Une pétition en vue de la vérité sur les attentats de Karachi
par Catherine Segurane
samedi 31 juillet 2010
L’attentat du 8 mai 2002 à Karachi a fait 14 morts dont 11 Français. Il fut originellement attribué à Al Qaïda, mais un rapport confidentiel saisi à la DCN ouvre une autre piste : celle d’un règlement de comptes, à l’initiative des services secrets pakistanais, faisant suite au refus par Jacques Chirac de régler des commissions occultes promises pour la vente de sous-marins, commissions qui seraient elles-mêmes liées au financement de la campagne d’Edouard Balladur (que soutenait à l’époque Nicolas Sarkosy). Les familles de victimes se battent pour obtenir la vérité, et viennent de lancer une pétition dénonçant les entraves à la justice en cette affaire.
Mercredi 8 Mai 2002, comme chaque matin, à la même heure et suivant le même trajet, le bus, facilement identifiable de la Pakistan Navy, a pris en charge les ouvriers et techniciens de la DCN devant l’hôtel Avary, où plusieurs d’entre eux séjournaient, avant de se rendre devant l’hôtel Sheraton où résidaient les autres expatriés.
Tous devaient être acheminés vers l’arsenal de Karachi où ils travaillaient à l’assemblage du 3ème sous-marin Agosta vendu par la France au Pakistan.
Une Toyota Corolla se place à côté du bus tandis que les portes se referment. A 7h45 (heure locale), la voiture du kamikaze explose faisant 14 morts, dont 11 français, et 12 blessés.
Une cérémonie officielle a eu lieu le lundi 13 Mai, en présence de Jacques Chirac qui rend hommage aux victimes et assure qu’il n’y aura pas de sanctuaire pour les terroristes ... Paroles, paroles ... en réalité, l’enquête va d’obstacle en obstacle, et toutes les embûches ne se situent pas en orient.
A la suite de l’attentat, le 27 mai 2002, une information judiciaire a été ouverte en France et diligentée, dans un premier temps, par les juges d’instruction Jean – Louis Bruguière et Jean – François Ricard.
Tout de suite, c’est la piste Al Qaeda qui est privilégiée par les enquêteurs. Une piste qui semble alors se confirmer avec l’arrestation, en septembre 2002 à Karachi, d’un haut responsable du réseau d’Oussama Ben Laden. Le 12 novembre 2002, un enregistrement audio, attribué à Ben Laden, diffusé sur la chaîne Al Jazira cautionne les actes terroristes commis au cours des derniers mois contre les occidentaux et cite notamment l’attentat de Karachi (il ne s’agit pas pour autant d’une revendication).
Depuis fin 2008 l’instruction semble prendre un nouveau souffle, le collectif de Familles de Victimes Décédées dans l’attentat de karachi engage un nouvel avocat, Maître Olivier Morice.
Jean-Louis Bruguière est désormais remplacé par Y.Jannier et M.Trévidic.
La piste Al Qaeda semble laisser, petit à petit, la place à une sombre histoire de représailles liée au non versement de commissions sur un contrat d’armement par l’Etat français, avec en toile de fond l’instrumentalisation d’un groupe islamiste par les services secrets pakistanais (Source : Médiapart du 16.09.08 et Le point du 4.12.08).
Le Point nous résume ainsi le rapport Nautilus :
"Daté du 11 septembre 2002, le document est long de trois pages et ne porte aucune signature. Sous le nom de code « Nautilus », il résume les conclusions d’une mission de renseignement commandée par la DCN dans les mois qui ont suivi l’attentat. Son origine n’est pas établie, mais son contenu comme sa forme indiquent nettement que ses auteurs ont eu accès à des sources liées à différents services secrets, français et étrangers.
Le texte débute ainsi : « Après de nombreux contacts, tant en Europe qu’au Pakistan, nous parvenons à la conclusion que l’attentat de Karachi a été réalisé grâce à des complicités au sein de l’armée. » Les auteurs anonymes précisent que « les personnalités militaires ayant instrumentalisé le groupe islamiste qui a mené à bien l’action poursuivaient un but financier » : le versement de « commissions non honorées » sur la vente des sous-marins, dans le cadre du contrat Agosta. Le rapport affirme en effet que ces versements avaient été interdits par Jacques Chirac en 1995, aussitôt après son entrée à l’Elysée, afin d’« assécher les réseaux de financement occultes » au service d’Edouard Balladur.
