Royal dépendance

par LM
vendredi 15 mai 2009

Même si ce ne sont que des sondages, ils sont calamiteux : le prochain scrutin du 7 juin s’annonce comme une expulsion de l’espace Schengen pour les Aubry boys de Solferino. Ni Bertrand, ni Harlem ni Benoît ne semblent en mesure de faire oublier Royal.

« Je suis zen, très zen à propos du résultat des européennes. La participation sera mauvaise, mais je sens bien l’électorat de l’UMP. Il est plus mobilisé que celui de gauche. Ce qui compte, c’est d’être devant les socialistes. » Nicolas Sarkozy pavoise, il a de quoi. Les sondages, même s’ils ne sont que des sondages, placent l’UMP loin devant le PS, un PS loin derrière tous les PS de l’Histoire aux européennes. Un PS déplumé par la gauche de la gauche de Besancennot, grignoté par le Modem de Bayrou, et bien sûr encore miné par ses internes divisions, aussi célèbres que les nombreuses maîtresses de Mitterrand. Un PS même pas capable de profiter d’un terreau pourtant favorable, une crise mondiale, propice au retour d’élans révolutionnaires de toute sorte, aux séquestrations de patrons, à la mise au pilori des banquiers et de tous ceux qui, de près comme de loin, ont l’indécence de gagner bien leur vie. Un PS réduit à l’état de commentateur, incapable de tirer les marrons du feu. Un parti de gauche qui ne peut même plus décemment prétendre à la place de leader de son propre camp. 

A la tête de cet escadron de zouaves, Martine Aubry fait figure de triste cheftaine, une sorte de sous sergent qui semble à peine capable d’organiser une partie de ballon prisonnier. Martine, propulsée aux commandes par un quarteron de généraux sur le retour, trop soucieux de se payer Royal pour voir plus loin que le bout de leur haine. Leur tout sauf Ségolène l’a emporté, au final, à coup de magouilles et de coups tordus, mais sans qu’ils mesurent la portée de l’évènement. Ségolène exit, d’accord, mais qui pour prendre sa place ? Parce que si l’agitée du Poitou avait bien des torts et des travers, elle n’en demeurait et n’en demeure pas moins encore aujourd’hui, la seule source d’énergie médiatique capable de réveiller les foules, de ressusciter l’intérêt des électeurs dits de gauche, la seule personnalité à même de transformer un meeting socialiste en évènement immanquable. Ségolène est glamour, Martine est ringarde. Et Martine pourra bien tenter tous les relookages de la Terre, elle n’arrivera pas à la cheville de Ségolène en terme d’image, de marketing et de buzz. Martine n’a jamais été fait pour ce poste, comme son père n’a jamais été fait pour être Président. Mais lui, au moins, s’est retiré à temps.


Le PS est mal barré, et le PS n’a pas de solution. Personne dans l’entourage d’Aubry va oser rappeler Ségolène. Sauf Rebsamen, incorrigible amoureux, qui demande à la fois que Martine soit plus présente tout en estimant que « la présence de Ségolène Royal serait un atout dans cette campagne. » Toutes présentes, donc, toutes les deux plus présentes, mais Royal peut-être un peu plus qu’Aubry, histoire que le cadavre respire à nouveau. Mais faire rentrer Ségolène dans l’arène, quelques longs mois après le lynchage du congrès apocalyptique de Reims paraît infaisable. Sauf à en profiter pour faire disparaître les vieux ringards qui n’y arrivent plus, trop défaits, trop usés, comme Delanoë, de plus en plus pathétique, comme Harlem Désir, sans aucun avenir et qui ne rappelle que le passé, comme Benoît Hamon, qui n’y croit plus, et ça se voit. Il fallait les voir, tous, au Cirque d’Hiver, à mimer leur soutien au bateau percé, à lancer Martine comme on lancerait un autobronzant chez les albinos. Il faut voir et revoir ce pauvre Dlenaoë, ridicule jusque dans sa gestuelle, ici la manche qu’on relève, là la tête dont il faut se servir, ici encore le cœur qu’on aurait jamais dû oublier, là enfin ces bras ouverts de la grande famille unie à nouveau. Pitoyable. Un séminaire de compagnons d’une chanson piratée, plagiée, jusqu’à la corde.


Alors ils ont beau crier à la manipulation des sondages, critiquer Bayrou sur ses bases (Harlem Désir parle de « l’imposture Bayrou ») ou répéter que l’ultra gauche ne sait pas sortir d’un certain antisarkozysme primaire, rien n’y fait : la vérité est là, plus simple, plus basique, à portée de main, et cette vérité c’est que le PS d’aujourd’hui, en France, ne peut pas s’en sortir sans Royal. C’est dire s’il est tombé bien bas ! Mais c’est une évidence : sans idéologie affirmée, sans programme, sans ligne éditoriale claire, le PS ne peut s’en remettre qu’à des symboles, une image, une marque de fabrique, un produit. Et le meilleur produit dont il dispose aujourd’hui, qui se trouve être aussi le meilleur ennemi de Sarkozy, c’est Royal. Seulement voilà : la diva va se faire prier. C’est pour ça qu’elle se promène un peu partout, en Grèce comme en Espagne. Elle rumine déjà sa vengeance, et elle sait qu’à tous les coups elle gagnera. C’est pour ça qu’elle est partout sauf chez Martine, qu’elle regarde ramer, de loin. De toute façon, au bout du compte, elle sera ) tous les coups gagnantes : si le PS la supplie, si Martine l’appelle et si pourtant ça ne suffit pas pour gagner, elle pourra prétendre que c’était déjà trop tard, et si Martine rechigne à l’appeler à l’aide, elle n’aura qu’à se baisser pour ramasser les miettes, humilier les losers et se lancer à toute blinde vers 2012, son unique objectif.


Ces Européennes qui n’intéressent personne devraient quand même permettre à Ségolène Royal de se venger du congrès de l’an dernier. Non pas d’enterrer la hache de guerre, mais de la planter profond dans la tête de ses ennemis, qui mettent déjà les casques, au cas où. Ce pourrait alors être la fin d’un socialisme dont plus personne ne veut, ni en France, ni ailleurs, et une victoire totale, définitive et sans partage du sarkozysme.


 


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