Ségolène, entre bravitude et approximatiance

par LM
lundi 8 janvier 2007

Ségolène s’essaie aux raffarinades, malgré elle. Sa « bravitude » aura fissuré de rire la Grande Muraille, peu habituée aux écarts de langage.

Escapades en campagne pour les deux grands favoris du show 2007. Sarkozy s’est envolé pour la Corse, avec des valises pleines de belles promesses, moins attendues sans doute de la part des poseurs de bombes que celles qui débordaient de billets, sous Joxe, sous Pasqua, sous tant d’autres. Sarkozy a serré des mains, marché, écouté des maraîchers mécontents et mangé de la charcutaille comme un Corrézien pas encore déclaré.

Pendant ce temps-là, ledit Corrézien pas encore retraité serrait des mains à Tulle, sous l’œil guère attendri de monsieur Hollande, compagnon de, qui assistait pour la douzième fois au bain de foule régional de la chiraquie sur ses terres. Madame, Monsieur, frais comme de vieilles carpes, aussi à l’aise qu’on peut l’être pour une fin de règne.

A quelques murailles de là, toute de blanc vêtue, « pour apprendre et non donner des leçons », Ségolène, concubine de, promenait ses grandes espérances au pays de la peine de mort, de la censure et de l’absence de liberté d’expression : la Chine. La Chine, ce grand pays hyper pollueur, hyper producteur, hyper concurrent de la vieille Europe qui, dans l’immédiat, ne peut que subir l’invasion en fermant sa gueule et quelques usines. En Chine, comme au Liban quelques semaines auparavant, Ségolène n’y allait que pour tendre l’oreille. Au Liban, elle ne l’avait pas assez tendue, incapable d’entendre une comparaison d’un goût douteux qui aurait dû lui faire « quitter la salle ». En Chine, elle a goûté aux dictons, mais en s’emmêlant un peu les baguettes par la suite.

Ainsi, sur la muraille haut perchée, et « enchalée », madame Royal a déclaré : "Comme le disent les Chinois, un Chinois qui ne vient pas sur la Grande Muraille n’est pas un brave et un Chinois qui vient sur la Grande Muraille conquiert la bravitude". On dirait du Raffarin ! A croire que le Poitou inspire de travers ! La bravitude ! Et pourquoi pas la bravance ou la bravité ? Branchitude ? Blablaitude ? Celle qui s’est fixé comme principe de parler vrai, sans langue de bois, démarre mal. Sa « vie chère » (chéritude ?) n’était déjà pas terrible, ça faisait un peu discours ras des pâquerettes pour enfants attardés, mais cette bravitude dépasse tout. Elle-même d’ailleurs s’en est vite rendu compte (elle s’est entendue) et le lendemain, devant les journalistes, elle a versé dans l’autodérision en déclarant en gros que parfois mieux valait se taire que de dire n’importe quoi.

Trop tard, le mal était fait, la bravitude répandue. Un petit poison qui allait souiller son périple jaune voyage organisé par le Parti communiste chinois, comme le fera remarquer François Bayrou, un parti communiste qui décidera des rencontres, jusqu’à cette fausse visite improvisée chez l’habitant, durant laquelle la favorite de Dray but du thé, embrassa une paire de joues et reçut, presque surprise, un joli cadeau. Royal en Chine, ce fut aussi quelques belles intentions de principes échangées avec une poignée de militantes inoffensives et une ou deux envolées tièdes sur les droits de l’homme. Pas de quoi faire trembler Pékin. Plus tard, dans sa séduisante parce qu’effarante façon de mélanger sur tous les sujets la carpe et le lapin, l’intérêt général et les besoins du peuple, l’idéal démocratique et l’exigence de vérité, Ségolène est même parvenue d’un même élan, dans une même phrase, à regretter les délocalisations d’entreprises françaises vers la Chine tout en saluant le grand partenaire économique de l’hexagone qu’est aujourd’hui l’empire jaune. Du baratin, plein de bravitude et d’approximatiance, quelque chose qui ressemble à de l’à peu près, sans doute pour faire « peuple » pour faire « comme tous les Français », l’obsession de la madone rose, « faire comme tous les Français », se placer au même niveau d’incompétence parfois, de naïveté souvent, de légèreté par certains moments aussi.

La bravitude résume bien l’entreprise Royal : ça n’existe pas vraiment, c’est une sorte de charabia, mais ce n’est pas condamnable, ni honteux, ni irrattrapable. Une bourde comme un gage « d’authenticité », quelque part, cette « authenticité » que revendique Bayrou devant ses montagnes, cette « authenticité » dont manque cruellement le solitaire candidat de l’UMP. Le Liban, on nous a dit : « C’est compliqué ». La Chine, on nous dira : « Ce n’est pas évident ». En fait, la bravitude royaliste, c’est se rendre compte, petit à petit, au fur et à mesure qu’avance la campagne, que tout va être difficile, hors de France, à Ségolène Royal : s’exprimer, entendre, comprendre, tout va lui sembler périlleux. Parce qu’elle n’y connaît pas grand-chose, d’une part, et parce qu’elle sait très bien, d’autre part, que la politique dans ses victoires sait se contenter de bien peu d’exactitude, de beaucoup d’à peu près, de bricolage, et de faux-semblant. Le « naturel » peut suffire. Prendre les gens pour des cons, du moment qu’on les écoute...

Oie blanche au Liban, Bécassine en Chine, Ségolène Royal conserve pourtant de grandes chances de s’asseoir sur le trône, au printemps prochain. Bravitudement.


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