Mais le veto présidentiel aurait, par ricochet, privé certaines personnalités pakistanaises des sommes qu’elles attendaient. Au premier rang de celles-ci figurait Asif Ali Zardari, mari de Benazir Bhutto, alors Premier ministre-le même Zardari qui dirige désormais le pays, après l’assassinat de son épouse, en 2007 et l’élection présidentielle… Le rapport cite en outre, parmi les bénéficiaires, l’ancien chef d’état-major de la marine Mansurul Haq, aujourd’hui emprisonné pour corruption au Pakistan. A en croire le document, cet officier équivoque « se servait de ce type de contrat d’armement pour dégager des crédits afin de financer les guérillas islamistes », orchestrées en sous-main (notamment au Cachemire) par l’Inter-Services Intelligence (ISI)-le service secret pakistanais, si puissant qu’il a toujours fait figure d’Etat dans l’Etat.
Autant d’indications invérifiables de prime abord pour un juge parisien, mais qui s’emboîtent de façon troublante dans les béances de l’enquête officielle."
Invérifiables, peut-être pas, mais, pour les vérifier, les obstructions à la justice se multiplient.
Deux journalistes de Mediapart, Fabrice Arti et Fabrice Lhomme, publient un livre intitulé Le Contrat, et sous-titré Karachi, l’affaire que Sarkozy voudrait oublier. Médiapart présente le livre en ces termes :
"Dans tous les cas, l’attentat n’est pas le centre du propos de Fabrice Arfi et Fabrice Lhomme dans leurs enquêtes pour Mediapart que prolonge, approfondit et développe leur livre pour Stock. Leur fil rouge, c’est la corruption. Une corruption non pas en marge de l’Etat, mais en son cœur, dans le cadre de pratiques stupéfiantes, baptisées « Frais commerciaux exceptionnels » (FCE), tolérées jusqu’en 1997, aussi bien sous la gauche que sous la droite. Une corruption que, dans le cas d’espèce du contrat pakistanais de 1994, non seulement ne pouvait ignorer Nicolas Sarkozy en tant que ministre du budget donnant son autorisation, mais dont plusieurs documents et témoignages rapportés dans Le Contrat montrent qu’il l’a personnellement suivie de très près."
Cependant, Médiapart, lui-même très en pointe sur cette affaire, n’est pas dépourvu d’intentions extérieures à l’affaire de Karachi. En particulier, il fait un parallèle osé avec les attentats du 11 septembre, et relaie la thèse aussi récurrente qu’abracadabrantesque qui voudrait que l’administration américaine cache des choses sur cette dernière affaire et sous-entend que les islamistes ne seraient pas les vrais coupables.
On peut y lire :
"Dès lors, on a du mal à comprendre pourquoi la plupart des journalistes français font coalition et s’opposent à toute réflexion critique de la thèse officielle des attentats du 11 septembre 2001 donnée par le gouvernement Bush. Nous avons pourtant sous les yeux, une affaire de moindre envergure, mettant directement en cause des dirigeants de notre pays ; et l’on constate une réponse similaire du pouvoir politique, qui vise à étouffer l’affaire pour se protéger de fâcheuses retombées. Autre similitude, le bouc-émissaire tout trouvé est Al Qaeda. Et malgré le fait que l’ex-directeur du contre-terrorisme de la DGSE ait déclaré qu’Al Qaeda était morte en 2002, le juge Bruguière, lancé dans l’aventure politique au sein du groupe UMP, n’a cessé de désigner ce coupable facile en évitant méticuleusement tous les éléments pointant la responsabilité vers des responsables politiques.
N’y voyez pas un raccourci hâtif, les nombreux parallèles entre ces deux affaires sont réunis ici pour prouver aux sceptiques qu’il est primordial de pouvoir enquêter sur ce qui s’est passé le jour du 11 septembre 2001. Tout comme les familles des victimes de l’attentat de Karachi, de nombreuses familles des victimes américaines réclament encore, neuf ans après, une enquête indépendante pour comprendre les raisons du décès de près de 3000 personnes."
Avec de tels alliés, les familles des victimes de Karachi ne sont guère aidées ...