Valls : le joker ordo-eurolibéral de Hollande

par Laurent Herblay
mardi 1er avril 2014

Hier soir, après que Matignon ait annoncé la démission de Jean-Marc Ayrault, François Hollande présenté dans une courte vidéo une nouvelle étape dans son mandat, avec un changement d’équipe, la nomination de Manuel Valls à Matignon et les grandes directions des mois à venir.

Entre vent et continuité
 
Ce n’est pas le président qui tourne, c’est le vent… Cette vieille expression qui caractérisait les radicaux va remarquablement bien au locataire de l’Elysée. Les Français sanctionnent le PS aux municipales et votent à droite ? Il décide de changer d’équipe en optant pour un premier ministre plus à droite. Les sondages indiquent que les Français veulent un remaniement et Manuel Valls comme premier ministre ? Il suit leur avis sans hésiter. Au final, François Hollande démontre une nouvelle fois qu’il suit le vent plutôt qu’il ne cherche à diriger quoique ce soit. Le choix aussi rapide de Manuel Valls, s’il démontre de la réactivité, revient uniquement à suivre ce que les enquêtes d’opinion disent.
 
Malgré tout, il faut bien reconnaître que ce choix est cohérent avec la ligne réaffirmée par le président de la République en début d’année. Qui mieux que Manuel Valls pour illustrer ce parti « socialiste » qui assume sa conversion au néolibéralisme et à la politique de l’offre ? Qui mieux que l’ancien ministre de l’intérieur pour coincer l’UMP trop à droite en vue de 2017  ? En outre, le futur locataire de Matignon est beaucoup plus dynamique que l’ancien et devrait davantage remplir le rôle de protection du président de la République qui échoit traditionnellement au premier des ministres depuis 1958.
 
Un pari déjà perdant ?

Mais ces calculs souffrent de beaucoup de faiblesses. La première, c’est le choix du moment. N’aurait-il pas été plus logique de faire cela en janvier, à l’annonce du pacte de responsabilité  ? Le moment choisi souffre de deux défauts. Les élections européennes ont lieu dans moins de deux mois et la nouvelle équipe ne dispose pas du temps nécessaire pour redresser la situation. En outre, ce scrutin est en général encore plus cruel pour la majorité en place que les élections municipales. Donc la nouvelle équipe coure le risque de se voir couper les jambes électoralement quelques semaines à peine après avoir été nommée. Et l’absence d’ajustement de la ligne politique la prive de munitions intellectuelles.

La seconde faiblesse de ce choix, c’est Manuel Valls en lui-même. François Hollande a choisi une des personnalités qui divisent le plus sa majorité. Il ne risque pas de rassurer l’aile gauche ou sceptique avec l’Union Européenne… En outre, sa gestion critiquée de l’affaire Dieudonné et l’absence de résultats à l’intérieur commencent à peser sur sa popularité. Enfin, même s’il a été un soutien du président assez solide, on peut se demander si cet apprenti Sarkozy ne va pas davantage penser à son éventuelle accession à l’Elysée qu’à assurer le bon fonctionnement de la future équipe ministérielle, dont on attend avec impatience la composition pour juger pleinement cette nouvelle étape.

En ne faisant que réagir en suivant ce que disent les sondages, le président semble bien mal démarrer son remaniement. Pire, en changeant d’équipe moins de deux mois avant les élections européennes, il prend le risque de la soumettre à une défaite plus lourde encore que celle de dimanche.

 


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