Sarkozy en Corse, quelques mots et des sous...
par Laurent Watrin
lundi 8 janvier 2007
Le dernier voyage du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en Corse souligne une fois encore les travers d’une politique jacobine nourrie d’effets d’annonce.
Le ministre de l’Intérieur le plus médiatique de tous les temps vient de s’offrir un bol d’air corse, après la dernière série d’attentats dans l’île, au cours de laquelle un poseur de bombe, Ange-Marie Tiberi, cinquante-quatre ans, a été tué. Cet homme était militant du groupuscule Corsica nazione indipendente. La violence continue, le gouvernement poursuit sa ligne... Une fois encore, la politique d’effet d’annonce éclate dans toute sa beauté.
Nicolas Sarkozy a ponctué son déplacement - le dix-huitième en Corse depuis qu’il est ministre de l’Intérieur - d’une phrase qu’il apprécie particulièrement, depuis quelques années, au sujet du terrorisme corse : Je pense que le mouvement nationaliste est aujourd’hui très affaibli. Ce propos, il l’avait encore tenu en 2005. Mais cette fois, le chef de l’UMP a tempéré un peu : C’est parce qu’il est affaibli qu’il est dangereux. Le ministre s’est toutefois félicité qu’en 2006 il y ait eu 150 interpellations de poseurs de bombes.
Cela semble pourtant bien maigre au regard des chiffres de la délinquance corse. Car le bilan est "impressionnant" : 1497 attentats entre 1998 et 2005, avec une augmentation de plus de 72% des actes de délinquance entre 2002 et 2005. En 2006, on a dénombré 232 attentats et actes de dégradations en Corse (168 en 2005). Et comme d’habitude, l’effet d’annonce le plus sympathique, après des violences, c’est celui de la main tendue par l’Etat-providence (celui-là même que le libéral Sarkozy déteste pourtant) : le gouvernement confirme une enveloppe de 1,02 milliard d’euros de subventions (nos impôts) pour financer les travaux d’infrastructures en Corse, et Nicolas Sarkozy, ministre de l’Aménagement du territoire, rassure la jeunesse corse en lui disant qu’elle pourra rester travailler au pays. Autrement dit, d’un côté, le gouvernement ne fait (presque) rien contre les terroristes, et de l’autre, il achète la paix civile avec l’argent des contribuables. Et si les Limousins se mettaient à poser des bombes pour recevoir un coup de pouce de l’Etat ? A la décharge de M. Sarkozy, cette pratique du centralisme, consistant à donner toujours plus à chacun pour calmer les choses en surface, a traversé tous les camps politiques qui se sont succédé au pouvoir en France.
Le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, a fait semblant de tacher le tableau, la semaine dernière, en notant timidement le mélange des genres pratiqué par Nicolas Sarkozy, dans son double costume actuel : Voyage ministériel, tournée électorale, les déplacements du ministre de l’Intérieur font débat, à l’image de son voyage en Corse de ce jour. Le mélande des genres, ne serait-ce pas plutôt le fait de mettre sur le même plan la question essentielle du développement économique de l’île et la nécessaire lutte judiciaire contre les mafias qui continuent de terroriser l’immense majorité des citoyens vivant en Corse ? On notera au passage que le ministre de l’Intérieur n’a pas proposé de moyens supplémentaires pour la Justice ni réaffirmé l’indispensable indépendance des juges... Mais s’il y a débat, comme le dit Jean-Louis Debré, alors, tout n’est pas perdu !