S’abstenir, un véritable acte citoyen !

par CAHEN
mardi 28 mars 2017

S'abstenir, un véritable acte citoyen !

Cet intitulé peut paraître provocateur tant déposer son bulletin dans l'urne semble encore pour beaucoup un gage de démocratie. Dissipons cette impression. Bon an, mal an, depuis une quarantaine d'années, nos concitoyens s'abstiennent progressivement de voter, en particulier pour les élections législatives, les plus intéressantes car sensées élire les représentants du peuple. Ainsi, sur les sept scrutins qui se sont déroulés entre 1986 et 2012, les abstentions sont-elles passées progressivement de 22% à près de 44% des électeurs ! À ces abstentions il faut ajouter celles systématiques des non-inscrits sur les listes électorales, fussent-ils représentés en partie par des étrangers. En 2012, ces non-inscrits s'élevaient à 4,67 millions, soit près de 7% de la population en âge de voter. Début 2016, quoique dans un contexte non électoral, ce chiffre atteignait 13% avec 7,06 millions de non-inscrits. L'élection présidentielle, pourtant la préférée des Français, n'est pas épargnée par cet accroissement qui passe de 13,84% en 1974 à 24,33% des électeurs en 2012.

Une démocratie stagnante

Pierre Rosanvallon souligne que « Le projet démocratique n'a cessé d'être inaccompli là même où il était proclamé, qu'il soit grossièrement perverti, subtilement rétréci ou mécaniquement contrarié. (…). C'est aussi sur ses terres d'origine, dans les lieux où elle [la démocratie] était le plus tôt affirmée et célébrée, en Europe et aux États-unis, qu'elle paraît également incertaine d'elle-même, vacillante, nourrissant des sentiments de déception et des vagues d'impatiences. (…). Les démocraties existantes sont minées par le désenchantement de leurs citoyens ». Pour notre Vème République, les vingt-quatre révisions constitutionnelles n'ont pas apporté d'améliorations significatives quant à la démocratie réelle. L'élection du président de la République au suffrage universel direct en est le meilleur exemple. La Vème République dont la réalité démocratique se résume à une délégation de pouvoirs donnée au rythme des élections au législatif et à l'exécutif, est de plus en plus perçue comme une aristocratie élective. Ce sentiment est surtout le fait objectif de l'évolution des sciences et techniques de l'information et de la communication qui laissent entrevoir à présent aux citoyens des formes de démocraties plus participatives et rendent le système actuel plus insupportable. La démocratie est comme un navire qui remonte le fleuve : le moteur qui le fait progresser doit toujours être actif, sinon il recule et devient ingouvernable !

Des politiciens peu scrupuleux

À la pseudo-démocratie s'ajoutent les mensonges, sophismes, corruptions, clientélisme, avantages en nature indus, conflits d'intérêts, etc., qui discréditent la République et sa classe politique. Fussent les fourberies de cette dernière égales en proportion à celles des citoyens, elles sont particulièrement inacceptables pour qui souhaite servir la France et son peuple. En outre, ce discrédit n'est pas compensé par la résolution des grands problèmes de la société française…

Des luttes sans idéaux

Parmi les raisons incitant à l'abstention, domine l'idée que les principaux partis se livrent essentiellement à des rivalités de clans, voire de personnes, pour l'accès au pouvoir ou s'y maintenir, plutôt qu'à des antagonismes idéologiques réels. Ces derniers sont réduits à l'hégémonie des économistes orthodoxes prônant des lois qui seraient aussi universelles que celles de la physique ou des mathématiques. Ainsi, les pseudo-alternances entre droite et gauche, ne sont-elles plus que des chimères…

Mascarade

La télévision oblige les candidats à passer sous les fourches Caudines des producteurs, plus intéressés par le spectacle de catch entre les politiciens que par le souci pédagogique de faire comprendre le fond de leur pensée. Audience oblige.

De l'abstention pour en sortir

Alors oui, l'abstention est pour le simple citoyen qui n'a pas la vocation de s'engager politiquement, le seul moyen d'exprimer sa désapprobation au système actuel. Par là, il montre qu'il n'est plus dupe du rôle que ses institutions lui font tenir, rôle qui n'a d'autre but que de légitimer un « establishment » aristocratique sous couvert d'une apparence de démocratie. Certes l'ensemble des non-votants est hétérogène, mais uni dans le désintérêt qu'il porte aux élections. Coluche disait : « Je suis le candidat des abstentionnistes ! ». Si les électeurs protestataires, votant vers des extrêmes ou contre plutôt que pour un candidat, choisissaient l'abstention, celle-là serait considérable et alors quelle serait la légitimité des politiques élus avec une si faible participation ? Un quorum virtuel pourrait alors ne pas être atteint invalidant moralement l'élection. Une crise institutionnelle pourrait s'en suivre permettant enfin d'envisager une nouvelle Constitution plus démocratique. Les électeurs devraient réaliser que l'abstention est la force tranquille du coup d'état citoyen !

N. B. : toutes les valeurs chiffrées du texte ont été calculées à partir des données fournies par l'Insee, France-Politique et le Ministère de l'intérieur.


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