Ségolène Royal sur TF1 à l’aise dans la démocratie participative

par Phileas
mardi 20 février 2007

Par sa capacité à maîtriser le vocabulaire, son temps de parole et ceux qui lui font face, il ne peut pas y avoir égalité entre un homme politique quel qu’il soit, et un panel de cent Français.

La fonction essentielle de la politique est une fonction répressive : l’homme politique est là pour réprimer les demandes, définir des priorités, faire accepter des frustrations en offrant une synthèse des actions qui auront été décidées. Dans un forum médiatique comme le propose TF1, cette fonction n’est plus assumée et on surfe sur le désir et la promesse. C’est la raison pour laquelle personne ne parle de la dette publique, personne ne parle de déficit ou très peu, car le déficit est ce qui reste quand on a satisfait tout le monde sans arbitrer.
Dans ce deuxième rendez-vous avec les Français, Ségolène Royal a montré une remarquable aisance pour ce genre de débat. Normal, si ce n’est pas elle qui a inventé le truc, c’est elle qui en a fait l’exploitation la plus professionnelle depuis le début de sa campagne.
C’est le triomphe du royalisme, de la méthode des jurys populaires, tirés au sort, dont elle a adopté le principe et qui montre la force idéologique de sa démarche.


La conséquence principale est l’atomisation totale du débat : lorsque vous participez à un panel, vous y êtes comme chômeur, comme agriculteur, homosexuel, artisan, et vous savez que votre responsabilité dans l’émission est de faire passer le message légitime qui est le vôtre face à un candidat. Donc la fonction de la représentation de l’intérêt général, la fonction de synthèse n’est assumée par personne. Nous avons un panel de cent personnes dont l’intérêt général est rejeté aux quatre-vingt-dix-neuf autres qui devraient l’exercer.

C’est le même principe lorsqu’on met dans un gouvernement des représentants de la société civile. Pris individuellement, ces gens sont remarquables. Si on décide de donner satisfaction à leur demande, on se heurte à une juxtaposition de particularismes. La représentation nationale finit par en souffrir. Car elle a pour mission de fédérer l’ensemble des désirs d’une société alors que la société civile dit : ce qui compte est que vous fassiez quelque chose pour les mal logés, ou pour défendre le patronat. Cette atomisation a des effets sympathiques, car elle oblige les hommes politiques à écouter ce que leurs électeurs veulent, mais a aussi des effets pervers.

Mais ce qui est certain, ce soir, est que la campagne électorale n’est pas jouée et que Ségolène Royal a réussi à recréer autour d’elle un climat d’appétence qui devrait lui être favorable dans l’opinion publique, comme on pourra très certainement le vérifier dans les prochains sondages.
Le panel de Français face à la candidate socialiste était bien plus virulent et plus pertinent que celui qui a fait face à Nicolas Sarkozy. Etait-ce voulu par la direction de l’antenne qui croyait, en multipliant les intervenants et les questions, faire commettre un faux pas à la candidate ? Plus les questions étaient précises, plus Ségolène Royal semblait être sur son terrain.

Une fois leur question posée, les Français avaient rarement le droit de suite.
Ils étaient soit coupés par l’animateur, soit écartelés par le dilemme : continuer ou ne pas poursuivre par respect pour la candidate. Ou bien encore, ils préféraient se taire, de crainte de devenir agressif avec toutes les chances de se faire ridiculiser.
A tous les coups, Ségolène Royal empochait la mise.

Reste à savoir si cette démocratie directe est véritablement autre chose qu’une démocratie d’apparence. On le verra vite après les élections.


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