande marque une forme de mépris pour les salariés, accuse Éric Aubin. En jouant sur les deux tableaux -l'âge de départ et la durée de cotisation-, il valide sans le dire les réformes de 2003 et 2010, et inflige une double peine insupportable aux futurs retraités. Mais nous ne sommes pas surpris ni déçus, car nous savions que nous serions obligés de remobiliser sur les retraites avant la présidentielle. »
Chez Force Ouvrière :
Jean-Claude Mailly déclare dans un entretien au Parisien (5) :
« Concernant la retraite, il a été dit pendant la campagne que le droit à la retraite à 60 ans serait rétabli pour ceux ayant cotisé 41 ans. Comment va être calculée cette durée de cotisation ? Avant d’être élu, François Hollande a indiqué que seules les périodes « cotisées » c’est-à-dire 41 ans travaillés effectivement seraient retenues, excluant ainsi les périodes « validées ». FO n’est pas d’accord. Quatre catégories de salariés vont être pénalisées : les femmes du secteur privé ayant élevé un ou plusieurs enfants et bénéficiant d’une bonification de deux ans ; toutes les personnes ayant connu des périodes de chômage ; tous les hommes ou femmes ayant eu un congé parental d’éducation ; toutes celles qui ont eu un congé maladie ou un accident du travail de plus d’un an. Autrement dit, tous ceux qui ont eu des périodes heurtées ne seront pas retenus. Ce serait discriminant et injuste. Et cela pourrait être un des premiers accrochages avec le gouvernement. »
De son côté Philippe Pihet, en charge des retraites pour FO enfonce le clou : « Ce décret risque de ne pas bénéficier aux personnes les plus fragiles, celles qui ont eu des carrières incomplètes à cause de longues périodes d'inactivité, et singulièrement les femmes » (6)
A la CFDT :
La critique est moins vive : « Il faudra répondre au problème des carrières incomplètes et de la retraite des femmes, mais dans le cadre plus large d'une réforme globale », juge Jean-Louis Malys. Le décret promis par François Hollande est « de toute façon une avancée significative pour les personnes qui ont commencé à travailler jeune et qui ont cotisé plus longtemps que les autres ». (6)
A la CFTC :
« François Hollande s'est aperçu que le PS était allé trop loin en promettant de rétablir le droit au départ à la retraite à 60 ans, abonde Pascale Coton, la secrétaire générale de la CFTC. Il a compris que c'était intenable financièrement et il cherche le moyen de s'en sortir. C'est une reculade, peut-être intelligente, mais il va falloir s'y faire. » (7)
Les échos, rappelle le chiffrage de la mesure : « Même limitée à moins de 150.000 bénéficiaires par an, la réforme promise coûtera déjà 5 milliards d'euros à l'horizon 2017, financés par une hausse des cotisations. »
Tel est bien l'enjeu. Au-delà d'éventuelles mesures d'habillage pour quelques injustices, le sauvetage du système de retraites est non pas de revenir sur les mesures existantes mais certainement de les amplifier. Ce sera l'un des premiers tests pour le nouveau Président. Pourra-t-il résister aux pression syndicales en se cantonnant à la lettre de son programme ou devra-t-il céder dès aujourd'hui sur ce premier point au risque de se retrouver encore plus en situation de faiblesse pour la négociation globale prévue à la fin de l'année ?
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Hollande : la disparition , http://www.credohumanisme.com