Tsipras : la victoire du Hollande Grec ?
par Laurent Herblay
lundi 21 septembre 2015
Les Grecs se sont prononcés pour une troisième fois en huit mois, après les législatives de janvier, puis le référendum de juillet. Pour la troisième fois consécutive, Tsipras sort gagnant des urnes. Mais dimanche, il a gagné sur l’agenda inverse de celui qui lui avait donné la victoire en janvier.
Renversement de situation
Qu’elles semblent loin les élections législatives de janvier, où Syriza et Alexis Tsipras promettaient au peuple Grec la fin de l’austérité et de la tutelle humiliante de ses créanciers ! Le Premier ministre est resté sur cette ligne pendant plus de cinq mois, jusqu’au référendum surprise, qui rattrapait quelque part celui du Premier ministre Papandréou, que les dirigeants européens avaient refusé, avant d’imposer une nouvelle équipe au pouvoir. Début juillet, il réunissait plus de 60% des Grecs dans l’opposition à l’humiliant plan proposé par les créanciers, restant cohérent avec le mandat que les citoyens lui avaient donné cinq mois auparavant. Mais, dans la dernière ligne droite, Alexis Tsipras a fini par accepter un accord qui ressemblait grandement à ceux qu’il dénonçait quand il était alors dans l’opposition…
Mais, ce faisant, il a perdu le soutien d’une partie de sa majorité et de son parti, même s’il a pu faire voter les trois lois exigées par ses créanciers avec le soutien des partis qu’il avait remplacés. Ne pouvant pas quand même gouverner avec Nouvelle Démocratie et le PASOK, Alexis Tsipras a tenté un nouveau coup de poker il y a un mois, à savoir démissionner pour imposer une nouvelle élection. La minorité de Syriza, restée fidèle au programme des législatives de janvier a quitté le parti pour en fonder un nouveau. Après une campagne de moins d’un mois, près de la moitié des Grecs a choisi de ne pas voter. Mais plus d’un tiers de ceux qui se sont déplacés ont voté pour Alexis Tsipras, qui devance à nouveau le parti de droite Nouvelle Démocratie, les dissidents de Syriza peinant pour atteindre 3%.
Un politicien comme les autres
Bien sûr, cette victoire paraît surprenante. Après tout, Alexis Tsipras avait été élu pour mettre fin à l’austérité et à la tutelle de son pays. Les Grecs auraient pu sanctionner les contradictions de celui qui va retrouver sa place de Premier ministre. Après tout, quite à mener la politique de Nouvelle Démocratie, à peu de choses près, ils auraient pu préférer l’original à celui qui n’est devenu que la copie de ses prédécesseurs. Mais non, l’avance de Syriza sur son rival est plus importante qu’en janvier. Alexis Tsipras a réussi à vendre le fait qu’il a fait ce qu’il a pu, chose d’autant plus facile que la majorité de la population semble préférer une austérité sous tutelle plutôt que le grand large de l’indépendance, en dehors de la zone euro. Ainsi, il se sépare des rebelles de son parti, même s’il devra trouver un allié.
En fait, Alexis Tsipras ressemble un peu à François Hollande. Après tout, notre président s’était fait ennemi de la finance, avant de défendre ses intérêts jusque dans les instances européennes, pourtant déjà pas très hostiles. Une fois au pouvoir, les deux ont fait un grand pas vers la droite une fois élus. Ils ont aussi accepté l’austérité qu’ils dénonçaient avant, puis sont allés bien plus loin en matière de libéralisation de l’économie (privatisations, baisse des impôts des entreprises) que leurs campagnes ne pouvaient le suggérer avant leur arrivée au pouvoir. Mais ainsi, on peut se demander si, en fait, Tsipras, comme Hollande, ne suivent pas le chemin tracé par Tony Blair, d’une gauche de gouvernement qui vire tellement à droite qu’elle peut priver d’espace politique son principal adversaire, pour gagner.
On ne saura jamais complètement si Alexis Tsipras était véritablement sincère avant la campagne de janvier ou s’il n’est que le digne représentant d’un peuple, qui, pour l’instant, préfère encore l’austérité sous tutelle à l’indépendance. Voilà comment une gauche dite radicale vire blairiste…