Une vie politique zombifiée qui ne sait plus où va la France

par Bernard Dugué
samedi 21 septembre 2013

L’actualité de la politique révèle un phénomène fondamental qui n’est sans doute pas spécifique à la France mais qui marque notre époque. Les partis politiques vivent une crise d’identité, sauf peut-être le FN qui a trouvé son identité en s’appropriant la Nation mais sans les Français. Le FN se sert de la nation française pour mener à terme son projet, troublant de ce fait une vie politique qui en vérité s’est troublée elle-même. Le paradoxe étant que les partis conventionnels qui se sont partagé le pouvoir depuis 30 ans tentent de trouver une partie de leur identité en se positionnant face au FN. Ce qui, n’en doutons pas, ne résoudra par la crise d’identité vécue par les formations politiques dont l’origine est assez lointaine puisqu’elle remonte à 30 ans. D’ailleurs, la dernière campagne électorale basée sur des projets de société remonte à 1981. Au moment de la chute de l’empire soviétique, quelques observateur on cru bon déceler un sentiment de mélancolie et de perte de repères pour les intellectuels et politiciens. Le prétexte est trop facile. Les repères ont été perdus bien avant la chute du mur, quelque part entre 1983 et 1986.

30 ans au cours desquels la perte d’identité des partis et de la France s’est accentuée, après la rupture de 1983 puis diverses tendances où le marché et la globalisation ont gagné les esprits alors que l’Europe contribuait à cette perte d’identité nationale qui en 2013, a atteint des sommets pour ainsi dire. Ce qui offre l’occasion de tracer la conjecture de l’être et du temps. Quand on ne sait plus qui on est, on ne sait pas où l’on va. Cette conjecture pouvant être renversée pour une version plus moderne et en phase avec ce que l’on sait de l’existence depuis les réflexions de Heidegger et Sartre. Celui qui ne sait pas où il va ne sait pas qui il est. Etre, c’est se projeter dans l’horizon du temps. Mais aussi jouer sur le débordement de l’Etre pour accroître le contenu de ce qu’on appellera le champ sociétal. Ce contenu pouvant être de deux natures, matériel, technologique, ou bien spirituel, intellectuel, artistique.

Peut-être que le temps où la politique définissait la nation et réciproquement est révolu. D’où la crise d’identité des partis dès lors qu’ils parlent de la France. Alors que les élus locaux ont sans doute moins de problèmes à se définir, ayant en ligne de mire la gestion des équipements et le souci des gens sur un territoire limité. Bref, des élus incarnés en super intendants locaux habilités à superviser le fonctionnement des structures et accompagner si nécessaire la vie des gens. C’est de la gestion ordinaire. Contrairement à la gouvernance nationale qui devrait en principe formuler un cap, un horizon pour la société. Mais qui ne parvient pas à le faire. Les politiciens sont sans envergure pour la plupart. Il manque des visionnaires. Dans le monde intellectuel aussi. Ce qui n’exclut pas l’hypothèse de visionnaires présents mais que l’on n’entend pas car les bonimenteurs et les habiles diffuseurs d’idées mainstream occupent le terrain médiatique sans que la profession ne s’en inquiète, je parle des médiarques évidemment.

D’ailleurs, ce sont peut-être des mêmes médias qui participent à un brouillage des visions d’avenir, se contentant de diffuser des débats à orientation polémique portant sur des sujets prosaïques voire insignifiant, la plupart liés à des question d’économie, de fiscalité, de sous, de faits divers et autres incivilités du quotidien sans conter les reportages sur les mécontentements et autres colères, certaines étant néanmoins légitimes. Et l’environnement en guise d’enjeu déterminant avec des tas de taxes alors que le premier problème, c’est le climat social qui se dégrade d’année en année. On peut penser alors à une vie politique zombifiée, déconnectée de la vie quotidienne des gens, ignorante de la vitalité sociale ou du moins ce qu’il en reste. Vu qu’il n’y a plus d’élan collectif, de projets communs, les politiciens ne sont pas incités à répondre à la nécessité d’élaborer un projet de société. Ils gèrent les affaires économiques, sociales, techniques, avec des régulations et des arbitrages. Dans une société où l’individualisme et les communautarismes ont pris un essor conséquent.

Dans une société désunie et sans projets collectifs, les populations sont vouées à être asservies par les intérêts des plus puissants, des dominants, surtout grâce aux médias de masse qui servent les élites dans leurs objectifs de « réussite sociale et économique ». Et le gouvernement ? Madame Filippetti n’a pas hésité à vanter les mérites du développement culturel parce qu’il est un gisement pour la croissance. Autant dire que la pensée politique zombifiée. Cela dit, la ministre de la culture a peut-être eu une formule malheureuse employée pour défendre son budget. Mais cette formule en dit long sur les horizons visés par la vie politique. Croissance toute et un peu de transition écologique pour rendre « morale » la croissance. Les partis politiques ne savent plus qui ils sont et où ils vont. A part aller dans la conservation des avantages que procure la profession de politicien.

Pour nos amis allemands, la situation de la vie politique est pire qu’en France si l’on en croit les dernières nouvelles des analystes et intellectuels d’outre-Rhin pour qui la démocratie est devenue apathique, sans élan, sans idée, le peuple allemand étant résigné face à la puissance du marché et l’impuissance des politiciens, lesquels sont carriéristes ou corrompus mais peu soucieux de l’intérêt d’un public qui finit par ressembler au dernier homme dépeint par Nietzsche. Ce qui laisse supposer un cercle vicieux de la démission politique joué entre les élites et la population alors qu’un autre cercle de domination se révèle, non pas comme vertueux mais fructueux. Les riches et les dominants gagnent la partie. La société est devenue une jungle darwinienne. Quant les instincts de bestialité humaine dominent, dans tous les champs de la société, la vie politique se zombifie et les vampires sont rois.


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