Salaud de contribuable

par Parkane
samedi 28 mars 2009

Quelle effervescence ! On dirait douze comprimés d’aspirine dans un demi verre d’eau. Une vraie tempête ! Oh les méchants patrons ! Ils se distribuent des bonus et des stock-options, pendant que l’état leur file de l’argent à gogo, alors qu’ils ont plongés de bonbon et qu’ils vont licencier pleins de salariés qui n’y sont pour rien. Regardez-moi ça ! Le contribuable se sent superfloué, le président est en méga-colère, le comité d’éthique du MEDEF est au bord de l’implosion nerveuse et même les petits porteurs commencent à ruer dans les assemblées générales.

Tout ça parce que dans cette fébrilité permanente personne n’écoute personne et pourtant, on vous l’a expliqué, je ne sais combien de fois. Souvenez-vous, début février à la télé, même le président avait essayé d’en convaincre Pujadas et Ferrari, apparemment en vain, parce qu’il ne s’est même pas écouté lui-même. Donc :
 
1.) L’argent que l’état donne aux banques, aux assurances etc., n’est, soi-disant, pas de l’argent donné, mais de l’argent prêté ! De l’argent qui travaille, qui rapporte ! Le contribuable va, lui aussi, pouvoir se faire coudre des parachutes en or. Alors où est le problème ? Mais c’est que tout d’un coup le contribuable n’est plus partageur, il veut tout pour lui, le parachute, le bonus, la stock-option et la secrétaire de direction !
On lui montre ça, il veut CA (Non, pas le Crédit Agricole, bande de nigauds) !
Quand une banque prête de l’argent au contribuable pour l’achat d’une maison, le directeur de l’agence ne va pas aller vérifier, si le salon est exposé côté sud ou que la ventilation de la salle de bain fonctionne correctement. Alors lâchez-leur le cigare !
 
2.) Nous savons tous que le bon fonctionnement de l’économie mondiale est basé sur la confiance. Alors imaginez un instant que les agents des banques aient dit à leurs clients il y a quelques mois : "Ah non il faut surtout pas acheter des actions Sixitan, vous les achetez aujourd’hui à vingt euros, mais dans six mois il ne vaudront sûrement plus qu’un euro quarante !", la confiance aurait foutu le camp illico. Imaginez que les dirigeants des grosses boîtes aient fait savoir qu’il renonçaient à leurs bonus, pourtant inscrits dans leurs contrats, qu’ils n’allaient pas distribuer de dividendes à leurs actionnaires, qu’ils allaient même diviser leurs salaires par deux pour tenter désespérément de sauver les coffres, eh bien, la confiance aurait explosé en vol et l’économie mondiale avec elle.

Il faut donc comprendre que tous ces gens, des directeurs, sous-directeurs, cadres supérieurs, cadres inférieurs, jusqu’aux guichetiers, ont fait leur boulot du mieux possible quand ils ont dit à cet ouvrier retraité que les actions Sixitan étaient un excellent placement pour financer les études de sa petite fille, vu que ses parents étaient au chômage (oui, j’adore faire pleurer dans les chaumières), et c’est à ce prix que la confiance aveugle a pu continuer à faire des ravages quelques mois de plus. Tous ces gens ont donc amplement mérité ce qu’un discours poujado-démagogique veut leur enlever aujourd’hui. 
 
3.) Revenons, pour en terminer, à ce salaud de contribuable, qui la plupart du temps joue aussi les salariés, pas toujours dans une banque, mais forcément dans une entreprise qui en a besoin, qui est obligé de faire le consommateur, et qui est convié de temps en temps à faire l’électeur. Alors quand le contribuable s’énerve, s’égosille, s’indigne, vocifère avec la meute, il schizophrénise à mort, car en tant salarié, consommateur et électeur, il oublie deux ou trois petites choses :
- C’est en acceptant un salaire de misère tout en la fermant, qu’il paie les bonus des patrons à la sueur de son propre front.
- C’est grâce aux entourloupes de ces mêmes méchants patrons qu’il a pu profiter un peu plus longtemps de l’illusion capitaliste de la croissance sans limite, voire garder son job pour l’instant.
- C’est en voulant consommer le plus possible le moins cher possible qu’il soutient une économie de fabrication de camelote de masse qui justement paie ses salariés avec un lance-pierre.
 
Vouloir moraliser le capitalisme, interdire les bonus et les primes ? Autant demander à un pouvoir menteur de bien vouloir, gentiment et sans attendre, rendre les bulletins qui l’ont fait élire.
 

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