Ségolène Royal fermera-t-elle Fessenheim(2) ?

par Patrick Samba
jeudi 22 mai 2014

Ségolène Royal fermera-t-elle Fessenheim ? : 1er épisode

 

Ségolène Royal fermera-t-elle Fessenheim, 2éme épisode :

Forcément, et elle devait s’y attendre, une nouvelle campagne de dénigrement de Ségolène Royal a immédiatement démarré à la suite de son interview musclée à Paris Match (« Ségolène Royal : "Je suis à ma place. Enfin" ») ! Car bien entendu personne ne lui fera de cadeau et encore moins le lobby nucléaire. Hormis le très consensuel respect octroyé à De Gaulle, en France on le sait, au moins depuis le vote des pleins pouvoirs à Pétain et la honte du régime de Vichy, les élites détestent les femmes et les hommes courageux. Et peut-être encore plus les femmes. Et semble-t-il aujourd’hui, à une époque d’individualisme particulièrement exacerbé, encore plus qu’avant. Leur narcissisme aliéné par l’Histoire politique ne supporte pas l’ombre portée sur le reflet de leur miroir. Et déjà ça cogne dur. Un média n’a pas hésité grâce au titre de son article à véhiculer une rumeur dont il s’attache pourtant à démontrer l’inauthenticité dans le corps de l’article (Ségolène Royal : Une luxueuse demeure suscite la polémique : Pure people). On rameute les sondages : Ségolène Royal : un « handicap » pour François Hollande, selon 59% des Français. Et dans le même temps, la tactique supposée de Royal associant confidences aux journalistes suivies d’un démenti, est raillée sans ménagement : « Ségolène Royal, la ministre qui dit qu’elle n’a pas dit (mais qui l’a dit) » titre L’Express. Et il n’y a pas que les média. Au sein du gouvernement, il ne faudrait surtout pas qu’elle s’imagine pouvoir compter sur une solidarité féminine indéfectible pour lui éviter ce genre d’attaques fielleuses. La ministre de la Culture, aussitôt, ironisait au canon, sans faire dans le détail : « Aurélie Filippetti tacle Ségolène Royal sur Twitter puis dénonce une intrusion sur son compte » ! Pas de cadeau.

Or nous n’en sommes probablement qu’aux préliminaires. Et à ce rythme elle ne pourra manifestement pas continuer à user sans inconvénient majeur de son procédé supposé de discrédit des médias, lequel lui attirera le maximum de sarcasme. Mais déjà dans l’interview lui-même, elle semble annoncer la fin de son utilisation. Elle affirme une détermination à ne pas aller désormais par quatre chemins, laquelle devrait se révéler une redoutable arme de dissuasion. Elle a prévenu : "Ceux qui veulent me museler se trompent. Oui, je parle. C'est ma liberté et je la garderai quoi qu'il arrive. Et si j'ai envie de dire autre chose que ce qui est convenu, je le dirai". Autrement dit pas de demi-mesure.

Mais Ségolène Royal bénéficiera-t-elle des moyens politiques du courage qu’elle affiche, en particulier pour fermer Fessenheim ? Cela dépend d’assez nombreux facteurs.

 

Le premier d’entre eux est sa longévité ministérielle dans le cadre de la mandature de son Ex. Si la centrale devait être arrêtée fin 2016 - début 2017 comme annoncé par Delphine Batho, alors ministre de l’écologie (mais Hollande a toujours dit : « d’ici fin 2016 »), il faudrait à cette date qu’elle soit demeurée ministre. Or, soit il peut y avoir un nouveau gouvernement avant la présidentielle de 2017 et dans lequel elle pourrait ne pas être reconduite, soit Valls pourrait vouloir la virer en raison de comportements jugés par lui intolérables, ce qui ne devrait pas manquer. Et on le sait, depuis bien avant l’affaire des Rroms, sa tolérance est en général assez limitée. Mais de là à obtenir satisfaction auprès de François Hollande, même en mettant sa démission dans la balance, c’est une toute autre histoire. A moins que les résultats du PS aux Européennes soit moins mauvais que prévus, renforçant ainsi très sérieusement son poids politique. Cela ne sera-t-il pas forcément le cas ? On ne peut l’exclure au vu de l’efficacité de la redoutable boite de com’ Havas Worldwide (ex-Euro RSCG qui avait « modelé » la spectaculaire ascension de DSK) dont il bénéfice apparemment. Comparons son score à la primaire PS de la présidentielle 2012, moins de 6%, et sa popularité actuelle : quel saut ! A l’inverse Ségolène Royal faisait 7 % à ces mêmes primaires alors qu’elle était allée au second tour de la présidentielle de 2007…. Quelles peuvent être les raisons au fait que les opinions jouent ainsi au yoyo ? La fragilité politique de Ségolène Royal ou au contraire sa force dépendra donc en partie du résultat des Européennes.

