Traité transatlantique, attention au piège américain

par Adrien Paviot
vendredi 10 octobre 2014

Mal connu du grand public, un Traité l'air de rien pointe le bout de son nez dans le paysage économico-politique européen depuis juin 2013. Le Traité atlantique de libre échange suscite de nombreuses inquiétudes dans la classe politique française comme le montre l'intervention du toujours clairvoyant Jean Pierre Chevenement au Sénat, le 9 janvier dernier. Triomphe écrasant du libéralisme au prix des modèles sociaux européens ou chance d'accroissement pour notre économie ?

Entre dessein historique américain et nouvelle situation géopolitique

Ce traité, de prime abord, peut se concevoir comme une simple alliance de libre échange permettant unification les normes pour simplifier les partenariats entre les Usa et l'Europe. Or, nous pouvons nous demandez l’intérêt économique que peuvent tirer l'Union Européenne d'une telle mesure. En effet, l’excédent commercial européen s'établit à 86 milliards d'Euro contre 46 aux américains. Ceux-ci espèrent un rééquilibrage en leur faveur, leur assurant de nouveaux emplois et profits.

Cependant les desseins premiers de cet accord pour nos partenaires outre-atlantique reste bien plus politique. Tout d'abord, les États-Unis ont toujours eu pour ambition de créer un grand marché trans atlantique, c'est d'ailleurs la raison principale pour laquelle ils ont piloté littéralement la construction européenne à partir des années 50. Relayée depuis par les libéraux, sortes « d'idiots utiles » des américains, cette volonté se traduit par les différents traités comme l'Acte unique de 86 ou le Traité de Lisbonne, profondément ancrée dans des positions libre-échangistes.

Ces négociations sont également à mettre en perceptive avec la position anti-chinoise prise par Barack Obama depuis la fin de son premier mandat. Le président américain n'a plus que la Chine comme adversaire, de sorte qu'il ose jusqu'à serrer la main du dirigeant Cubain lors des obsèques de Nelson Mandela. Sur le plan international, les États-Unis s'efforcent d'isoler la Chine dans le pacifique avec le « Trans-Pacific Partnership » (TPP) en 2011 associant au départ huit pays bientôt rejoints,l'année suivante, par le Japon. Le partenariat transatlantique n'est qu'un moyen pour les États-Unis d'obtenir des alliés dans la bataille économique face à l'Empire du milieu et non un but permettant une croissant accrue. Ils ne s'en cachent nullement puisque les estimations annoncent un chiffre au tour de 0,5 point de croissance étalé, qui plus est, sur plusieurs années (moins que répercussion de la sortie du nouvel Iphone aux États-Unis !).

 

Vers une spoliation du peuple par les firmes internationales

Le volet le plus problématique de l'accord se trouve dans le retour de l'AMI (Accord multilatéral d'investissement). Ce projet, mis au banc en 1997, revient par la petite porte dans ses grandes lignes : libre échange sans limite, suppression des droits de douane, retrait complet des États dans le commerce.

Il est d’ores et déjà inscrit dans le marbre que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du Traité. Nul doute qu’ils veilleront scrupuleusement à honorer cet engagement. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet de poursuites devant l’un des tribunaux spécialement créés pour arbitrer les litiges entre les investisseurs et les États, et dotés du pouvoir de prononcer des sanctions commerciales contre ces derniers. Vous ne rêvez pas. Toutes interventions des États dans la régulations du commerce de toutes sortes seront sévèrement punies par les tribunaux ad-hoc. La réalité dépasse déjà la fiction puisque l'OMC a infligé des millions d'Euros de pénalité à l'Union européenne pour avoir refusé d'importer des OMG... le libre échange avant les politiques de santé !

De la même manière des firmes américaines ont pu assigné en justice certains pays du pacifique dans le cadre du TPP car leur législation concernant la hausse salaire diminuait les profits annoncés.... le libre échange avant la justice sociale !

 

Le piège postdémocratique de la mondialisation

Ce nouveau Traité montre encore une fois la vision à terme pernicieuse de la démocratie libérale de marché, standard occidental par excellence. Dans son ouvrage postdemocratie, Colin Crouch montre bien que la mondialisation a détruit la cohésion sociale, en creusant l'écart entre une élite et de nouveaux prolétaires (nous sommes les 99% criaient les indignés à Wall Street), appuyée par des valeurs démocratiques essentiellement émancipatrices. La mondialisation sape alors la démocratie à son profit. La preuve en est avec ce Traité qui pourrait bien à terme mettre en péril le pouvoir des Etats, expression première du peuple, au profit de firmes internationales, nouveaux oligarques du Monde.

 

Adrien Paviot


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