Tu seras fonctionnaire, mon fils

par Kalman SCHNUR
lundi 30 mai 2016

Sixième République, dissolution, referendum et balivernes.

‘’ En France, l’administration a survécu à tous les changements de régime …. parasite dans le corps politique, défendant ses propres intérêts…. organisme inutile dont le seul but semble être … d’empêcher un développement économique et politique normal ‘’. 

Hannah Arendt, « Les Origines du Totalitarisme ».

 

TU SERAS FONCTIONNAIRE, MON FILS.

Sixième République, dissolution, referendum et balivernes. 

Par Kalman Schnur

 

N’y voyez surtout pas un cas pathologique d’anti-fonctionnarisme primaire. Bien au contraire, le fonctionnaire français est très majoritairement dévoué, efficace, honnête et… modestement rémunéré.

MAIS.

L’impéritie gouvernementale endémique en France génère un engouement quasi-révolutionnaire pour de tripatouillages constitutionnels ou électoraux ; des voix et non des moindres appellent de leurs vœux une sixième République, démission, dissolution, referendum….

Utopies que tout ça ; car sans autres changements, ce seraient de calamiteux gaspillages de temps et d'énergie qui ne serviraient à rien tant que le problème principal du pays n’est pas reconnu comme tel et traité à la racine.

La surreprésentation d’élus fonctionnaires et assimilée aux instances dirigeantes politiques, atteignant souvent la majorité à l’Assemblée Nationale, au Sénat, au gouvernement et dans l’administration territoriale, alors que les fonctionnaires sont minoritaires dans la population, est à la fois la cause et la conséquence de leur surnombre dans le pays et de l’inefficacité congénitale de la gouvernance française.

La cause en étant, non la disposition naturelle de nos fonctionnaires pour la chose politique, mais une exception française qui les incite, au détriment d’autres citoyens, à prendre le risque de la candidature politique ; vu que pour eux ce risque n’existe pas.

Le fonctionnaire français qui se présente au suffrage, en cas d’échec, retrouve sa situation initiale ; en cas de succès, conserve son statut de fonctionnaire le nombre de mandats nécessaire.

Même au terme d’une carrière politique de plusieurs décennies il redevient fonctionnaire avec ancienneté, droits de retraite et d’avancement cumulés intacts.

Alors que le commun des mortels du « privé », le chauffeur de taxi ou la caissière d’hypermarché (le pharmacien, le notaire, l’ouvrier…) perdrait sa place en allant à la chasse (au mandat).

Ce qui explique la quasi absence aux instances politiques en France des forces vives de l’Entreprise : dirigeants, experts comptables, ingénieurs, commerciaux, indépendants… ; leur expertise ne s’y exprime donc que rarement ; pourtant le secteur « privé » est très majoritaire dans la population.

Ce qui explique l’omniprésence des fonctionnaires en ces instances. Et les chiens ne font pas de chats.

Ce qui explique l'incompétence gouvernementale, vu l'absence des délégués des centaines de milliers d'Entreprises, notamment des PME, au cœur de la décision politique. On ne consulte l'Entreprise que contraints et forcés, pour la forme et souvent trop tard ; en n’oubliant jamais l’unique utilité qu’on lui reconnait volontiers ; celle de vache-à-lait…

Pourtant, nous sommes tous citoyens ; ce qui nous procure deux droits : celui de voter et celui de présenter sa candidature ; tous les autres en découlent. La facilité d’accès à la délégation politique accordée à une minorité au détriment de la majorité transforme donc la démocratie française en illusion, l'égalité devant la loi en leurre ; un régime livré à une sorte d’aristocratie corporatiste, souvent héréditaire, à base de cooptation et consanguinité intéressée et idéologique.

Avec l’ENA, on ne le dira jamais assez, tremplin aux fonctionnaires aspirants au pouvoir, pour sommet émergé de l’iceberg….

Le tout incarné par le népotisme à peine voilé du cas Hollande-Ségolène qui passe quasiment inaperçu, tant l’énarque qui fait la courte-échelle à l’autre est devenu chose banale. Car, que l’on se le dise : dans ce magnifique pays comptant 65 millions de citoyens, dont nombreux sont compétents, expérimentés, diplômés et travailleurs, n’aurait-on pu trouver un excellent ministre de l’écologie autre que la maman des quatre enfants du Président de la République ? Sachant que la gouvernance honnête doit, certes, se faire ; mais surtout SE VOIR ?

Ce duo caricatural représente (à son insu ?) la quintessence du mal français. Fonctionnaires enfants de fonctionnaires, n’ayant jamais mis les pieds dans une entreprise sauf en visites ministérielles orchestrées avec force caméras et micros, ignorant de quoi est faite la branche qui les porte au point de la scier de toutes leurs forces.

C’est de cette engeance que dit Régis Debray « ce n’est pas rien de monter dans une voiture avec chauffeur à 23 ans et ne jamais en sortir ».

La France, de ces faits, n'est pas une nation comme d’autres, ayant confié la gestion de ses affaires à un appareil administratif dénommé l'Etat. Elle est, comme au bon vieux temps de la monarchie, un Etat qui dispose d'un pays.

A comparer aux Anglo-saxons (honni soit qui mal y pense…) qui, c’est simple, imposent à leurs « civil servants » qui souhaitent s’engager en politique de démissionner de la fonction publique et couper le cordon ombilical à jamais.

Le système de nos amis britanniques et autres, diamétralement opposé au mode opératoire français, assure donc un cloisonnement étanche entre le politique et l’administratif ; vu qu'un fonctionnaire se doit d'agir en totale indépendance de toute considération politicienne ; la séparation des pouvoirs et la bonne gouvernance étant à ce prix.

Ne cherchons plus la cause de la paralysie. Un pays dont la gouvernance se prive de ses meilleurs atouts ; dont la colonne vertébrale n’a aucune voix au chapitre ; ne peut pas aller autrement.

Les incessants appels actuels au tripatouillage constitutionnel semblent vouloir noyer le poisson pour conserver les prérogatives d’une classe dirigeante issue du fonctionnariat.

Aligner les droits légaux de tous à l’accès à la fonction politique résoudrait la problématique française principale en dix ans ; deux mandatures, ce n’est rien dans la vie d’une nation millénaire. 

   Kalman Schnur ; mai 2016     


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