Sarkozy peut-il perdre ?

par LM
vendredi 13 avril 2007

Trop hongrois pour Jean-Marie, trop extrême pour Azouz, trop brutal pour Ségolène, Nicolas Sarkozy n’en demeure pas moins le favori de l’élection à venir. Ou les sondages se plantent depuis des mois, ou le blanchisseur de Chirac a de sacrés gènes de vainqueur.

Il se dit « plus à droite que Chirac », « né hétérosexuel », « de sang mêlé », il veut « convaincre les ouvriers » de voter pour lui, se dit « personnellement pour » le vote des immigrés dans les élections locales. Il s’appelle Nicolas Sarkozy, fils d’immigré, donc peu légitime selon Le Pen pour diriger la France. Le journal anglais The Economist le place en couverture de son numéro de la semaine, en Napoléon sur son cheval montrant du doigt la voie à suivre. Pour l’hebdomadaire, il est le « moins mauvais choix ». Ce moins mauvais qui depuis une semaine est présenté régulièrement, à coup d’articles tapageurs écrits par-dessus la jambe, comme un « eugéniste », un fils caché d’Hitler, le chaînon manquant entre la démocratie et Auschwitz, rien que ça. Une partie de sa force, d’ailleurs, est peut-être là : dans la violence et la démesure des attaques qu’il subit, suite à certains de ses propos. Evidemment, il paraissait impossible de passer sur des absurdités comme « on naît pédophile », bien sûr, il y avait là moyen de protester, mais pourquoi le faire chaque fois avec les mêmes armes, chaque fois en mesurant l’importance de ces propos à l’aune du crime absolu, écartant ainsi toute raison, toute justesse, toute tentative d’explication ?

Même Olivier Besancenot, le facteur LCR, ne tombe plus dans le panneau : il a compris la tactique Sarkozy, qui consiste à lancer de lourds pavés dans la mare médiatique, un gros os à ronger pour éviter, pendant ce temps-là, d’aller à l’essentiel. Le numéro marche à tous les coups, et même internet, ce « nouveau média », tombe régulièrement dans le panneau. Oui, le candidat UMP a dit de grosses bêtises à Michel Onfray, mais quelle importance ? Ca ne nous dit pas grand-chose sur la façon dont son éventuel gouvernement dirigera le pays, ça ne nous dit rien sur les réformes (qu’il compte « mener en deux ans ») qu’il mettra en œuvre, sur leur efficacité, ça ne nous dit rien non plus sur sa politique étrangère. Les loups qui hurlent, pétris de bonnes intentions et de morale Ikea, ne font finalement que renforcer l’assise de ce candidat, qui répète à l’envie qu’il dit « ce qu’il veut », « au nom de la liberté et du débat démocratique » et qu’aucune demande de « justification » ne désarçonne, loin de là. La tactique de Sarkozy consiste également à dire tout et son contraire : un jour il explique, tous trémolos dehors, que « quand on veut on peut », et quelques semaines après il ose affirmer que tout dépend des gènes, donc que nous ne maîtrisons en rien notre existence, que tout est déterminé à l’avance. Ses gènes à lui, apparemment, l’ont fait homme politique, arriviste, candidat permanent, homme pressé. Mais pas grand, contrairement à ses frères. On ne peut pas tout avoir.

Azouz Begag, un de ses anciens collaborateurs au gouvernement, un confrère en quelque sorte, dit aujourd’hui pis que pendre de l’ancien ministre de l’Intérieur. Dans son dernier livre, Le mouton dans la baignoire, il présente le candidat UMP sous son jour le plus coléreux, le plus haineux. Un homme pratiquant l’insulte aussi facilement que De Villepin, menaçant même de « casser la gueule » de son interlocuteur. Un homme qui aujourd’hui, selon Begag, « drague l’extrême droite ». Il a sans doute raison, Begag, Sarkozy affirme à qui veut l’entendre que les électeurs du FN sont des voix comme les autres, qu’il faut considérer et convaincre de rejoindre son camp. Le Canard Enchaîné, particulièrement assidu contre Sarko depuis de longues semaines, affirme même dans son numéro de mercredi dernier, que l’homme de Neuilly serait prêt à offrir un ministère à Marine Le Pen. Le papa de cette dernière, après sa pique hongroise, a répété qu’il pourrait « discuter » avec Sarkozy plus facilement qu’avec Chirac qui le haïssait. Un Le Pen fluctuant (nec mergitur) qui d’une part prétend que Sarkozy n’est pas assez français à son goût, et de l’autre affirme qu’il sera plus facile de « cohabiter » avec lui qu’avec Chirac. Autrement dit : jusqu’au premier tour, aucun menuet, mais au deuxième, éventuellement, une petite valse.

L’extrême droite est tout naturellement la réserve de voix la plus importante dans laquelle Sarkozy peut piocher. Personne d’autre ne s’y risquera : Bayrou n’osera jamais et Royal n’en parlons pas. Il n’y a que le candidat UMP pour mettre les mains dans ce cambouis-là, sans honte, sans retenue, sans se cacher. C’est pour cela qu’il alterne le dur et le mou, la souplesse et la rigidité. En lui réside aussi sans doute, comme l’explique le Canard, le secret espoir d’en finir avec le FN une fois l’élection passée, comme Mitterrand s’était débarrassé des communistes après 1981. Il aimerait bien cela Sarkozy : enfiler à la fois le costume du vainqueur et celui de nettoyeur (le syndrome du Kärcher). S’installer tellement à droite qu’il ferait même de l’ombre à son extrême. Devenir non plus le leader de la droite, mais l’incarner. La Droite, c’est moi, et les autres...

Pour autant, faut-il avoir peur de l’animal ? Sarko facho ? Sarko nazi ? Sarko raciste ? Rien de tout cela, mais un candidat entêté, acharné et droit dans ses bottes, convaincu de sa réussite et qui, malgré ses erreurs, ses excès, son fameux côté « anxiogène », continue contre vents et marées à caracoler en tête des sondages. En dépit de certaines prévisions alarmistes qui prédisent des « émeutes » s’il est élu, en dépit de la volonté affiché de Yannick Noah de quitter la France au cas où, en dépit de campagnes haineuses d’Act Up, en dépit de Diam’s et de Joey Starr. En dépit même de son bilan, paraît-il. Rien ne semble ralentir la course du nouvel ami de Bernard Tapie. Comme si il n’y avait pas d’autre choix possible. Une victoire... innée.


Lire l'article complet, et les commentaires