 

D’ici, ou au plus tard, fin 2016, cela veut dire que la fermeture de Fessenheim peut avoir lieu dès demain. Mais il ne faut pas rêver. Si entre le 18 et le 20 avril elle n’a pas saisi l’occasion de l’arrêt concomitant des 2 réacteurs, autrement dit l’arrêt complet de la centrale, c’est donc qu’elle n’a pas l’intention à priori d’agir avant le vote de la loi sur la transition énergétique. A moins qu’elle n’ait manqué d’une réactivité suffisante. Hypothèse qui pourrait trouver sa confirmation ou son infirmation à une échéance pas forcément éloignée, tellement il n’est pas improbable qu’une telle opportunité se représente une nouvelle fois compte tenu du nombre impressionnant d’arrêts que subit cette centrale, en particulier depuis le renforcement du radier des réacteurs (à ce propos on observera la curieuse absence de questionnement des journalistes scientifiques sur le lien éventuel existant entre cet accroissement des incidents et ce renforcement des radiers, dont le directeur de la centrale avait souligné le caractère inédit, une telle intervention sur des réacteurs n’ayant jamais été réalisée auparavant. Il s’agissait d’une toute première mondiale). Néanmoins elle a beau s’être dite favorable en 2011 à la fermeture de la centrale, est-elle pour autant disposée aujourd’hui à prendre à son sujet un quelconque risque politique ? A moins bien sûr d’en tirer un important avantage politique. Mais lequel ? Que son nom soit attaché à l’emblématique fermeture de la centrale de Fessenheim n’en est pas l’un des moindres. Mais, elle, le jugera-t-elle suffisant ? Et puis dans le cas où elle se convaincrait d’être toujours ministre à cette date, ne préfèrera-t-elle pas choisir, par confort, de n’agir que sous le couvert et à l’initiative à son Ex, en lui laissant la complète gestion de sa propre date butoir du 31 décembre 2016 ?

Mais un tel pari serait de toute façon promis à l’échec : la fermeture de la centrale fin 2016 est en effet politiquement quasiment impossible. Si Fessenheim doit fermer, ce sera donc forcément avant.

Cette conviction désormais partagée par de très nombreux observateurs, selon laquelle François Hollande ne pourrait pas fermer Fessenheim en pleine campagne des Présidentielles, relève du complotisme selon Denis Baupin, le vice-Président EELV de l’Assemblée nationale. C’est ce qu’il a déclaré dans une interview à Politis. Une conception du complotisme totalement inédite, et bien inquiétante si elle n’était pas ridicule, et qui n’a fait réagir personne. Il faut reconnaitre que sa notoriété et son pouvoir sont tout à fait relatifs, mais tout de même ! Car tout d’abord il est aussi le compagnon de l’actuelle secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, et il est entouré de personnages au sein de la Firme, ce groupe qui dirige en réalité EELV, qui ne sont guère troublés par des limitations à la liberté d’expression. Pour preuve la récente attaque, après celles de Frédérique Lefebvre et de Nadine Morano, contre la liberté sur le net, de Jean-Vincent Placé.

 

Pourquoi la fermeture de Fessenheim semble-t-elle quasi-impossible fin 2016 ? C’est ce que nous aborderons dans le prochain épisode de « Ségolène et Fessenheim ».

 

Patrick Samba

 

Le 11 mars 2011 est la date de déclenchement du processus de dénucléarisation du Japon, lequel fut particulièrement rapide. En un an les 54 réacteurs ont été arrêtés. Et en France toujours pas un seul ! Comme quoi quand une population le veut, même en désaccord avec ses dirigeants politiques et industriels, on le peut.

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