Subventions aux associations : mise en examen de la députée Sylvie Andrieux

par Catherine Segurane
mercredi 4 août 2010

D’après l’Observatoire des subventions, la députée PS des Bouches-du-Rhône, Sylvie Andrieux, a été mise en examen, jeudi 8 juillet à Marseille, dans le cadre d’une affaire de détournement présumé de fonds de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), dans laquelle 23 personnes étaient déjà mises en cause.

Elle a été mise en examen pour complicité de tentative d’escroquerie et complicité de détournement de fonds publics, au terme d’environ cinq heures d’audition comme témoin assisté par le juge d’instruction Frank Landou.

Voilà bientôt deux ans que ce magistrat discret et méthodique reconstitue un stupéfiant puzzle : une galaxie d’associations gigognes aux noms passe-partout et aux buts incertains qui ont reçu des millions d’euros de subventions dont l’essentiel a été distrait de leur finalité sociale. Créées par un petit groupe d’individus influents dans les cités, toutes ont été subventionnées par la région au titre de la « politique de la ville » sans que jamais personne ne vérifie l’usage des fonds. Résultat : loin d’avoir servi à des actions d’insertion, ces sommes ont été détournées et leur trace se perd dans un labyrinthe de retraits d’espèces, de fausses factures et de dépenses personnelles-des ordinateurs jusqu’aux voitures de luxe.

Sylvie Andrieux demandait à être entendue depuis plusieurs mois dans le cadre de cette affaire. Elle affirme pouvoir démontrer la “fausseté des accusations” et qualifie sa mise en examen de diversion. Europe 1 se demande si l’affaire Andrieux ne profiterait pas à l’UMP, par le pendant qu’elle fait à l’affaire Woerth. Me François-Noël Bernardi, un des avocats de la députée (avec Me Gaetan Di Marino), a déclaré à Libération-Marseille : « Elle est politiquement sanctionnable, mais pas pénalement, à mes yeux. »

L’enquête, ouverte à la mi-2007 après le signalement par Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins) de flux financiers suspects entre juin 2005 et janvier 2007, porte sur le détournement de quelque 740 000 euros par des associations présumées fictives et subventionnées par la région.

Le journal le Point avait l’an dernier consacré un grand article signé André Gattegno à ce qu’il analyse comme l’achat du vote des cités.

La finalité de ces distributions d’argent était électoraliste, comme le soulignent plusieurs personnes dont Le Point publie les propos.

Roland Balalas, assistant de Sylvie Andrieux et homme-clé de ce dossier, aurait ainsi déclaré au juge : "« Le fait d’aider abondamment les associations est le résultat d’une stratégie politique ; les vannes sont ouvertes en grand dans un but que l’on peut qualifier d’électoraliste et de clientéliste ... Mme Andrieux utilise sans discernement les fonds publics sans se soucier de ce qu’il y a derrière, juste pour sauvegarder ses intérêts électoraux et politiques. C’est-à-dire qu’elle se fout complètement de savoir si ce que l’on finance est bon ou pas, dans la mesure où ça augmente sa popularité dans les quartiers. »

Balalas précise en ces termes le rôle d’un certain Benyoub Same, animateur d’associations fantômes :

« Same était très introduit auprès de Sylvie Andrieux. C’était quelqu’un qui, par ses réseaux, était capable de convaincre des gens de voter pour elle. Au moment des élections, elle le voyait presque tous les jours. Il s’est beaucoup investi pour la dernière campagne des législatives, en 2007, et aussi pour la présidentielle. Tous ces gens-là font les campagnes à chaque grand moment politique où il faut faire venir du monde. »

Président d’une radio communautaire appréciée dans ces quartiers, Same aurait été recruté par Balalas pour soutenir l’élue socialiste après avoir fait campagne... pour la droite. « C’est quelqu’un qui avait foutu le bordel contre elle en 2001 dans son quartier de Font-Vert Picon, a expliqué ce dernier ; Sylvie Andrieux préférait l’avoir avec plutôt que contre. La contrepartie de ce retournement était de lui verser les subventions qu’il demandait par le biais des associations. »

Jusqu’où l’argent détourné est-il allé ? D’aprèsle Point, peut-être jusqu’aux réseaux du grand banditisme, et même jusqu’à un mouvement lié aux islamistes :

"Ce flou entretenu favorisait tous les abus. Certains élus marseillais rappellent l’émotion que causa, naguère, l’aide allouée par la région à un mouvement lié aux fondamentalistes musulmans du Tabligh. Personne, apparemment, n’avait cherché à savoir comment serait utilisé l’argent... Les enquêteurs s’interrogent, eux, sur le rôle joué dans les réseaux de Balalas par les membres d’une famille liée au banditisme marseillais. La rumeur policière (non étayée à ce jour par l’instruction) évoque même des achats d’armes... Et plusieurs témoins font état du comportement menaçant d’un gros bras à la réputation sulfureuse reconverti en animateur d’associations dans les cités ; ayant appris, à l’automne 2007, que la subvention attendue était suspendue à des vérifications en cours, l’homme avait surgi à l’hôtel de région et pris à partie Balalas en ces termes : « Tu veux faire le mariole ? Je vais m’occuper de ton cas, tu vas morfler ! » "

Les quartiers nord de Marseille sont connus pour l’importante implantation des musulmans salafistes, qui ont donné lieu à un reportage d’Harry Roselmack sur TF1.


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