Une vraie campagne électorale présidentielle française, ça se mérite ! (partie 1)

par Thierry SALADIN
lundi 11 janvier 2016

Avec toutes les précautions qui sont de mise, à quinze mois de l’échéance, il semble que les jeux soient faits : au premier tour de l’élection présidentielle qui aura lieu à la fin du mois d’avril 2017, sauf énorme surprise causée par on ne sait trop quoi, Marine Le Pen devrait figurer parmi les deux candidats qualifiés, et peut-être même qu’elle virera en tête au soir du premier tour.

Ce cas de figure est d’autant plus probable qu’il est en fait souhaité et même préparé par le pouvoir, afin d’assurer la réélection dans un fauteuil de François Hollande. Les Français seraient pour ainsi dire cocufiés puisqu’ils seraient obligés d’éliminer au second tour Marine Le Pen en votant par défaut pour l'autre candidat, lequel tout comme son prédécesseur à l’Élysée, Nicolas Sarkozy, a un bilan catastrophique et sera probablement jugé sévèrement par l’Histoire, car elle saura les mettre l’un comme l’autre à leur vraie place : celle de présidents faits néant.

Les Français sont-ils condamnés à cette unique option : choisir au second tour de la présidentielle de 2017 entre Marine Le Pen et un candidat dit républicain, c’est-à-dire issu soit du Parti socialiste soit du parti qui s’appelle désormais Les Républicains ?

Autrement dit, peut-on échapper à ce cas de figure ? Il me semble que oui, et que cela dépend de deux facteurs : une volonté de certains acteurs de la vie politique française, mais aussi et surtout de chacun de nous.

Examinons tout d’abord la situation.

Devraient être candidats à cette élection présidentielle, outre les représentants du trio infernal (FN, LR, PS), les éternels seconds couteaux, (DLF, Modem, EELV, Front de Gauche, NPA et ou Lutte ouvrière). Ajoutons le parti CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) et le compte devrait y être, à peu de choses près. En gros une dizaine de candidats avec peut-être en plus un ou deux petits nouveaux. Quoique... (voir plus loin).

Le discours de tous ces gens-là est bien connu et peut se résumer ainsi : « Construisons une autre Europe ! ». Il ne sont pas d’accord sur le type d’Europe qu’ils souhaitent, mais ils veulent la changer. Et cela fait vingt ans au moins que tout ce petit monde nous serine avec ça. Élection après élection.

Et bien entendu, rien ne change.

Rien ne change ? Si, tout s’aggrave.

Pour qui a lu les traités européens, il ne fait aucun doute que « l’autre Europe » est un mythe. Cela ne peut pas arriver et n’arrivera jamais, tout simplement parce que les traités ne pourraient être amendés qu’à condition de réunir l’unanimité des pays membres. C’est ainsi.

Autrement dit, « Circulez, y a rien à voir !  » comme aurait dit Coluche.

En outre les traités européens priment sur la Constitution française.

C’est pour cela que la Constitution de la Cinquième République, celle que de Gaulle voulait pour la France et qui fut approuvée le 28 septembre 1958 par voie de référendum (par 82% des suffrages exprimés, et un taux d’abstention de 19%) est constamment modifiée depuis 1992 afin d’être mise en adéquation avec les traités européens.

Elle est modifiée, mais on se garde de bien de demander au peuple ce qu’il en pense. On utilise pour cela la voie dite du Congrès (sénateurs et députés se réunissent en congrès à Versailles) qui est, hélas, dans la Constitution, à côté de la procédure du référendum. Je ne m'étends pas sur ces points, certains commentaires sur cet article paru récemment sur Agora Vox l'expliquent très bien.

On est donc très loin de ce que voulait de Gaulle pour la France. Non seulement on ne consulte plus le peuple pour obtenir la légitimité s’agissant d’une réforme touchant aux institutions, mais quand on le consulte, s’il dit NON, on passe outre. Rappelons cette forfaiture politique qui consista en 2009 à faire ratifier par le Congrès un texte identique, à la virgule près, au Traité établissant une Constitution pour l'Europe (TCE) refusé quatre ans plus tôt par les Français avec 55% de NON.

