Vers la fin de l’assurance-chômage ?

par stoffer
jeudi 20 avril 2017

La réforme de l'assurance-chômage est au coeur du projet économique du candidat du mouvement "En Marche !" à l'élection présidentielle, Emmanuel Macron. A la différence près qu'il ne s'agit pas d'une réforme, mais d'une révolution dont il faut mesurer les conséquences avant de s'y engager.

Alors que le candidat Emmanuel Macron semble s’acheminer – si l’on en croit les instituts de sondage – vers une qualification au second tour de l’élection présidentielle, il est une de ses propositions qui n’a pas occupé dans le débat public la place qu’elle aurait méritée : la réforme de l’assurance-chômage.

Dans ce domaine, l’une des mesures du candidat a été fortement commentée : « Quelqu'un qui est au chômage pourra refuser une offre d'emploi si elle ne lui convient pas. En revanche, il ne pourra pas refuser la deuxième » a déclaré le candidat lors de la présentation de son programme économique fin février 2017. Actuellement, la loi interdisant de refuser plus de deux offres « raisonnables », elle laisse davantage de marge de manœuvre aux assurés. Mais l’essentiel n’est pas là.

L’essentiel, c’est que la proposition du candidat du mouvement « En Marche ! » n’est pas une réforme, c’est en quelque sorte une révolution, ou du moins un changement profond de nature. Le système français d’indemnisation du chômage est de type assurantiel. Cela signifie que, chaque mois, salariés et employeurs versent une cotisation à l’organisme gestionnaire du régime d’assurance-chômage (l’UNEDIC) pour financer l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) des demandeurs d’emploi. C’est précisément parce que ces demandeurs d’emploi, lorsqu’ils étaient en activité, ont cotisé à l’assurance-chômage pour se prémunir du risque que constitue le chômage, qu’ils reçoivent une allocation lorsqu’ils remplissent les conditions.

Or, Emmanuel Macron entend rompre avec cette logique, en nationalisant l’assurance-chômage. D’une part, cela implique la fin de la gouvernance paritaire du conseil d’administration de l’UNEDIC où salariés et employeurs sont représentés, à part égale, par leurs syndicats respectifs afin de s’accorder, au sein d’une convention, sur le montant des cotisations, les règles d’indemnisation (conditions d’ouverture de droits, montant et durée du versement de l’allocation) et la nature des différentes aides aux allocataires. Si le projet du candidat du « retour au travail » est appliqué, exit le dialogue social : la gouvernance de l’indemnisation du chômage sera étatisée, confiée aux ministères compétents qui établiront un projet de loi soumis – nous l’imaginons – à la représentation nationale lors du vote du budget de l’État.

D’autre part, et surtout, la nationalisation de l’assurance-chômage, c’est l’étatisation du financement du coût du chômage. Le candidat prévoit en effet de financer la suppression de la cotisation sociale salariale d’assurance-chômage (2,4% du salaire brut) par une augmentation de la CSG. Cela revient à financer les allocations chômage par l’impôt (la CSG est considérée par le Conseil constitutionnel comme un impôt), autrement dit par l’ensemble de la population française, dont des catégories de population qui, malgré l'extension des bénéficiaires proposée par le candidat, n’en profiteront jamais (les retraités et les fonctionnaires, par exemple). Pourquoi appliquer cette logique universaliste à l’assurance-chômage et non, par exemple, aux services de transports publics, très largement financés par l’usager ?

La raison est simple. Le but inavoué de cette réforme est d’appliquer une pression à la baisse sur le montant des allocations versées, pour réaliser des économies. Dans un système étatisé, les allocations seraient en effet financées par la solidarité nationale, c’est-à-dire la générosité publique. Philosophiquement, il ne s’agit donc plus d’un dû en contrepartie d’une cotisation, mais d’un droit garanti, accordé d’en haut par l’État. Plus rien ne différencie alors le chômeur de l’allocataire du revenu de solidarité active (RSA). Que se passe-t-il lorsque l’État n’a plus les moyens ? Il décide – puisque c’est alors lui qui gère le système d’indemnisation – de diminuer le budget dédié aux allocations ! L’allocataire, quant à lui, est réputé avoir acquiescé à la manœuvre, celle-ci ayant été proposée par le gouvernement au vote du Parlement. Il y a donc fort à parier qu’une allocation chômage étatisée sera bien moins généreuse que l’assurance-chômage actuelle, qui permet aux cadres supérieurs de recevoir une allocation allant jusqu'à 7.183 euros brut par mois (car ils ont cotisé à hauteur du plafond de la Sécurité sociale).

En alliant allocations « au rabais » et interdiction de refuser plus de deux offres d’emploi sous peine de radiation, le candidat d'En Marche résout l’équation insoluble pour son prédécesseur de limiter les déficits publics sous la barre des 3% du PIB et « en même temps » de diminuer sensiblement le nombre de demandeurs d’emploi. Pour le bien-être des Français ?


Lire l'article complet, et les commentaires