Taubira, fossoyeuse de la gauche ?

par Fergus
dimanche 19 décembre 2021

Après plusieurs semaines d’atermoiements publics, mais de contacts occultes, Christiane Taubira est sortie du silence. Non pour commenter la banalisation du « mariage pour tous », mais pour annoncer dans une courte vidéo postée sur sa page Facebook qu’elle « envisage » de se porter candidate à l’élection présidentielle de 2022...

Disons-le tout net : il ne manquait plus que l’ex-Garde des Sceaux de François Hollande pour ajouter au désordre qui règne dans la pétaudière de gauche. Écartelée entre les cinq candidatures d’Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EELV), Jean-Luc Mélenchon (LFI), Arnaud Montebourg (?) et Fabien Roussel (PC), la gauche (au sens large) n’en finit plus de sombrer dans le psychodrame et de susciter, jusque dans ses propres rangs, les commentaires moqueurs, voire persifleurs, des observateurs. Il est vrai que, malgré les semaines qui s’écoulent avec une régularité d’horloge, les mois qui passent tout aussi inexorablement, aucune candidature estampillée de gauche ne décolle dans les sondages. Pas même celle du champion de La France Insoumise, scotché sous les 10 %, à plus de 10 points d’un score de 1er tour lors de la présidentielle de 2017 (19,56 %) qui semble désormais être un Graal inaccessible.

Comme l’on pouvait s’y attendre dans ce marasme, une très large majorité des électeurs de gauche – 73 % selon une enquête de l’Institut Ipsos Sopra Steria publiée le mardi 14 – plaide pour une candidature unique, condition sine qua non aux yeux des personnes interrogées pour qu’un représentant de la gauche ait une chance d’accéder au 2e tour de la présidentielle de 2022. Encore faudrait-il pour espérer une telle qualification qu’émerge une personnalité capable de fédérer « le peuple de gauche » sur son nom, à défaut de pouvoir le faire sur un programme commun impossible à mettre sur pied à moins de 4 mois du 1er tour (10 avril). Or, des cinq candidats officiellement lancés dans la compétition électorale, aucun n’entendait, jusqu’à ces derniers jours, céder le pas à l’un des autres. Ces cinq-là semblaient résignés à couler, mais à condition d’être entraînés vers le fond chacun maître du naufrage à bord de son rafiot.

C’est là qu’intervient la velléitaire guyanaise. Forte d’une image qui, nous affirme-t-on, est bonne dans les rangs des électeurs de gauche, Christiane Taubira, après avoir, à l’instar d’Annie Cordy, chanté in petto durant des mois J’y va-t’y, j’y va-t’y pas ? décidera peut-être le 15 janvier de jouer la carte de la Primaire populaire où son nom semble devoir bénéficier d’une bonne cote parmi les 300 000 personnes qui, à ce jour, ont adhéré à la démarche. Et sans doute a-t-elle une chance de sortir en tête du chapeau de cette primaire lancée par un collectif de citoyens de gauche, orphelins de l’exercice du pouvoir par les caciques d’un « progrès social et écologique » revendiqué. Le vote, au jugement majoritaire, interviendra entre le 27 et le 30 janvier 2022, et c’est là que le bât blesse sérieusement concernant la vraie-fausse candidate : elle n’a ni projet ni programme ; et ce ne sont ni ses citations ad nauseam d’Aimé Césaire ou de Léopold Sédar Senghor, ni ses envolées lyriques à trémolos dans la voix qui emporteront l’adhésion de nos concitoyens.

Deux mois et demi avant le 1er tour de la présidentielle, ce n’est évidemment pas sérieux. Et si Anne Hidalgo, en totale perdition, peut envisager de refiler la patate chaude à l’ex-ministre de la Justice, tel n’est pas le cas de Yannick Jadot, fort d’un programme déjà bien élaboré, ni surtout de Jean-Luc Mélenchon, le seul à gauche à pouvoir s’appuyer sur un projet – L’Avenir en commun – longuement mûri et fort de propositions de gouvernance dans tous les domaines. Penser que le vote de la Primaire populaire puisse déboucher sur un ralliement de ces deux-là à Christiane Taubira est évidemment absurde. « Je n’ajouterai pas de la confusion à la confusion », disait il y a quelques mois la Guyanaise lors d’une interview politique. C’est pourtant très exactement ce qu’elle s’apprête à faire. Non pour servir les intérêts du pays, ni même ceux de la gauche – qu’elle a déjà plombés en 2002 –, mais pour, hélas ! satisfaire un ego frustré de n'avoir jamais joué de rôle au plus haut niveau ! 


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