Sarkozy et la « déchéance de crédibilité »

par Fergus
jeudi 24 mars 2016

 Il y a quelques semaines, j’avais utilisé la même formule à propos de Hollande dont le discours est, au fil des atermoiements, des reculades et des reniements de sa parole, devenu totalement inaudible. Sarkozy, qui aspire à une éclatante revanche, espérait profiter de cette chute annoncée du sortant en 2017. Hélas pour lui, tout va de mal en pis, et le carrosse étincelant de ses rêves élyséens prend de plus en plus l’allure piteuse d’une citrouille...

Les jours, les semaines, les mois défilent, et Sarkozy est impuissant à contrer cette évidence : « il n’imprime plus » dans l’opinion, comme dirait Omar Sy. Pas même chez les sympathisants de sa propre famille politique, de plus en plus nombreux à se détourner de leur ancien champion aux manières de mafioso. Au point que les sondages sur la « primaire de la droite et du centre » se suivent et ne font qu’entériner la chute constante de l’ex-président relativement à ses rivaux LR déclarés dont l’optique d’une victoire annoncée en 2017 contre Le Pen a aiguisé les appétits et dopé la voracité.

Il est vrai que Sarkozy part avec de sacré handicaps :

Comment faire croire aux électeurs de la droite et du centre à l’émergence d’un homme politique nouveau alors que le quinquennat 2007-2012 a été marqué par une effarante vacuité en regard des problèmes de désindustrialisation, d’endettement, et de perte d’influence de notre pays ?

Comment jouer la carte de la probité alors que l’on est impliqué dans des affaires peu reluisantes et exposé de ce fait à de multiples procédures judiciaires qui font peser de graves menaces sur un avenir politique incertain ? À cet égard, il n’a pas de chances, Sarkozy : tous ses amis – politiques et personnels – ont été, sont, ou seront eux-mêmes mis en examen ou condamnés à des titres divers. Une réalité qui ne manque pas de réactiver dans les têtes ce bon vieux dicton, puisé au bon sens populaire : « Dis-moi qui sont tes amis, et je te dirai qui tu es. »

Enfin, comment s’allier le noyau dur des sympathisants Les Républicains en brossant dans le sens du poil leur penchant ultra-sécuritaire sans s’aliéner l’électorat centriste, peu complaisant à l’égard des discours identitaires hérités de Buisson ? Un électorat centriste qui, n’en doutons pas, jouera un rôle déterminant lors de la primaire.

Bref, « Sarkozy n’a pas le cul sorti des ronces », pour paraphraser un autre dicton populaire. Et ce n’est pas le sondage Odoxa, publié le 20 mars par Le Parisien et BFM-TV qui a pu lui mettre du baume sur les plaies. Malgré la sortie – largement médiatisée – de son livre aux accents rédempteurs et les plateaux radio et télé auxquels il a participé, la descente aux enfers continue inexorablement.

Sondage Odoxa du 20 mars

 

Sarkozy menacé par Le Maire !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : si la primaire avait lieu aujourd’hui, Sarkozy n’obtiendrait, auprès des sondés déterminés à participer à ce scrutin, que 23 % des voix au 1er tour, loin derrière Juppé et ses 41 %. Quant à Le Maire, il pointerait à 16 % – à peine 7 points de moins que l’ex-Président ! –, Fillon devant se contenter de 9 %. Et le 2e tour serait encore plus humiliant pour Sarkozy : Juppé l’emporterait par 66 % des voix contre 34 % !

Mais il y a pire encore. En ne prenant en compte que les électeurs « certains d’aller voter lors de la primaire », Sarkozy perd encore 2 points au profit de Juppé : 21 % contre 43 % à son principal adversaire tandis que Le Maire, avec 19 %, se rapproche à deux petites longueurs. Comme diraient nos amis suisses « Il y a le feu au lac ! » Et cela d’autant plus qu’au 2e tour, Juppé écraserait l’ex-président : 69 % contre 31 % !

Certes, il peut encore s’écouler de nombreux évènements dans le laps de temps qui nous sépare de la primaire. Mais la tendance qui se confirme de mois en mois semble lourde, et elle ne plaide pas pour Sarkozy, désormais menacé d’une élimination dès le 1er tour de ce scrutin interne à la droite. Autrement dit d’une terrible humiliation, assurément indissociable de la « déchéance de crédibilité » qui, jusque dans son propre camp, s’attache désormais à sa personne comme les plumes au goudron.

Dans de telles conditions, mieux vaudrait sans doute pour Sarkozy se retirer avant d’y être contraint par les évènements judiciaires ou des sondages de plus en plus calamiteux. L’homme ne manque pas d’aplomb : il n’aurait aucune honte à prétendre, la main sur le cœur, n’avoir repris le parti que pour y mettre de l’ordre après le pugilat Copé-Fillon et lancer sur de bons rails le processus de la primaire. Avec à la clé, cet admirable objectif : « servir son pays et servir son parti ». Après tout, il a toujours été comme cela, Sarkozy : foncièrement altruiste et jamais guidé par la moindre ambition électorale. 


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