Terrorisme, disent-ils

par Donbar
lundi 4 avril 2016

L'emploi d'un mot chargé tel que e « terrorisme » fait l'objet de variations souvent calculées. Chacun définit librement ses mots ; aux autres d'entendre. Quelles sont les intentions exactes de Poutine lorsqu'il affirme lutter contre « les terroristes » en Syrie ? Quelles étaient celles de Bush déclarant la guerre au « terrorisme internationnal » en 2001 ? Celles de Hollande et Le Drian lançant l'opération Serval contre les « terroristes » venus de Lybie ? On ne peut en juger sans apprécier ce vocabulaire par référence à des définitions précises.

 

Le site du CNRTL (Centre National des Ressources Textuelles et Lexicales) et, à travers lui, le Trésor de la Langue Française (T.L.F.), dictionnaire du français des XIXe et XXe siècles, montre pour «  terrorisme  » une évolution où trois sens de dégagent :

1 – La terreur d'État, déclarée comme telle sous la Convention, pratiquée avec d'autres étiquettes un peu partout dans le monde et un peu tout le temps. De là l'unique définition proposée pour le mot par le Dictionnaire de l'Académie (huitième édition) : « Régime de terreur politique ». Exemple hugolien : le « terrorisme bonapartiste ».

2 – La terreur infraétatique qu'exercent des groupes et organisations. Le Trésor de la Langue Française intègre dans cette notion un objectif de déstabilisation permettant une prise de pouvoir, l'exemple principal étant celui du F.L.N. algérien. Une telle condition semble abusivement restrictive : un groupe politique ou religieux peut terroriser une population pour imposer un changement de politique.

 Curieusement il manque ici le terrorisme pratiqué par des États hors de chez eux, usuellement par des attentats. Et en prenant les populations en otage, les puissances nucléaire font régner « l'équilibre de la terreur », ce qui n'est pas sans rapport.

3 – Accessoirement le T.L.F. signale la notion dérivée de terrorisme intellectuel, lequel est bien perceptible en notre siècle dans les accusations de conspirationnisme ; mais c'est là une autre histoire, celle du XXIe siècle.

 

Puisque les actions terroristes doivent mener devant un tribunal, relevons comment en parle de nos jours le Code pénal français : « Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes (etc.) » (art. 421-1).Peu importe ici la liste des infractions. Laissons également de côté l'absence de l'acteur étatique, exonéré de par son rôle présumé protecteur, et observons que troubler gravement l'ordre public n'est pas nécessairement s'emparer du pouvoir ; cela fait ainsi deux différences notables avec les définitions du T.L.F. Observons surtout qu'il y faut de l'intimidation (de timere, craindre) ou de la terreur (de terrere, effrayer).

En résumé : du trouble grave comme visée, de la terreur comme levier. La revendication par Daech des attentats de novembre dernier illustre cela sans ambiguïté : « Tant que vous continuerez à nous bombarder, vous ne vivrez pas en paix. Vous aurez même peur de vous rendre au marché ». Sans l'énoncé du but (arrêt des bombardements) on aurait plutôt affaire à du nihilisme. Et le massacre aveugle doit se comprendre par l'intention de répandre la peur. Au Levant l'État Islamique pratique, avec le terrorisme, la guerre à proprement parler. « Djihadisme » n'est-il pas plus juste, en l'occurrence, pour nommer leur association ?


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