Royal, Chevènement, le baiser qui tue !

par Laurent Watrin
mardi 12 décembre 2006

Jean-Pierre Chevènement vient de se rallier à Ségolène Royal. Sous couvert de rassemblement, ce soutien du président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen risque de plomber la campagne de la candidate du PS. C’est peut-être tant mieux pour la sociale-démocratie !


Comment concilier honnêtement les positions nationalistes de Jean-Pïerre Chevènement et l’ouverture prétendument réformiste affichée par Ségolène Royal ? La question mérite qu’on s’y arrête un instant.

Une contradiction saute aux yeux entre les deux personnalités socialistes. La présidente de la région Poitou-Charente ne cesse d’affirmer, partout où elle passe, que notre pays doit connaître une nouvelle étape dans sa décentralisation. On peut "débloquer la France à partir du dynamisme des territoires qui la composent", a dit Ségolène Royal, le 23 novembre dernier, devant 22 présidents de région socialistes rassemblés autour d’elle (voir le site du Nouvel observateur)

A cette occasion, la candidate socialiste a annoncé que si elle était élue chef de l’Etat, elle inaugurerait "un nouvel espace de transfert des responsabilités" de l’Etat central vers les collectivités locales. La chef de file du PS envisage même de "transférer la totalité des outils de politique de l’emploi" vers les régions ou bassins d’emploi. En clair, cela signifie que le gouvernement national n’aurait plus seul la maîtrise de l’initiative économique. Sur le site Internet du MRC, présidé par Jean-Pierre Chevènement, on lira la position inverse, et ce n’est pas une surprise. Pour l’ancien ministre, la politique de l’emploi est le domaine réservé de l’Etat central (le site du MRC).

En ce qui concerne l’Europe, le néant dans lequel plane Ségolène Royal laisse la porte ouverte au souverainisme forcené de Jean-Pierre Chevènement. Pourtant, à ce sujet, les adhérents du PS n’ont-ils pas désavoué Laurent Fabius lors du vote interne sur le candidat à la présidentielle ? Qu’importe ! L’accord politique Royal-Chevènement prévoit notamment une réorientation de la construction européenne, la réforme de la Banque centrale (sur quelles bases ?) et la lutte contre l’euro cher (comment ?)... Les partisans d’une gauche antilibérale seront-ils séduits ? Incohérence et mensonge apparaissent en tout cas comme les deux mamelles de la campagne « royaliste ».

Cette course au pouvoir surprême ne s’embarrasse ni de clarté ni de vérité. Elle méprise carrément les électeurs en se moquant de leur intelligence.

En fait, le ralliement de Chevènement n’est qu’une stratégie pour se refiler quelques places entre vieux amis. Là-dessus, il n’y a pas de doute, les deux parties qui ont conclu leur accord comme deux boutiquiers ont annoncé la couleur dans les médias : le MRC a obtenu dix circonscriptions pour les législatives et six suppléants. Le député-maire de Belfort espère ainsi conserver son siège, même s’il affirme : "Rien ne me forçait à me retirer, je le fais en pleine conscience pour ouvrir la voie à une dynamique dès le premier tour".

Conclusion : les partisans d’une sociale-démocratie moderne, qui se réclament d’une certaine gauche, ont du souci à se faire, s’ils parient sur la candidature Royal. Peut-être feraient-ils mieux de regarder du côté de... François Bayrou. Le président de l’UDF, lui, a au moins le mérite de la cohérence lorsqu’il parle de réforme pour la France et de projet pour l’Europe.

Laurent Watrin

http://eurocitoyen.blogspirit.com


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