Stéphane Hessel, un destin hors norme !

par Pelletier Jean
mercredi 27 février 2013

Stéphane Hessel est mort dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 février. Il avait 95 ans. L’information a immédiatement fusé sur l’ensemble des réseaux sociaux, tant cette personnalité avait su nouer avec l’opinion publique des liens particuliers.

Il est né le 20 octobre 1917 à Berlin fils des artistes Franz et Hélène Hessel. Couple mythique, puisqu’ils inspireront à la fois l’écrivain Henri-Pierre Roché et le cinéaste François Truffaut avec « Jules et Jim ». Dans la réalité, la fin de cette histoire sera non pas un suicide, mais une séparation. C’est sans aucun cet univers familial qui lui donnera cette étonnante sensibilité qui l’accompagnera toute sa vie et son penchant pour la poésie.

Normalien et diplômé d’études supérieures de philosophie, diplomate, écrivain et poète, il a marqué profondément le XXème et le début du XXIème siècle. Résistant pendant la seconde guerre mondiale, il rejoint le Général de Gaulle en 1941. Il intègre les Forces aériennes libres comme navigateur bombardier. En mission en France, il sera arrêté le 10 juillet 1944 et déporté à Buchenwald. En janvier 1945 il est transféré à Dora où il travaille à la construction des célèbres V2. Le 4 avril 1945 l’avancée américaine pousse les nazis à déplacer leurs prisonniers. Il en profite pour s’évader et rejoindre l’armée américaine, qu’il intègre. C’est avec son unité qu’il rejoint Paris, le 8 mai 1945.

Dès novembre 1945, il intègre le Ministère des Affaires étrangères (reçu 4ème au concours). Nommé comme ambassadeur en Chine, il rejoint finalement l’ONU qui a sa préférence.

Aux côtés de René Cassin, il contribuera à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme, proclamée le 10 décembre 1948.

Il sera aussi l’un des proches collaborateurs de Pierre Mendès-France (1954-1955). Il occupera de nombreux postes diplomatiques qui le mèneront de Saigon (1955-1957) à Alger (1964-1968).

En 1977, Valéry Giscard D’Estaing le nommera ambassadeur de France à l’ONU.

En 1981, François Mitterrand lui confiera plusieurs missions, dont celle de participer à la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, chargée d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel vis-à-vis du pouvoir politique (1982-1985).

Parmi ses nombreuses actions de diplomate « militant » rappelons qu’il avait été nommé médiateur dans la très médiatique affaire des sans papiers de l’église Saint Bernard (1996-1997).

C’est en 1958 qu’il s’engage dan la politique en rejoignant le club Jean Moulin. Proche de Michel Rocard il adhérera au parti Socialiste en 1986. Dont il s’éloignera au moment du traité de Maastricht, européen convaincu et militant il signe en compagnie d’anciens résistants une pétition « Pour un traité de l’Europe sociale ».

De même il sera aux côtés des résistants pour la commémoration du 60ème anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance, enjoignant aux jeunes générations de relire ce texte et de le faire vivre en assumant l’héritage de la résistance et en faisant avancer les idéaux de démocratie économique, sociale et culturelle. Il milite auprès des sans-logis et en 2009, il soutient les listes d’Europe Ecologie aux élections européennes.

Après avoir soutenu Nicolas Hulot dans la primaire des écologistes, il apporte son soutien à Martine Aubry dans le cadre de la primaire présidentielle socialistes de 2011.

Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont une biographie, « Danse avec le siècle » aux éditions du Seuil (1997) et un recueil de poésie chez le même éditeur « O ma mémoire, la poésie, ma nécessité ». Il a publié par ailleurs : Dix pas dans le nouveau siècle (2002), Citoyen sans frontières (2008), Le Chemin de l’espérance avec Edgar Morin (2011), Engagez-vous (2011), livre d’entretiens avec Gilles Vanderpooten.

A 93 ans il signe un best seller mondial « Indignez-vous » qui sera la source d’inspiration du mouvement des Indignés en Espagne, aux Etats Unis, au Royaume Uni et en France.

Cet opuscule de 32 pages, vendu 3 euros, interpelle les jeunes et les appelle à refuser la soumission à l’indifférence, et à se révolter contre toutes les injustices dans le monde.

Vendu à deux millions d’exemplaires en France, il sera édité à plus de deux millions d’exemplaires dans une quarantaine de pays.

Voilà cet homme qui a traversé le siècle, qui à 94 ans entreprend une tournée mondiale, il enchaine les aéroports internationaux, accueilli par des foules dominées essentiellement par les jeunes. Né à Berlin, élevé en France entre les deux guerres mondiales, résistants, ancien déportés, diplomate plaidant la cause des droits de l’homme, il salue encore aujourd’hui les révolutions arabes. Il est toujours et encore l’homme debout, empli d’espérance et de joie, capable de soulever des foules entières dan son indignation de « jeune homme ».

Toutefois, il sera à l’origine d’une violent polémique en déclarant le 5 janvier 2009 à l’égard de la politique israélienne : "En réalité, le mot qui s'applique est celui de crime de guerre et même de crime contre l'humanité." Il ira jusqu’à soutenir une campagne de boycott des produits israéliens.

Nous garderons de lui cet un éternel sourire, empli de confiance envers l’avenir et les hommes. Dans un monde profondément bouleversé traversé par une crise économique anxiogène pour les peuples, il livre une magnifique leçon de savoir vivre et savoir être.

Grand officier de la Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-45, Rosette de la Résistance


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