Ségolène Royal peut-elle réussir un putsch au PS ?

par La Politique et moi
vendredi 11 septembre 2009

La publication du livre de Karim Rissouli et Antonin André Hold-up, arnaques et trahison a fait voler en éclat le semblant d’unité créé lors du Congrès de Reims : Ségolène Royal a plus que jamais des fourmis dans les bottes, et maintenant qu’elle peut prendre la France entière à témoin concernant l’injustice dont elle fut la principale victime, grande doit être la tentation d’aller jusqu’au bout de la réhabilitation.

Car depuis la publication des premières pages du livre en question, il ne se passe jamais six heures sans qu’une voix de plus ne s’élève au Parti socialiste ou dans sa périphérie pour en confirmer l’hypothèse de fond : de Jean-Luc Mélenchon à Malek Boutih, en passant par Jean-Pierre Mignard, nombreux sont ceux qui accréditent par leur témoignage souvent détaillé la probabilité d’une tradition généralisée de fraude au sein de l’appareil socialiste. Et ce n’est pas Lionel Jospin, dont le plaidoyer sur Europe 1 est à la rhétorique ce que La Palisse fut à la philosophie, qui en inversera la perception :

"[Ce livre contient] des affirmations à mon sens aujourd’hui sans preuve. [...] [Martine Aubry] est issue d’un congrès avec une élection donc pour moi la question de sa légitimité ne se pose pas."

De toute manière, Ségolène Royal avait déjà pris les choses en main. Dès l’annonce de la sortie du livre, comme libérée, elle promettait que les choses n’allaient pas en rester là :

"Je n’ai pas encore lu la totalité du livre, je vais le faire avec mon équipe et ensuite je ferai une déclaration solennelle dans quelques jours. Je vous dirai en responsabilité ce que nous comptons faire. [...] Je pense qu’on ne peut pas laisser passer cela pour les militants qui ont voté, pour l’opinion publique, pour les Français, pour le principe même de la démocratie, pour la morale en politique."  

En fonction de la vitesse de lecture de Ségolène Royal, nous devrions assez vite savoir quelles options elle s’autorise à visiter. Dès la matinée du 10 septembre, Alain Duhamel s’interrogeait sur RTL quant aux solutions qui s’offrent à elle en la matière :

"Elle a deux possibilités devant elle. [...] Elle peut, ou bien dire : "j’avais redemandé qu’on recompte, je m’étais adressée à Robert Badinter qui est la conscience du Parti qui avait dit et si on revotait dans les fédérations qui sont mises en cause d’un côté comme de l’autre". Comme les militants socialistes vont voter le 1er octobre, ce serait tout à fait imaginable. L’autre solution - je pense que c’est plutôt celle qu’elle choisira - consistera à dire : "voyez que j’avais raison mais je me sacrifie pour l’intérêt supérieur du Parti socialiste. Je ne veux pas qu’à six mois d’élections régionales on remette en cause notre position" et elle espère comme ça avoir prise sur la direction et rehausser son image auprès des militants et des électeurs."


Selon Alain Duhamel donc, Ségolène Royal a le choix entre la proposition d’un nouveau vote, et celle de l’attente active - le temps jouant à nouveau en sa faveur. Si cette dernière option est, comme le souligne Alain Duhamel, la plus plausible, il faut toutefois aller plus loin dans l’analyse pour voir apparaître la possibilité d’un putsch de Ségolène Royal à la tête du PS.

Imaginons : Ségolène Royal s’exprime, elle souligne sa position de victime, et comme le prévoit Alain Duhamel elle joue la solidarité avec la Première secrétaire actuelle, Martine Aubry en vue des régionales. Son intérêt est évident : elle doit à tout prix, parce qu’elle a misé une grande partie de sa crédibilité politique sur ce statut, garder la présidence de la région Poitou-Charentes. Or, après les résultats des européennes, plus personne au PS ne peut se permettre de faire cavalier seul, en tout lors des élections : toute initiative personnelle doit donc être repoussée à l’après-régionales.

Les régionales sont maintenant passées. Deux scenarii sont alors envisageables :

  1. Ségolène Royal n’est pas réélue. C’est pour elle une catastrophe : il lui faut, en moins de deux ans, reconstruire une crédibilité politique en vue des primaires présidentielles, qu’elles se jouent au niveau de la gauche ou du simple PS. Pour ce faire, elle reporte la responsabilité de sa défaite sur Martine Aubry et se replie sur Désirs d’Avenir, appelant de ses voeux la dissolution d’un PS qui aura forcément perdu des régions - vu qu’il en détient 20 sur 22.
  2. Ségolène Royal est réélue. Forte de sa position à nouveau solidement assise sur son fief électoral, elle peut canaliser la jeune garde piaffante du PS et apostropher Martine Aubry à propos d’une refonte de l’exécutif socialiste, Aubry qui en fonction des résultats au niveau national ne sera pas forcément en mesure de résister à ses injonctions.

La main-mise de Ségolène Royal sur le PS n’est donc plus une utopie : elle qui quelques jours auparavant accusait Europe 1 et Lagardère, ces suppôts de Sarkozy, de lui envoyer à longueur de temps des "boules puantes", verra peut-être - ironie du sort - sa carrière politique relancée par deux journalistes de cette même station. Les voies du pouvoir sont impénétrables.

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