Les responsables de cette forfaiture ? Le président Sarkozy au premier chef, lui qui se garda bien de consulter le peuple pour faire ratifier le Traité de Lisbonne, mais également l’ensemble de la classe politique, tous partis confondus, qui l’approuva. Citons quelques noms de OUI-istes : Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Bayrou, Ségolène Royal, Alain Juppé, ... En somme, que du beau monde.

C’est ainsi que de proche en proche, de promesses en promesses (certains diraient « de mensonges en mensonges », les institutions que de Gaulle voulait pour la France, et qu’il avait énoncées déjà en 1946 dans son fameux discours de Bayeux ont été vidées de leur substance.

En outre, lentement mais sûrement on revient au régime des partis. Celui qui fit « les beaux jours » de la Troisième et surtout de la Quatrième République. On se souvient comment cela aurait pu finir en 1958...

Par honnêteté intellectuelle, ajoutons que nous avons, nous les citoyens français une grosse part de responsabilité dans tout ce qui arrive. Une très grosse part. De renoncement en renoncement, voilà où nous en sommes arrivés.

Et ce n’est évidemment pas en taxant les politiques de « tous pourris » ou en affirmant sur le mode de l’incantation des « yaka, fokon », ni en votant pour le Front national bien entendu, que nous nous sortirons de ce guêpier dans lequel nous nous sommes fourrés. S’agissant du Front national, précisons qu’il s’agit d’une construction opérée par le système politique en place, justement pour détourner vers une voie de garage le mécontentement des Français et permettre ainsi l’alternance quasi automatique PS-LR. On rappellera que c’est François Mitterrand en personne qui prit l’initiative de recommander aux chaînes de radio et de télévision d’inviter Jean-Marie Le Pen dès le mois de juin 1982. Le calcul politique était évident : affaiblir la droite, RPR et UDF à l’époque. Il ne l’est pas moins de nos jours, avec cette fois-ci la collaboration active des médias qui entre temps ont été achetés pour servir des intérêts de pouvoirs exclusivement financiers. Ajoutons pour finir, que contrairement à ce qu'on veut faire croire aux Français, le Front national est en total accord avec la construction européenne, telle qu'elle a lieu actuellement. Il n' y a qu'à lire son programme ou visiter le site internet de ce parti pour s'en convaincre.

Précisons aussi que, fort heureusement une immense proportion des Français mécontents sont encore dotés de ce que l’on pourrait appeler le sens républicain : ils préfèrent s’abstenir plutôt que de voter pour le Front national. Cette attitude qu’il faut saluer et qui est bien en accord avec le fait que le peuple français est profondément attaché aux droits de l’homme et qu’il rejette toute stigmatisation de l’autre, n’est cependant qu’un pis aller. Ce n’est évidemment pas de cette façon, en restant à la maison le jour du scrutin, que nous contribuerons à nous débarrasser de ce système politique honteux qui est devenu une véritable machine à broyer le peuple, une machine aux ordres de l’étranger. Bien au contraire. Plus les Français s’abstiennent, et ce quelles que soient les raisons invoquées, plus ils contribuent à pérenniser un système qu’ils croient précisément combattre en s’abstenant. Mais là aussi, c’est une autre question sur laquelle je ne m’étendrai pas aujourd’hui.

Par conséquent, quand on a une once de jugeote, on comprend que le président de la République n’est plus maître de la politique économique et financière de la France et que c’est la Commission européenne qui lui dicte ce qu’il devra faire. La marche à suivre en quelque sorte. Et il s’exécute. Par gouvernement interposé.

Et ce quelles que fussent ses promesses au cours de la campagne électorale. Rappelons le mot attribué à Jacques Chirac et ou à Charles Pasqua mais qui vaut également pour tous les autres, dès lors qu'ils sont en campagne : « les promesses n’engagent que ceux qui y croient/les écoutent ». Pendant la campagne électorale, le candidat peut dire ce qu’il veut, et il ne s’en prive pas. Sitôt élu, il s’assoit sur ses promesses et va aux ordres. Deux directions privilégiées : Washington et Bruxelles.

