Tariq Ramadan : la « preuve » de double discours

par Hadj Aissa KOUZZI
mardi 6 décembre 2011

Lorsqu’on est en panne d’idées novatrice et de solutions aux problèmes socioéconomiques en Occident, certains « intellectuels » n’hésitent pas à utiliser l’autre « l’étranger », comme cause principale de tous les maux de la société, en le diabolisant pour ne pas assumer leurs responsabilités et leurs erreurs. Pour certain, Tariq Ramadan est l’homme à abattre par tous les moyens. Il incarne toutes les caractéristiques de « l’ennemi » de l’occident. Il est d’origine arabe, musulmane, porte une barbe et p’tit fils du Hassane El Bana : fondateur des frères musulman« l’ennemi juré de l’occident ». Et lorsqu’on refuse d’admettre la pertinence de idées et l’objectivité de engagement, de Tariq Ramadan on a inventé le fameux double discours, afin de prouver la dangerosité de ses idées pour le monde libre, surtout que le prosélytisme comme délit ne sera jamais prouvé dans l’engagement de Tariq Ramadan .

La superficialité des connaissances sur l’Islam chez les occidentaux, fait que certains intellectuels n’hésitent pas à manipuler les masses et surfer sur les peurs en quête d’une notoriété nationale voire internationale. Dévoiler la « face cachée » de l’autre ça fait toujours vendre. Hier c’était les juifs, aujourd’hui c’est le tour des musulmans et Tariq Ramadan , et demain sera peut-être une autre religion ou minorité. La chose dont personne ne peu nier l’existence, c’est que dans le discours de Tariq Ramadan on peut constater deux méthodes de dialogue et de communication, mais à aucun moment deux choses contradictoires. Jamais dans le discours de Tariq Ramadan, dire des choses aux occidentaux pour dire le contraire aux musulmans dans les mosquées et les banlieues. La première technique de communication est de s’adresser aux musulmans par le biais de discours religieux islamique (prêches). La tribune de la mosquée et des associations islamiques à travers l’Europe est un moyen incontournable pour faire passer le message, influencer et convaincre les fidèles. La maîtrise du Coran, et les différentes pensées et écoles juridiques de l’islam, lui donne une grande crédibilité auprès des musulmans en Occident comme en Orient. Avec tout ce que vie le monde musulman, ces dernières années, de guerres, d’islamophobie et attaques de l’extérieures, qui mieux qu’un intellectuel, avec une telle légitimité historique et religieuse, peut faire les reformes nécessaires dans la pensée musulmane contemporaine à l’intérieur et au nom de l’Islam ? Ni les occidentaux modérés, ni les institutions internationales n’ont de légitimité pour s'adresser au monde arabo-musulman. Le mal est déjà fait, et les blessures sont profondes.

Le plus important dans l’engagement et le discours de Tariq Ramadan c’est sa capacité à transformer les critiques légitimes de l’Occident vis-à vis de l’islam à une autocritique à l’intérieur du monde musulman. Beaucoup de critiques occidentales méritent réflexions et révisions. La position de la femme, les libertés individuelles, la démocratie dans le monde musulman méritent bien des reformes et des évolutions. Sous-estimer ces critiques sous prétexte de la suprématie et la grandeur de l’Islam relève de l’orgueil et de l’arrogance, chose qui est en total contradiction avec les principes même de l’Islam. Qui mieux que Tariq Ramadan , p’tit fils de Hasan El Bana, peu engager des reformes radicales dans la pensée musulmane sur beaucoup de questions telles que les châtiments corporels, l’avortement et l’héritage de la femme ?

Les critiques des autres méritent de vraies réponses, et de les considérer comme une autre manière de proposer des changements pour un monde meilleur. Faire évoluer et reformer les sociétés, et les mentalités nécessitent beaucoup de travail sur le long terme. Et pour cela Tariq Ramadan parle sur la même longueur d’ondes aux musulmans, en espérant voir le résultat, non pas dans l’immédiat, mais dans les années à venir. L’autre discours de Tariq Ramadan est un discours citoyen, poste intégration. Un discours adressé aux occidentaux à travers les medias et le discours académique (séminaire, colloque…). Un discours qui prend en considération quatre dimensions fondamentales dans la pensée occidentale : la liberté, la démocratie, la laïcité et la citoyenneté. Dans cette deuxième méthode de communication, Tariq Ramadan explique la parfaite compatibilité de l’Islam avec ces quatre principes essentiels de la pensée occidentale « Beaucoup d’Islam en occident, et beaucoup d’occident en Islam ».

1. La liberté : « pas de contrainte en religion » est un principe fondamental dans la pratique de l’Islam, avant d’être le résultat de la pensée occidental. 

2. La démocratie : la concertation dans la gestion des affaires sociales.

3. La laïcité : la séparation entre le credo(Dogme) « Ibadate », et le système socio-économique

« Mouaâmalat » en Islam.

4. La citoyenneté : l’égalité en Islam de tous les citoyennes devant la loi. « Ils (les non musulmans) ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que nous. Ce principe, jamais le Prophète n’y dérogera et il affirmera clairement : Quiconque maltraitera ou sera injuste avec un non musulman ayant établi un contrat, je témoignerai contre lui le jour du jugement »

Même constat pour son discours islamique, le dialogue de Tariq Ramadan avec l’occident est souvent chargé d’attaques et de critiques à l’égard des dépassements à l’encontre des musulmans en particulier, et les étrangers d’une manière générale. Les discriminations, l’exclusion sociale, et les souffrances des peuples sous l’occupation coloniale partout dans le monde, autant de questions et de critiques islamiques souvent mal exprimé par les musulmans, et qui n’arrivent pas à produire un discours clair sur ces sujets. Recommander le bien et résister au mal sous toutes ses formes c’est le Djihad de Tariq Ramadan en occident avec un objectif clair : ne pas se tromper d’ennemi. Avoir un esprit critique, c’est la capacité de formuler des critiques objectives, et surtout accepter les critiques des autres quand elles sont constrictives et sincères. La liberté, la démocratie, la laïcité et la citoyenneté ne sont pas des dogmes ni credo religieux en dessus de toutes critiques. Lorsque les principes fondamentaux sont bien déterminés, à chacun sa manière d’être : libre, démocrate, laïc et citoyen dans un cadre juridique légal qui dépend de la culture et de l’Histoire du pays, et les dynamiques internes de chaque société. Exclure des personnes qui portent une parole citoyenne critique du débat public, à cause de leur origine, religion, tenues vestimentaire ou idées, n’est qu’une autre façon d’être raciste. Et pour cesser de l’être, il faut être libre. Libre de ses préjugés, arrière-pensées et fantasmes.

Avoir un double discours à la Ramadan est une méthode courante chez beaucoup d’hommes politiques, qui changent de discours selon le public et son habilité à comprendre et à accepter le message. La différence de discours de Nicolas Sarkozy en France, de celui tenu en Arabie Saoudite, le pays musulman le plus conservateur, en est un parfait exemple. C'est peu être de la démagogie et la langue de bois, mais la sincérité et l’honnêteté n’ont jamais été prouvées en politique, comme elles ne seront pas exclues définitivement.

Finalement la seule chose qu’on peut prouver, c’est que la raison comme principe fondamental dans la pensée occidentale peut devenir, elle aussi, une pensée dogmatique chez certains « intellectuels » qui refusent la critique et l’autocritique. Et le double discours de Tariq Ramadan comme ils le veulent, n’est qu’une perception éphémère qui repose finalement sur rien d’objectif.


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