Symbole de l’insouciance d’une élite, Notre Dame a néanmoins bénéficié d’une chance, ainsi que la France
par REMY Ronald
jeudi 18 avril 2019
A la fois abasourdi, en colère, honteux, effondré de voir en direct disparaitre cette pointe de cathédrale, je n’ai pas pensé un instant écrire un article, ni avoir la capacité de l’écrire. Trop de larmes aux yeux. Lorsque les personnes se sont succédées pour m’en parler et souvent me demander mon avis, j’ai à chaque fois répondu que j’étais encore sur le choc et que je n’avais pas les diplômes et l’expérience technique de chacun des métiers concernés par cet incroyable sinistre en plein jour, au centre de Paris, en plein cœur des plus hautes technologies sécuritaires européennes. Cet incendie représente un fort symbole de vulnérabilité de notre civilisation, ancienne, sophistiquée, spiritualisée, scientifique, rayonnante et finalement bien fragile. Une grande leçon s’en dégage.
Non, je n’étalerai pas ma peine et ne m’abandonnerai pas aux polémiques politiciennes qui commencent à naître. Y compris sur le fait que tous les délicats et coûteux chantiers industriels investissent en général dans un système de gardiennage humain avec extincteurs préventifs.
Par contre, entre ma tristesse et ma colère qui me paralysaient, en analysant la situation, j’ai remarqué deux incroyables CHANCES à travers ce morceau de civilisation partant en fumée : Des citoyens courageux, en uniforme, en tenue civile ou en soutanes (y compris l’aumônier des pompiers) ont spontanément foncé pour sauver tout ce qui pouvait être sauvé de l’intérieur. Des pompiers avec de maigres moyens, non soutenus par des hélicoptères porteurs de ralentisseurs (en poudre ou en mélange liquide) ont pu sauver les deux tours et l’encadrement structurel de l’édifice. C’était limite à cause du risque d’effondrement. C’était splendide de découvrir tout ce qui a été sauvé d’extrême justesse. Pensée aux blessures dans l’équipe des pompiers. Soulagement de n’avoir aucun décès. Preuve qu’avec un élan de bonne volonté et de solidarité, on arrive parfois à palier au manque de moyens pour passer une vilaine épreuve. On va réparer les dégâts. On y arrivera. Comme on a toujours fait à peu près jusqu’ici. Le Président a même dit en 5 ans. Sans ristourne fiscale, ont proposé quelques généreux milliardaires. Mais ce sinistre aurait pu arriver quelques heures plus tard dans la nuit, avec des conséquences plus graves. C’était la première grande CHANCE (à savourer sans retenue).
A travers ce coûteux sinistre culturel (pas uniquement financier), je fais un facile parallèle avec un autre coûteux sinistre social tout aussi actuel et source de gâchis. Dans les deux cas, la fumée dissipée doit laisser entrevoir des idées, des solidarités, des solutions, des stratégies, des décisions, bref, de l’espoir d’un MIEUX pour la suite.
« La deuxième CHANCE, elle est où ? », s’impatiente mon dernier visiteur, s’attardant sur l’encombrant stock des deux derniers dépliants 4 pages et sur mes doigts hésitant sur mon clavier. « C’est Macron, les Gilets Jaunes et toute la France qui vont peut-être bénéficier de cette deuxième chance, de cette incroyable chance du destin découlant du brasier de Notre Dame ! ».
Rien à voir avec le recueillement électoralo-politicien à la Hollande après chaque attentat plus ou moins bien géré (prem’s pour étudier un jour ce qui avait été mal géré pour éviter la répétition de nos impuissances face aux attentats !).
Rien de politicien tout cours.
Je vais expliquer. Calmement.
1) Emmanuel Macron a enregistré une longue intervention monologue de 28 minutes.
2) Il refile une copie vidéo aux médias pour la diffusion du 16 Avril à 20h.
3) Le Président annule la diffusion à cause de l’incendie.
4) Le contenu de la vidéo fuite dans les médias et enclenche des débats télévisés.
5) Les Gilets Jaunes y découvrent des manques par rapport à leurs revendications.
6) Nous aussi, « les bouledogues de la République » de tous partis ou œuvrant dans le think tank « En Marge », nous découvrons que le contenu de nos tracts semble avoir eu une influence « insuffisante ».
« La deuxième CHANCE, elle est où ? » grommellent maintenant trois personnes présentes.
Elle est dans le report de diffusion de cette allocution déjà distribuée !
