Vers la démocratie ?

par Kumo
jeudi 6 avril 2017

Je n’avais pas prévu d’aller voter en 2017…

Je n’avais pas prévu d’aller voter en 2017, et pourtant je ne me désintéresse pas de la politique, bien au contraire. Comme tous les cinq ans, il nous est proposé d’élire le prochain Président de la République. Ce faisant, on nous martèle à tout bout de champs qu’il faut « aller voter », car c’est là l’expression ultime de la « démocratie » et que des gens sont « morts pour que nous ayons ce droit » !

Mystification absolue. La « démocratie représentative » n’a de démocratie que le nom. La démocratie, c’est le pouvoir du peuple, pas le « pouvoir » du peuple de donner son pouvoir à ses « représentants », pas le perpétuel balancier « droite » / « gauche ».

Je suis abstentionniste, comme nombre de mes concitoyens. Je suis abstentionniste car notre régime politique nous ment. Il se prétend démocratique alors que nous subissons passivement la loi des partis politiques. Je ne veux pas donner ma voix — mon pouvoir — à des hommes qui auront, eux — et pas moi — le pouvoir de proposer et de voter les lois.

Deux solutions s’offrent à nous pour instaurer une véritable démocratie. La première s’appelle Révolution. Peut-être viendra-t-elle un jour, peut-être pas. La seconde serait une évolution progressive de notre régime politique vers plus de démocratie.

Et, aujourd’hui, le programme politique d’un candidat m’interpelle car il me semble y voir une ouverture en cette direction-là.

On peut lire dans le programme de M. Mélenchon des propositions comme : nouvelle République, possible révocation des élus par les électeurs, référendum d’initiative citoyenne (notées en encadré, plus bas)… Ces quelques réformes, sans amener de véritable révolution dans notre régime politique, y apportent néanmoins une petite pierre véritablement démocratique.

Certaines propositions de M. Mélenchon me parlent ; d’autres, moins. Je ne veux pas détailler les pour et les contre. Je ne veux pas discuter de ses propositions économiques, écologiques, sociales… Tout cela ne pourrait se faire vraiment que si nous avions le pouvoir de voter les lois. Mon propos n’est pas là. Mon propos concerne exclusivement ce qui touche à la démocratie, c’est-à-dire à la restauration — même partielle, même insuffisante — de notre pouvoir politique.

Son programme est bien loin encore de l’établissement d’une véritable démocratie. Cependant, par la mise en application de quelques mesures, c’est un petit pas en avant que nous ferons. Pour ces raisons seules, je voterai pour lui au premier tour de l’élection présidentielle de 2017.

Peut-être pensez-vous que, comme les autres, c’est un corrompu, un voleur, un tricheur, un menteur. Peut-être le trouvez-vous trop agressif ou pas assez mesuré dans ses propos. Peut-être n’êtes-vous pas en accord avec nombre de ses propositions.

Sans doute, même.

Je ne vous demande pas de faire abstraction de tout cela, je ne vous demande pas de juger un homme, je vous invite seulement à vous concentrer sur l’idée essentielle de son programme : le pouvoir au peuple.

Ces propositions sont un tout petit pas vers la démocratie. Sortons de notre inertie et votons précisément pour ces mesures-là.

Ce sera loin d’être suffisant, mais ce sera peut-être le déclic qui fera changer la donne.

Je ne suis pas un membre actif du parti de M. Mélenchon. Je ne suis membre d’aucun parti politique. Je n’ai pas voté pour lui en 2012. Je n’avais pas prévu d’aller voter en 2017.

Ces mesures-là m’ont fait changer d’avis.

Le 23 avril, je vote pour la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Et pour les législatives, je n’oublierai pas de le soutenir encore, sans quoi mon action n’aura servi à rien.

À tous les abstentionnistes, les déçus de la politique, les je-m’en-foutistes, les lucides, les cons, les riches, les pauvres, les Blancs, les Noirs, les Arabes et les autres, à tous les droitards, les gauchos, les racistes, les anars, les fachos, les antifas, à tous les complotistes, les révisionnistes, les fous, les délateurs, les saints, les génies, à tous les mecs fidèles et infidèles, à tous les libertins, les puceaux, les coincés, les autistes et les hystériques, à tous les hommes, les femmes, les trans, les hétéros, les lesbiennes, les pédés, à tous les mecs normaux et les anormaux, à tous les nains, les aveugles, les sourds, les muets, les lâches, les courageux, à tous les jeunes et à tous les vieux, à tout le monde, en fait, ce message vous est adressé.

Réfléchissez bien et faites votre choix en conscience.

Voici les propositions qui m’interpellent et qui doivent vous interpeler :

— Dans « 1. Réunir une Assemblée constituante » :

● « Convoquer un référendum (article 11 de la Constitution) pour engager le processus constituant (modalités de la composition de l’Assemblée constituante – mode de scrutin, parité, tirage au sort et incompatibilités ; modalités de la délibération ; association des citoyens aux travaux…) »

● « Aucun parlementaire des anciennes assemblées de la 5e République ne pourra siéger dans cette Assemblée constituante. Les délégués à l’Assemblée constituante ne pourront être candidats aux élections suivant l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution »

● « Le projet de Constitution proposé par l’Assemblée constituante sera soumis à un référendum d’approbation »

— Dans « 3. Une République permettant l’intervention populaire » :

● « Créer un droit de révoquer un élu en cours de mandat, par référendum, sur demande d’une partie du corps électoral »

● « Instaurer le référendum d’initiative citoyenne et le droit des citoyens de proposer une loi »

● « Rendre obligatoire le recours au référendum pour réviser la Constitution ou ratifier tout nouveau traité européen et garantir le respect de la décision populaire »

« La démocratie, c’est la souveraineté du dèmos, du peuple, et être souverain c’est l’être vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »

« La population n’a pas le pouvoir : elle ne gouverne ni ne contrôle le gouvernement ; elle ne fait ni la loi ni les lois ; elle ne juge pas. Elle peut périodiquement sanctionner la partie apparente — émergée — des gouvernants par les élections, mais pour ramener au pouvoir d’autres de la même farine. »

« L’espace public, l’agora, tels qu’ils existaient à Athènes, étaient portés par l’intérêt actif des citoyens, indissociable de ce que ces mêmes citoyens allaient avoir à décider, le lendemain, de telle ou telle loi, telle ou telle construction publique, telle ou telle politique étrangère, de la paix et de la guerre qu’ils auraient à faire eux-mêmes. Ce n’est que moyennant un tel espace public, non gratuit, que les procédures de discussion, de confrontation, de contrôle et finalement de délibération prennent leur sens. Cette délibération, qui a lieu dans l’ekklèsia, vaut parce qu’il y a l’agora et la discussion incessante des affaires communes. Et, inversement, c’est parce qu’ils savent qu’il y aura délibération, et la veulent, que les Athéniens discutent sérieusement de ces affaires. La condition intermédiaire ici, en fait cruciale, c’est la démocratie directe. On discute avec passion des affaires publiques, parce que l’on aura à en décider soi-même. Il n’y a aucun sens à en discuter, avec ou sans passion, si c’est pour élire des “représentants” qui, une fois élus, pourront faire — et font régulièrement — n’importe quoi. La démocratie “représentative”, en fait négation de la démocratie, est la grande mystification des temps modernes. La démocratie “représentative” est une contradiction dans les termes, qui cache une tromperie fondamentale. Et de pair avec cette mystification va la mystification des élections. Les élections ne sont pas une institution ou une procédure démocratique. »

Citations de C. Castoriadis.

Bien à vous,

N. C.


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