Ainsi sont les traités européens. Des traités, répétons-le, que nous avions pourtant rejetés par voie de référendum en mai 2005 avec 55% de NON. Des traités, encore une fois, que nous ne pourrons jamais amender, et en quoi que ce soit, avec nos 27 partenaires. 27 partenaires aujourd’hui, certes, mais demain 29 ou 30, puisque tout cela est déjà dans les cartons : bientôt, la Serbie, la Macédoine, l’Albanie, la Turquie entreront dans l’Union Européenne (UE).

Vous ne le souhaitez pas ? Aucune importance, cela se fera quand même. Un jour, la Turquie entrera dans l’UE, tout simplement parce que les États-Unis d’Amérique (EUA) le veulent. C’est une histoire de délai. Faudra-t-il cinquante ans, cent ans ? Peu importe, c’est l’objectif qui est fixé. Sarkozy avait beau jeu de nous dire que la Turquie ne devait pas intégrer l’UE, les négociations avec ce pays dans le cadre du processus d’adhésion ont néanmoins débuté. Et pendant son mandat.

Seule l’Islande vient récemment de se retirer du processus d’adhésion. Ils ont compris, eux. Mais dans la mesure où l’Islande est déjà dans l’OTAN, et de par sa situation géographique cela a beaucoup moins d’importance que pour l’Ukraine. Rappelons que le président ukrainien Ianoukovytch ayant décidé de suspendre les négociations avec Bruxelles fut contraint de démissionner après un coup d’État organisé par les EUA en novembre 2013, ledit coup d’État qui plaça des groupes néo-nazis au pouvoir à Kiev. Résultat, ce pays est coupé en deux et son économie dans une situation gravissime.

Une version qui, bien entendu, n’a jamais été donnée par les médias dominants français.

Autant dire que la France est maintenant ficelée, corsetée, pour ne pas dire neutralisée. Elle est tombée dans un piège qui s’est refermé sur elle et sa survie en dépend. En effet, la France pourrait à terme disparaître purement et simplement de la carte. Je pèse mes mots. Je n’insisterais pas sur ces points qui sont eux aussi hors de mon propos d’aujourd’hui.

Terminons cet exposé liminaire pour dire qu’en résumé l’Union Européenne n’est pas du tout ce qu’on nous avait promis. Elle est le résultat d’une volonté, d’un plan, qui a été conçu et mené de main de maître par les EUA, et selon leur manière de faire : la corruption et les manœuvres dans l’ombre, pour que selon le principe de la roue à cliquet : on avance, peut-être lentement, mais peu importe puisqu’on ne peut jamais revenir en arrière. Et tous nos politicards le savent très bien. Ils sont devenus des carriéristes, des marionnettes de ce système euro-atlantiste qui conduit la France, notre pays, non seulement à sa disparition à terme, mais à mener en attendant, ici ou là des guerres qui ne sont pas les siennes. Ils ont en quelque sorte vendu la France, ce sont des traitres à la patrie. Mais auparavant ils avaient pris quelques précautions, comme par exemple le toilettage de la Constitution notamment dans son article 68 en y supprimant d'abord la notion de complot contre la sureté de l'État (1993) et de crime pour haute trahison (2007).

Voilà le tableau rapidement brossé de la situation dans laquelle se trouve la France. C’est un constat que peut faire tout Français ayant un minimum de conscience politique et ou qui va chercher l’information sans attendre qu’on la lui serve.

Et ce constat est d’autant plus vrai, que ceux qui auraient des velléités de le dénoncer au grand jour ou de faire des contre-propositions sont tout simplement mis sous l’éteignoir ou bien taxés de complotistes, voire de faire de l’anti-américanisme primaire. En voilà des contre-arguments de haute volée !

Mais la règle qui prévaut, c’est qu’ils sont partout interdits dans les médias. Comme ça, l’affaire est réglée, ils n’ont pas droit à la parole, et c’est très bien ainsi.

