Une campagne qui commence mal

par Michel DROUET
mardi 21 septembre 2021

On voudrait que le taux d’abstention pour les présidentielles explose qu’on ne s’y prendrait pas autrement. L’indigence du débat actuel, où chacun joue des coudes, limite notre horizon et occulte les vrais problèmes.

Les petites phrases qui marquent les esprits

C’est aussi l’instant des petites phrases le plus souvent vides de sens mais qui vont être reprises dans les médias : « Le travail doit payer », « il faut rendre du pouvoir d’achat aux français » et l’inévitable « Cela mérite un débat »

Certes, le travail doit payer, mais à part l’augmentation du SMIC en fonction de l’inflation et les ouvertures pour les métiers en tension, on ne voit pas se profiler de revalorisations significatives pour les métiers de première ligne. Parallèlement, les exonérations, primes ou baisses diverses de charges aux entreprises ne semblent pas produire d’effets majeurs sur l’emploi, mais augmentent souvent la rente…

Alors pour contourner ce système sclérosé, on « rend du pouvoir d’achat aux français », comme si les comptes publics pouvaient le permettre : fin de la taxe d’habitation, diminution des charges salariales. Personne ne s’en rend compte mais « rendre du pouvoir d’achat » comme le fait l’Etat signe son incapacité à faire en sorte que le « travail paye ». Les entreprises disent merci : en sus des baisses de charges et autres exonérations, elles se voient dispensées d’augmenter les salaires. Jusqu’où peut-on aller dans cette voie ? Déjà les chèques énergies pour prendre en charge l’inflation. Bientôt les chèques pour pallier l’augmentation des pâtes alimentaires, ou acheter du PQ ? L’Etat s’appauvrit, s’endette jusqu’à ce que ce que nos prêteurs ferment le robinet et que l’inflation reparte. Alors là, le pays sera mur pour « réformer » les retraites, le système des assurances sociales et des prestations familiales… Bingo pour les riches !

Certains candidats à la présidentielle emboitent le pas de l’Etat dans sa volonté de « rendre du pouvoir d’achat ». Mme Le Pen propose de supprimer de la redevance télé et de privatiser l’audiovisuel public : champagne pour les milliardaires qui pourront racheter ces chaînes et nous proposer la même bouse de téléréalité ou de séries américaines. Dans sa course à la normalisation politique visant à aider financièrement les français, elle propose également (comme Montebourg) la renationalisation des autoroutes en évitant de parler des indemnités à verser aux concessionnaires, mais c’est marginal, sans doute (plus de 40 Milliards…).

Il faut donc débattre…

Tout cela « mérite des débats », mais après avoir échangé poliment, ceux qui sont d’accord pour débattre (et ils le sont toujours, comme nos fameux éditorialistes politico-économiques) concluent d’emblée que cela ne sera pas possible : trop cher pour nos finances, trop d’impôts à la clé, (comme la revalorisation des salaires des enseignants proposée par Mme Hidalgo), inadapté à la concurrence internationale, etc… La France est déjà en faillite : fin du débat avant même qu’il ne commence !

Et puis, les débats, comme le grand débat initié par Macron, ou sa convention citoyenne sur l’environnement (tiens, au fait, les algues vertes sur les plages bretonnes, on en est où depuis 40 ans que ça dure ?), on a déjà donné et on a vu qu’on avait rien vu, à part une campagne médiatique à la gloire du Président. Déjà que les enquêtes d’utilité publique sur les PLU ou l’implantation d’activités polluantes font déjà l’objet d’une grande bienveillance de la part des commissaires enquêteurs…

Donc, les débats, c’est de l’entre soi, de la connivence, juste une formalité entre copains, des petits raouts auxquels vous ne serez jamais invités, des dossiers ou des observations que vous enverrez et qui finiront à caler les armoires des Préfectures.

Soyons un peu naïfs…

Serait-ce trop demander aux candidats de cesser de créer des écrans de fumée pour abuser les citoyens et détourner leur regard des vraies questions ?

Serait-il possible que les décisions soient prises dans l’intérêt général et de la santé des français et non suspendues à l’arbitrage de lobbies ?

Est-il déraisonnable d’exiger que la question de la drogue soit réglée en amont c’est-à-dire avec les pays producteurs proches de la France plutôt que de voter une énième loi répressive qui ne règlera rien ?

Peut-on réclamer une politique fiscale et sociale juste en faisant contribuer les plus aisés et combattant efficacement la fraude aux cotisations et l’évasion vers les paradis fiscaux ?

Peut-on dire clairement qu’il y a trop de structures administratives en France, trop de collectivités territoriales et trop d’élus professionnels qui sclérosent le système et en vivent, et que cela coûte très cher ?

Pourra-t-on débattre de ces questions, et d’autres, pendant la campagne électorale et surtout avoir des propositions autres que des promesses qui n’engagent que ceux qui les croient ?

Est-ce trop demander ? (je pense avoir déjà la réponse)

 


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