Ségolène Royal, socialiste à l’insu de son plein gré

par LM
vendredi 22 juin 2007

Si Royal n’existait pas, Fabius devrait l’inventer. L’ex-candidate, ex-compagne, ex-symbole de l’audace à la française, a avoué qu’elle n’avait jamais cru à son projet présidentiel. Elle aurait été un peu forcée de s’incliner à gauche, pour faire plaisir au parti. Juré, craché : on ne l’y reprendra plus.

Si on ne sait toujours pas pour qui Ségolène Royal a quitté François Hollande, et si l’identité de l’heureux « élu » ne nous intéresse pas vraiment, en revanche, la tournure que va prendre la carrière politique de Ségolène Royal s’affirme de jour en jour. La dame en blanc, redescendue de toutes les murailles, loin de la bravitude et des agneaux du Poitou, forte de deux défaites sévères aux récentes élections nationales, désire voir l’avenir du PS rapidement fixé. Elle souhaite que les militants se décident le plus vite possible, pour choisir leur nouveau ou leur nouvelle premier ou première secrétaire. Hollande, l’ex, ne l’entend pas de cette oreille et reste, lui, fixé sur ses calendes de 2008, rien avant. Sauf qu’en 2008, qui connaîtra encore madame Royal ? Elle sait bien que le temps ne joue pas pour elle, qu’il faut battre le fer tant qu’il est rose, et qu’elle présente aujourd’hui mieux que DSK. Elle sait bien que si elle a la moindre chance d’emporter le bout de gras, c’est maintenant, tout de suite. Le bluff peut encore fonctionner, l’esbroufe faire son œuvre. Le temps, lui, au fur et à mesure, ne laissera plus de place au doute, la candidate « révolutionnaire » apparaîtra petit à petit sous ses vrais traits, une coquille vide, qui a su manier l’imposture pendant de longs mois mais qui ne peut rien désormais pour empêcher le pot aux roses de se dévoiler.

La course contre la montre a commencé pour Ségolène, qui a choisi de se démarquer façon trois quarts de l’hémisphère sud des éléphants, encore eux, de son glorieux parti. Le smic à 1.500 euros ? C’était une idée de cet idéologue passéiste de Fabius, pas la sienne. La généralisation des 35 heures ? Idem, jamais elle n’aurait avancé de pareilles inepties incompatibles avec les réalités du monde actuel. Si Ségolène a dû chausser de telles bottes, c’est pour coller à ce fichu « projet socialiste » dont elle ne voulait pas, bien moins beau, bien moins convaincant que son « pacte présidentiel » à elle, dont les socialistes ne voulaient pas. Ségolène a été obligée de faire des concessions, et ce sont ces concessions qui l’ont perdue. Voilà sa version de son échec, pardon de sa « non -ictoire » du mois de mai dernier. Sans ce satané « projet » de gauche, et qui plus est socialiste, la zapatera poitevine serait aujourd’hui au Château, et c’est elle qui recevrait les chefs de parti, pas le leader rapido.

Au PS on s’étrangle, à l’extrême gauche on s’étouffe. Mélenchon parle de « provocation », Hollande, l’amoureux éconduit, s’il comprend Royal sur la question des 35 heures, pense surtout que le PS a commis des erreurs stratégiques sérieuses : "Nous avions fait d’abord un projet puis le choix du candidat. Tirons-en les leçons. Il faut faire l’inverse". Il reconnaît que Royal a toujours eu « une certaine distance » avec le projet socialiste, mais ne l’exonère pas pour autant : "Elle sous-estime peut-être un autre point. Il faut que dans une campagne, il y ait une cohérence plus forte entre ceux qui soutiennent et le ou la candidat(e)". Une cohérence plus forte, façon habile, courtoise et polie de signifier que le parti avait choisi la mauvaise candidate, celle qui justement n’avait aucune chance d’opérer cette cohérence. Besancennot, lui, voit dans le retournement de tailleur de Royal un « coup de pouce à Nicolas Sarkozy », qui n’en a pas vraiment besoin. « Pense-t-elle, comme Sarkozy, qu’il est possible de vivre avec moins de 1.500 euros ? Et qu’il faut travailler plus, pour être compétitifs... et pour que les profits du CAC 40 continuent à exploser ?! » s’interroge le facteur dubitatif.

Mais dans son style assez inimitable, Royal n’en est pas restée là, en réclamant une refonte « de fond en comble » du PS, dont les membres auraient selon elle besoin de parler autrement. Selon Royal, leur « charabia » technique est incompréhensible, il faut qu’ils s’expriment plus simplement, plus directement, arrêtent de parler de « motion », de « congrès », mots désuets dans la bouche de Ségolène, qui doit penser pis que pendre du terme « camarade » ! Ca va faire plaisir à Buffet, déjà froide. Cet aparté sur la dialectique du PS a fait là aussi réagir Hollande assez sèchement : ce ne sont que des mots, a déclaré le toujours premier secrétaire, précisant dans la foulée que ce qu’il était urgent de faire désormais, c’était... de la politique. Et là-dessus, Hollande tape juste : le principal défaut de son ex c’est qu’elle n’a jamais fait de politique, depuis qu’elle est candidate. La politique, l’art de communiquer et de convaincre, de comprendre et d’analyser, de composer et de proposer. Ségolène Royal ne sait pas ce que sait, en tout cas ne s’en est jamais servi. Elle s’en est débarrassé en prétextant que c’était l’ancien temps, loin du peuple, inintéressant. Elle n’a pas opté pour « la politique autrement » mais pour « autre chose que la politique », et elle s’y est maintenue, jusqu’au bout. Jusqu’après la chute.

Reçue par Nicolas Sarkozy, elle a péroré ensuite devant les journalistes qui lui demandaient de quoi ils avaient parlé : d’Europe, et rien que d’Europe, puisqu’elle l’avait décidé. Elle avait fixé un ordre du jour, et elle s’y est tenue. Toujours cette étrange manie de s’affirmer conductrice de l’attelage, celle qui tient les rênes, alors qu’il n’en est rien. Elle n’est pas présidente de la République, elle n’est pas premier secrétaire du PS, elle n’est pas présidente du groupe à l’Assemblée, elle ne s’est pas présentée aux législatives.

Qui est donc Ségolène Royal ? Un premier choix par défaut, une socialiste par défaut, une femme de gauche par défaut qui lors de la dernière campagne présidentielle a défendu un projet, des idées, auxquels elle ne croyait pas. C’est François Bayrou qui va tomber de son tracteur : il aurait, bien plus qu’elle, mérité d’être deuxième.


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