Un euro manquant de cohérence mais pas responsable de tous les maux. La preuve par la situation britannique

par Fabien Buzzanca
jeudi 11 octobre 2012

Si la situation américaine est plus que préoccupante, celle de l’Europe n’a rien à lui envier en termes d’inquiétudes. La monnaie unique avait certes de nobles buts, mais il apparaît aujourd’hui criant qu’elle a vu le jour dans un contexte totalement inapproprié. Comment avoir pu espérer mettre en compétition des pays totalement différents au sein d’une même zone monétaire, le tout en faisant tenir une monnaie unique ? Tout simplement du suicide … Mais si l'euro tel qu'il existe n'est pas moteur de croissance, il n'en est pas responsable de tous les maux européens pour autant.

Si la monnaie unique avait pris naissance dans une Europe fédérale à la dette mutualisée, à la banque centrale forte, présidée par des hommes élus au suffrage universel, au ministre des finances chargé de mener une politique commune, en bref dans une Europe unie au sein de laquelle tout le monde tire dans le même sens afin d’atteindre le même but, alors la monnaie unique aurait été un formidable outil, une véritable machine de guerre financière. Au lieu de tout cela, l’Euro sert plus ou moins les intérêts de certains pays de la zone alors qu’il en mène d’autres droit au fond de l’abime entrainant toute la zone avec elle. Il est pourtant tellement simple de comprendre que des pays aux compétitivités totalement différentes ne peuvent pas être mis en concurrence au sein d’une même zone monétaire, le tout en espérant faire tenir une monnaie unique et ce sans faire de dégâts irréparables sur les économies des pays la composant. Il en résulte aujourd’hui que la crise a mis à jour cette aberration et qu’à la suite de nombreux plans de sauvetages, cures d’austérités, politiques non-conventionnelles de la BCE (banque centrale européenne) la situation grecque est toujours insoluble, l’Espagne s’enfonce un peu plus chaque jour dans la tourmente, la santé financière italienne est un motif d’interrogations de plus en plus nombreuses et je ne parle pas du Portugal ou de l’Irlande.

Les institutions européennes sont dans un état de paralysie à peine masqué par l’activisme apparent d’un Mario Draghi qui se sait empêtré dans ce marasme politico-institutionnel et la situation sociale se dégrade à mesure que le chômage augmente et que les plans d’austérités gouvernementaux sévissent. Cependant l’Euro n’est pas responsable de toutes les difficultés du vieux continent, la preuve en est la situation très compliquée dans laquelle se trouve le Royaume-Uni et qui revêt là, des aspects plus similaires à l’autre géant anglo-saxon, les Etats-Unis. 

Le Royaume-Uni est également à l’instar des Etats-Unis et du Japon, un adepte de la planche à billet. La banque centrale britannique imprime donc de la monnaie afin de financer la dette du pays et l’effet est le même que pour ses camarades, un creusement du puis sans fond. Le fait que la City de Londres soit une place financière de premier ordre , donc très exposée, n’arrange en rien l’affaire et même si les grandes banques britanniques ont été largement bénéficiaires de grands plans de soutiens publics (3ème place mondial à 4% du PIB entre 2007 et 2011), le système financier reste très fragile outre-manche. Le Royaume-Uni est dans une situation encore plus précaire que les Etats-Unis. Afin de le vérifier, il est intéressant de jeter un œil plus en détail sur l’état des finances du pays de sa majesté. L’institut Mac Kinsey chiffrait, en 2011, la dette totale (ménages, associations, financière et publique) à 507 % du PIB ! Lorsque l’on prend uniquement le ratio de la dette financière par rapport au PIB, le Royaume-Uni arrive en tête du classement mondial avec 220 % du PIB (2011). Autant dire que les voyants sont au rouge cramoisi. Lorsque que l’on prend en compte la quantité des dettes ainsi que la dynamique de celle-ci (balance courante des paiements, déficit budgétaire primaire, épargne des ménages et évolution démographique) on s’aperçoit que sans le subterfuge de la planche à billet qui permet au pays de maintenir des taux d’intérêts très bas, le Royaume-Uni est l’état, après le Japon, qui risque le plus le défaut de paiement au monde ! Devant des pays comme la Grèce ou l’Espagne ! Et lorsque l’on sait que le pays est à nouveau entré en récession au quatrième trimestre 2011 après avoir subit un recul historique de son PIB de l’ordre de 5 % en 2009, on se dit que l’avenir est plutôt sombre. Le produit intérieur brut vient d’ailleurs de reculer de 0.7 % au deuxième trimestre 2012 (première estimation qui sera sans doute revue négativement) et ce troisième trimestre de baisse consécutive représente la plus importante chute du PIB depuis 2009. La stratégie de mise à l’écart volontaire du pays par rapport à ses voisins européens et surtout ceux de l’eurozone s’avérera au final, peut-être, suicidaire.

L’aspect géopolitique joue surement un rôle important dans cette affaire. L’eurozone se désolidarise de plus en plus des Etats-Unis après 50 ans d’affiliation économique post plan Marshall et les USA voient peut-être d’un mauvais œil le renforcement d’une eurozone qui pourrait à terme mener à l’avènement d’une super-puissance économique qui lui ferait de l’ombre sur l’échiquier géopolitique mondial en plus de la menace venant des pays émergeants et plus particulièrement d’Asie. Devant ce rapport de force dans l’ombre, les élites de l’upper class britannique ont choisi leur camp et montrent sans cesse qu’ils ne sont pas impliqués dans les changements à venir au sein de l’Union Européenne, changements impulsés par l’eurozone, quand ils ne font pas tout pour les freiner (récente menace de blocage du budget de l’UE par David Cameron). Reste que cette décision pourrait s’avérer fatale et l’explosion pourrait s’avérer être une implosion.

En effet, les mouvements de protestations au sein du peuple se sont intensifiés ces dernières années contre l’austérité à commencer par les étudiants (affrontements en plein cœur de Londres en décembre 2010) et surtout les violentes émeutes qui ont frappé la capitale du royaume il y a un an lorsque qu’en Août 2011, les quartiers sensibles de la ville se sont enflammés. La situation sociale est explosive et l’on comprend pourquoi, récemment, Nick Clegg, le vice premier ministre, a demandé à ce que les foyers les plus aisés du pays soient taxés de façon plus importante. Manière de faire passer un message aux classes moyennes et de donner une fugace impression de justice dans un état où l’injustice règne.


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