Mais, on n’est jamais trop prudent. Et en vertu du principe selon lequel deux précautions valent mieux qu’une, le pouvoir en place a décidé de « moderniser » (noter les guillemets, SVP !) les règles de l’élection présidentielle.

Ça vaut son pesant d’or.

Il s’agit de la proposition de loi de Jean-Jacques Urvoas, le président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale. 

Vous n’en saviez rien ? C’est normal, aucun média n’en a parlé.

Alors, apprenez que selon la procédure dite accélérée, c’est-à-dire en catimini, le 16 décembre 2015 cette loi a été votée par le Parlement en présence d’un hémicycle vide.

Elle est depuis cette date sur le bureau du Sénat. La chambre haute devrait se prononcer dans le courant du mois de janvier 2016.

Oui, vous avez compris. Pendant que les Français préparaient Noël, nos députés ont adopté les principes suivants :

1) Le nombre de parrainages nécessaires reste fixé à 500, mais désormais ce ne sera plus le candidat qui devra les collecter et ensuite les remettre lui-même au Conseil constitutionnel. Non. Désormais ce seront les élus qui devront adresser directement leurs parrainages au Conseil constitutionnel. Et ce exclusivement par voie postale.

On imagine déjà les conséquences pour les candidats dits émergents pour qui le nombre de 500 parrainages était déjà un sacré obstacle à franchir. Ils ne sauront jamais en temps réel le nombre exact de parrainages en leur faveur.

2) la période de prise en charge des dépenses électorales passe de 12 à 6 mois. Mais le niveau maximum de dépenses, lui, n’est pas divisé par deux.

Ici aussi, on mesure aisément les conséquences financières pour les petits candidats. Plus on est petit, plus il faut partir tôt en campagne. Eh bien les six premiers mois ne seront plus remboursés du tout.

3) jusqu’à présent, lorsque le Conseil constitutionnel annonçait la liste des candidats ayant rempli les conditions requises, s’ouvrait une période de cinq semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle.

Cette période de 5 semaines se divise en deux parties.

D’abord la période dite intermédiaire (3 semaines) au cours de laquelle les temps de parole sont égaux entre tous les candidats et ce quels que soient les médias.

Les deux semaines restantes correspondant à la campagne officielle radio-télévisée, donc sur le service public, et répondant aux mêmes critères d’égalité stricte de temps de parole..

Eh bien désormais, seules les deux semaines de la période officielle seront soumises à une égalité stricte de temps de parole entre les candidats. Les trois semaines de la période dite intermédiaire seront régies par ce qu’on appelle l’équité.

L’équité, cela veut dire que les médias inviteront les candidats de leur choix, en fonction de critères qui leur appartiendront.

En résumé, dans un quinquennat il y a 260 semaines. Jusqu’à présent il y avait l’équité pendant 255 semaines (c’est-à-dire que ce sont toujours les mêmes qui passent dans les médias) et l’égalité stricte pendant 5 semaines (3+2). Désormais l’égalité stricte de temps de parole au cours d'un quinquennat sera réduite à 2 semaines. Deux semaines sur 260 ! C’est ce que M. Jean-Jacques Urvoas appelle « moderniser les règles de l’élection présidentielle ». Et tout ça, dans quel but à votre avis ?

Nous apporterons des éléments de réponse, entre autres à cette question, dans la deuxième partie de cet article, qui devrait en comportera trois.

En attendant, et compte tenu des conditions qui viennent d’être rappelées, et aussi compte tenu de l’État d’urgence qui a été instauré et qui, n’en doutons pas, sera prolongé au moins jusqu’à l’élection présidentielle tellement cela sert le pouvoir, nous pouvons déjà nous préparer à vivre une campagne électorale terne, monotone, ennuyeuse qui probablement dégoûtera un peu plus les Français de la politique et qui entraînera de ce fait une abstention en hausse par comparaison avec les éditions précédentes. Et ce avant un quinquennat au cours duquel l’entreprise de destruction de ce qui fait la France va s’en donner à cœur joie (casse des services publics, du code du travail, augmentation de l’âge légal de la retraite, cadeaux aux MEDEF, etc.)

À moins que...

(Fin de la première partie).


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