Universités politiques d’été : ce que les médias vous ont caché...

par Voltaire
mardi 5 septembre 2006

Les universités d’été des partis politiques se sont achevées ce week-end. Traditionnels rendez-vous de fin de vacances, la perspective des élections présidentielles de 2007 leur ont valu cette année une couverture médiatique exceptionnelle. Pour autant, qu’avons-nous appris, qu’en avons-nous retenu ?

Concentrés sur les petites phrases, sur les luttes internes entre futur-ex-candidats à la candidature, sur les vacheries distillées sur l’autre camp (ou sur les « amis » du même parti), les journalistes ont le plus souvent occulté le débat d’idées (si, si, cela existe encore dans nombre de partis politiques français !) et les premières esquisses de projet des différents chefs de file, exception faite de quelques brèves mentions des propositions de Nicolas Sarkozy. Comme il me semble que c’est pourtant bien là que se situe l’intérêt du citoyen ordinaire, voici ce que j’ai appris en allant farfouiller un peu dans les sites Web des trois principaux partis dits « de gouvernement », en lisant les discours de clôture qui résument en général l’essentiel du message.

PS : Il faut reconnaître que François Hollande n’avait pas tâche facile pour décliner un projet socialiste alors que tout le monde l’attendait au tournant sur sa « neutralité bienveillante » à l’égard de sa compagne, d’autant qu’aucun des candidats à la candidature ne se sent vraiment lié au « projet socialiste ». De fait, François Hollande a préféré taper sur la droite et sur son bilan (ça ne mange pas de pain, et c’est toujours le succès garanti) et insister sur le besoin d’union à gauche (bon courage...), mais le début de son discours de clôture contient cependant quelques propositions concrètes s’articulant autour de trois axes principaux :

Parasité, voire paralysé par la course à la candidature des principaux ténors, le projet du parti socialiste demeure nécessairement flou. Il apparaît pour le moment assez conservateur, sans doute une nécessité pour ne perdre personne en route. Il en faudra cependant un peu plus pour être vraiment convaincant, et le défi de rassembler des idées aussi dissemblables que celles émises par la gauche et la droite du parti demeure formidable pour celui ou celle qui gagnera le droit à se présenter en avril 2007.

UDF : Comme on pouvait s’y attendre, François Bayrou n’a pas fait dans la dentelle dans son discours de clôture. Bien sûr, le message principal, repris par les média, tournait autour d’une nouvelle méthode de gouvernement, réunissant une majorité autour d’idées plutôt que d’étiquettes (on imagine un État où les postes clés ne seraient plus attribués par copinage mais en fonction de la compétence de la personne... ça fait rêver !), et de la dénonciation de la collusion (par calcul ou par facilité) des médias autour du couple Sarkozy-Royal. Mais il y avait aussi dans ce discours les bases d’un projet de gouvernement, articulé autour de six priorités :

Souvent innovant, le discours de François Bayrou s’inscrit clairement dans un processus de reconstruction, non seulement du paysage politique mais aussi de la société française. Reste un certain nombre de thématiques chères aux Français (immigration, insécurité...) pour lesquelles il devra aussi apporter des propositions afin d’asseoir la crédibilité de son projet.

UMP : Dans un discours destiné aux jeunes, Nicolas Sarkozy a fait... du Sarkozy. Volontaire, volontariste, hyperactif, le contenu du discours de clôture du président de l’UMP est à son image. Évidemment, ça plaît ou ça ne plaît pas... Clairement, cela plaît aux média, puisque plusieurs des propositions ont effectivement été détaillées dans les journaux, au contraire de celles des autres ténors politiques (et ne venez pas m’accuser de crier au complot, c’est juste un constat !). Pour autant, plutôt que le détail des mesures avancées, c’est surtout leur cohérence, avec un système de pensée que l’on peut qualifier « d’américain » (sans jugement de valeur), qui frappe. Largement tournées vers les jeunes, ces propositions sont en effet destinées à favoriser l’initiative, la volonté de réussir ou de s’en sortir. L’essentiel des propositions en matière d’éducation, de formation continue, de fiscalité, d’emploi, relève de la même philosophie : permettre à « ceux qui en veulent » de réussir, et décomplexer, voire récompenser ceux qui essayent et qui réussissent. Plusieurs de ces propositions sont donc assez atypiques dans le paysage français :

En voulant revaloriser le travail et l’effort, ainsi qu’une certaine fierté d’être citoyen français par exemple, Nicolas Sarkozy propose, sans y faire référence, d’importer en France un modèle américain qui a démontré son efficacité économique, permis l’intégration d’innombrables immigrés, ainsi que relancer un ascenseur social largement en panne en France, où ceux qui réussissent sont en grande majorité les enfants des privilégiés du système. Comme François Bayrou, c’est donc bien un projet de rupture avec la société française traditionnelle qu’a ébauché Nicolas Sarkozy lors de cette université d’été. Pour autant, son discours sur l’environnement est apparu moins convaincant, et surtout manquaient les mesures pour ceux dont le passé, les accidents de la vie, ne peuvent exprimer la même volonté de dépassement. Le rêve américain a aussi des revers, et la volonté individuelle ne suffit pas toujours pour réussir. Le défi du président de l’UMP sera donc de proposer un projet qui soit aussi mobilisateur pour les plus faibles, faute de quoi un candidat de droite plus traditionnelle pourrait venir lui contester la candidature dans la dernière ligne droite.

NB : le site de la LCR ne proposait pas de discours d’Olivier Besancenot, mais à défaut, on pourra lire sur leur site la « Déclaration de la conférence nationale de la LCR  » des 24 et 25 juin 2006, qui reprend une liste de mesures diverses. Pas non plus de discours de clôture en ligne de Mme Voynet pour l’université d’été des verts, les enregistrements des 9 tables rondes sont en revanche disponibles en ligne. Pas d’université d’été pour le Parti communiste français ; il y avait bien un conseil national en juillet, mais les discours tenaient plus du constat que du projet. Quant au Front national, l’intervention de clôture de Jean-Marie Le Pen est bien en ligne, mais pas le texte du discours, et sa durée (plus d’une heure) m’a fait renoncer. Je ne manquerai pas néanmoins de revenir ultérieurement sur les projets de l’ensemble des candidats majeurs à l’élection présidentielle.


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