Sous Macron, il n’y a pas de manifestations contre les violences policières

par Orélien Péréol
vendredi 6 décembre 2019

Comme il y en avait beaucoup sous Hollande. Elles étaient distinctes des autres manifestations. Actuellement, il y a quelques mots d'ordre contre les violences policières dans les manifestations. Que s’est-il passé ? Le niveau des violences policières a-t-il baissé ? Il semble avoir considérablement monté, au contraire. Alors, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Pourquoi ces manifestations contre les violences policières n’ont pas réussi à faire baisser lesdites violences ?

Ce n’est pas du maintien de l’ordre

C’est plutôt la fable des grenouilles qui demandent un roi : le roi débonnaire les ennuie, elles le chassent ; elles obtiennent un roi dévoreur. Cette histoire date de l’antiquité grecque ; elle fut écrite par Esope il y a environ 2600 ans, reprise par La Fontaine, il y a 350 ans à peu près.

Les hommes n’apprennent rien de l’histoire, ils n’apprennent rien de l’expérience. Ils continuent à « penser » que les produits de leur tête auront raison de la réalité, parce que ces produits de leur tête sont justes et bons, sincères et que tout le monde autour veut et pense la même chose.

Ethique de la conviction a théorisé Max Weber, il y a 100 ans environ, ma conviction (alliées à celle de mes proches, mais c’est moi qui choisis mes proches et les rends proches en partageant mes idées) fait preuve (semble faire preuve). A l’opposé, Weber voit l’éthique de responsabilité : que donnera le futur si l’on agit selon ce que je pense, a-t-il des chances d’être meilleur ? s’il n’en a pas, je dois changer de conviction. Ce n’est pas ma force interne, même partagée par mon entourage, qui fait preuve de l’excellence de ce que je crois devoir faire, c’est l’évaluation de ce qu’il pourrait se passer à la suite de l’application de mes idées.

Donc, le bon peuple français avait élu un président qui voulait être normal et ce n’était pas normal de vouloir être normal pour un président. En revanche, des convaincus idéalistes et orgueilleux, prirent ce président pour cible et s’en donnèrent à cœur joie sur l’air de « tu n’es pas de gauche » (sous entendu la gauche c’est nous et personne d’autre). Ils firent tant de vacarme avec leur géniale conviction que ledit président fut chassé. Et vint un président meilleur, forcément meilleur, puisque pire, selon leurs cris et clameurs, il ne pouvait y avoir.

Donc, bien que la police ait dépassé tous les records de violence : blessures irrémédiables infligées à des passants, à des gens riant qui discutaient, coups portés à plusieurs à des personnes à terre ne présentant aucune autre réaction que de se protéger de leurs bras dans des positions fermées et ne présentant aucun danger pour les policiers, contrôles a priori, avant la réalisation de faits problématiques…

Il va de soi que les chahuteurs intempestifs, nommés les frondeurs, continuent leurs affirmations péremptoires selon lesquelles le mal actuel sort du président précédent, eux-mêmes ne faisant que dire ce qu’il y a à dire et faire ce qu’il y a à faire. On ne peut demander à quelqu’un qui se place dans sa conviction interne, « auto », de la confronter à ses effets, cela reviendrait à le faire se placer dans la responsabilité. L’entêtement, et le refus de se reconnaître un tort font partie de cette éthique de la conviction (et de son « charme »).

Macron a cette chance, chance dans son point de vue, d’être dans une démocratie sans opposition. L’opposition de droite est tombée par le judiciaire (et la mauvaise conduite de certains leaders) et l’opposition de gauche s’est fait dynamiter par des citoyens qui se croient de gauche et ne vivent que dans « l’idée ».

Ils ont les idées et grâce à leurs idées, Macron a l’action et fait ce qu’il veut. Dans cette configuration qui perpétue l’absence d’opposition institutionnelle, il sera réélu. Nous sommes beaucoup plus à l’aise, dans une politique incomparablement plus sociale qu’il y a cinq ans ! Et nous aurons la chance d’en reprendre deux fois au moins.

Les idéalistes de l’extrême gauche croient en un sursaut du « peuple ». Ils voient le peuple partout où ce peuple présente un aspect semblable à l’idée qu’ils s’en font. Pourtant, les mouvements sociaux actuels sont modestes en nombre de participants, ont des programmes flous, refusent les leaders et porte-parole et ont pour eux surtout, la foi que certains mettent en eux. Beaucoup de volume médiatique pour peu de monde et peu de consistance. Enfin, ils ne sont pas reliés à des institutions capables d’agir dans le contexte politique institutionnel. La « réponse » de Macron est la répression policière. Pourquoi prendrait-il la peine de se pencher sur ce qu’on lui dit et d’infléchir sa politique avec ces critiques ? Il dit même que l’Etat de droit est de nature et non de faits, que c’est une déclaration de principe et non un comportement… critiquer la police n’a, pour lui, pas de sens, et effectivement, aucune force ayant un impact sur son parti et sur lui ne peut s’opposer à cette déclaration politique et aux faits qu’elle justifie. La répression est tellement forte qu’il n’y a plus de manifestations contre la violence de la police. Nous avons bien avancé.

Pour échapper à ce cycle auto-entretenu, il nous faut bâtir une gauche modeste et efficace.


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