En reculant d’une semaine son allocution, Emanuel Macron va pouvoir bénéficier
► d’une semaine de critiques de texte gratos via les débats audio-visuels,
► d’un samedi de plus (un peu plus festif semble t’il) de manif Gilets Jaunes, et
► d’autres distributions de tracts « En Marge » complémentaires,
pour inciter son proche entourage à lui faire améliorer son texte.
Un peu comme si lors d’un examen au Bacc ou à l’université, on t’offrait par miracle 30 minutes de plus pour rendre ta copie de philo, de sociologie ou d’économie. Mais là, ce ne sera pas avec des minutes ou des heures, mais avec une longue semaine pour bien écouter autour de toi, pour bien lire des documents non encore lus jusqu’ici, pour bien réfléchir, pour bien compléter ta copie et obtenir une meilleure note. Grâce à ce dramatique sinistre à l’impact culturel international, Emmanuel Macron gagne non seulement du temps mais sait déjà, à l’avance, où sa copie a des imperfections et des manques.
Ce tango médiatique sur une allocution (transmise aux médias mais non diffusée, commentée, critiquée, débattue via les commentateurs puis, par conséquent, sagement refaite) sera donc une formidable CHANCE pour Emmanuel Macron, mais aussi pour la France toute entière, échappant tous deux à un coûteux embrasement social.
« Cet optimisme Bisounours semble te faire du bien ! » me dit-on au milieu d’un rire collectif.
« Et s’il ne profite pas de ce délai pour améliorer sa copie ? » rajoute la timide voie inquiète d’une nouvelle visiteuse. Je me retourne lentement, silencieusement, vers maintenant 4 paires d’yeux en attente de ma réponse. Puis je me lève et me dirige tout aussi lentement vers les piles de cartons de tracts « En Marge ». En réfléchissant à ma future réponse, je tapote sur le haut d’une des piles qui encombrent l’entrée du local.
Les propositions des citoyens du Grand Débat National sont disparates et parfois contradictoires, sans même avoir la valeur scientifique d’un véritable et sérieux sondage. De leurs côté, les Gilets Jaunes , tiraillés entre, notamment, l’extrême droite, l’extrême gauche et les anars, n’ont pas été capables de s’unir et de proposer solennellement un document collectif. Les partis sont presque tous à la ramasse. Et LaREM est passé d’un très long silence complice de la situation à un brouillon caquetage de basse cour. Dans un tel contexte de pagaille et de désordre potentiel, notre document mérite vraiment d’être diffusé et d’être lu. Certes, comme les pompiers de Paris, on n’a pas d’hélicoptères pour asperger chaque bâtiment institutionnel avec nos documents. On va donc faire comme eux et arroser là où on peux avec nos maigres moyens. Jusqu’au dernier jour de délai, afin d’empêcher un incendie social plus grand. Je termine mon propos en frappant d’un grand coup la pile de papier : « Jusqu’au bout, bordel ! ». Je suis allé me rassoir en ronchonnant, sans croiser le regard de mes visiteurs, en refusant ostentatoirement un petit travail de photocopie du visiteur numéro trois. Il a eu l’extrême gentillesse de ne pas insister, en me réconfortant à haute voix « Il est tard. Je reviendrai demain. Je prends un lot de dépliants pour boiter mon immeuble ». Je me retourne et brise mon injuste attitude d’hôte bourru : « Merci les amis. Je vais le terminer cet article que je ne voulais pas faire. Je vais l’envoyer à Agoravox ce soir même à cause du délai » (c’est-à-dire sans la semaine de relecture collective que l’on me reproche de sauter trop souvent depuis le décès de 14 de nos précieux relecteurs en moins de 5 ans). Montrant à nouveau les cartons de tracts, je rajoute : « Et on doit bien arroser les pare-brise pendant cette semaine de délai inattendue ».
Après l’envoi de cet article sur Avox, je vais moi-même améliorer d’urgence notre précédent texte d’appel du 3 Avril, sur les conseils d’une littéraire reconnaissante (nouvelle précieuse connaissance, que j’aurais du rencontrer avant l’impression du premier lot de 10.000 ex !).
En conclusion :
Nul n’est parfait. Pour moi comme pour Emmanuel Macron, le travail collectif sera toujours meilleur.
Par conséquent, profitons donc de cette fumée dispersée pour faire mieux connaissance, pour mieux échanger, pour mieux nous organiser, pour mieux agir et vaincre les difficultés. Les français (gaulois ou non) sont capables de grandes choses lorsqu’ils arrivent à s’organiser, à s’unir vers des idéaux communs.
Au-delà des cloisonnements culturels, sociaux et politiques qui ont trop souvent affaiblis et appauvris la France depuis 30 ans, que le VRAI grand web-débat « transversal » sur le VRAI changement commence !