Un parti politique dangereux et bien vivant, le Front National

par parlons-en
jeudi 15 mai 2014

Si le peuple offre sa voix citoyenne à un parti, c’est qu’il faut le prendre au sérieux. On peut reprocher une multitude de choses au Front National, son plus grand défaut étant son manque de loyauté envers ses électeurs. Mais en démocratie telle que nous l’utilisons sous la Vème République, il y a une règle de jeu que le FN n’enfreint pas : la popularité électorale.

 Progressivement, le FN fait sa place dans le demi-camembert politique français. Il monte, il monte ; malgré les nombreuses attaques engagées par ses adversaires, ce parti fortement critiqué ne cesse de gagner des voix au sein de toutes les couches sociales. Alors comment se comporter devant cette entité dangereuse pour la République et toutes les valeurs qu’elle a fondées depuis son éveil ? Comment les partis politiques et groupes intellectuels doivent-ils réagir face aux propos racistes, aux programmes politico-économiques populistes et incohérents ou encore aux menaces médiatiques des agents du FN ? Réflexion.

 On ne peut pas continuer de nier l’importance du FN. Cessons de traiter ce parti comme une erreur, comme une blague. Si une vingtaine de pour-cents des Français leur délèguent leur responsabilité civique, ce n’est pas par erreur. Le FN ment, le FN dénigre, le FN manipule et le FN méprise. Mais quel autre parti ne le fait pas ? Aux yeux de la majorité des électeurs, le FN est l’un des partis les plus honnêtes parce qu’il met des réponses aux questions taboues ou complexes. Il ne craint pas d’avouer aux peuples ce que d’autres n’osent aborder. Leur discours est-il légitime dans leurs arguments ? Bien sûr que non, mais quelle différence ?

 La politique, dans son sens de l’exécution du pouvoir tout comme dans le sens de l’obtenir, est un travail d’une complexité bien difficile à estimer aux yeux de la population. Mentir sur une mesure politique est aussi invisible que de dire la vérité : tout est dans la dialectique. Or, le FN surpasse ses adversaires en matière de dialectique, comme l’a fait Nicolas Sarkozy avant d’atteindre son précieux Graal. De l’autre côté, et ce depuis quelques 2 ou 3 ans, les deux plus gros partis politiques de France n’assurent pas la riposte. L’UMP s’enlise dans une crise de gestion et le PS dans une crise de communication. Alors que faire ?

 Le meilleur moyen de combattre un ennemi, c’est de connaitre ses point forts et points faibles. La grande qualité que le FN a su entretenir depuis des années est l’unicité, suivie de la franchise. N’ayant jamais brigué de mandat digne d’un parti à 20%, ils ne sont pas limités par la langue de bois ; les couacs racistes et les propos irrespectueux sont vite oubliés. La grande patronne illégitime du parti (oui il faut dire que cela fait plusieurs décennies que la famille Le Pen est à la tête du FN) a su déculpabiliser ses électeurs, grâce à la négligence de ses adversaires et des médias devant les mensonges.

 Ah les médias… La liberté de la presse est une bien belle conquête, et elle continue d’être défendue. Mais il s’agit surtout d’une liberté de penser, non d’action. Le FN est devenu la coqueluche malgré le peu de mandataires que ce parti représente. Les audiences dépassent les prévisions, et les bénéfices rentrent. Alors on continue d’inviter sans cesse des membres du FN au détriment de partis bien plus importants comme le Front de Gauche, EELV, le modem ou encore l’UDI, dévalorisant totalement les débats. Le premier effort doit donc venir des acteurs médiatiques : le débat politique doit se rééquilibrer vers des castings plus hétérogènes et des sujets plus prioritaires comme la lutte contre la pauvreté ou l’écologie, et non ce satané caprice identitaire.

 Le second effort à engager doit venir de la société civile et des partis politiques adverses. Le FN ment, alors prouvons-le, et mettons tous les moyens disponibles pour que les Français comprennent que le FN leur ment. Car oui, le FN ment sur l’efficacité de ses mesures, de quelque domaine que ce soit. Au-delà de démolir ces mensonges, il faut riposter avec franchise, parler au peuple comme ils veulent qu’on leur parle. Assumer la complexité du travail de législateur et cesser de formaliser les arguments au risque de perdre la confiance des auditeurs, faire preuve de pédagogie. En clair, redonner au débat politique le sens qui lui est dédié, celui de partager avec ceux qui votent la réflexion des idées. Les aider à estimer, à comprendre, à évaluer.

 On entend souvent que « les Français ont besoins d’un cap ». Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas, mais bien qu’ils ne le perçoivent pas.


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