Vers une révolution politique ?

par Arthur_GNV
mardi 8 janvier 2019

Anti-système, anti-capitaliste, anti-européen, populiste, extrême droite, extrême gauche, anarchiste, etc...les qualificatifs ne manquent pas pour qualifier ce mouvement des gilets jaunes. D'une extrémité à l'autre du spectre économique et social, libre à chacun de piocher dans le grand chapeau des adjectifs qui irritent les oreilles des uns tout en mobilisant les autres. Autant de sujets de division qui masquent une unité qui se dessine de plus en plus...

17 novembre 2018, lancement de la grande opération de contestation de la hausse du prix du carburant, nom de code « gilets jaunes ». Dans les cortèges, sur les rond-points, ça hésite à montrer son soutien. Puis ça fait un effort. « Pourquoi pas après tout ? ». Alors on y va, on rentre dans la grande cacophonie des revendications, des avis, des réflexions de comptoir qui finalement animent ce petit truc, encore flou, immature peut-être, maladroit sûrement. On se chamaille. Parfois on en vient aux mains, entre usagers et bloqueurs mais aussi entre bloqueurs et bloqueurs. Mais alors viens le drame et cette interrogation qui émerge : « Pourquoi c'est nous qui nous tapons dessus alors que ceux qui sont contre nous, c'est eux ». Eux ?

 

Vers un nouveau bipartisme ?

Nous voilà donc près de deux mois plus tard. Le mouvement a grandi et aujourd'hui surtout il interroge. Face à la profusion des revendications, un dénominateur commun s'impose pour sceller cette unité. Exit les débats interminables sur manifestation de droite ou de gauche, le mouvement des gilets jaunes nous place face à une nouvelle dualité : d'un coté les partisans du modèle actuel, soutien d'un fonctionnement qui dure depuis plus d'un demi siècle, où ceux qui savent agissent, car toute leur vie ils ont été formé à cela : gouverner ; en face, les déçus, les vexés du pouvoir, ceux qui expriment un ras-le-bol d'un système qui s’essouffle malgré lui, contre une élite déconnectée de leur réalité, en manque de compassion, d'humanité politique. S'opposent alors les technocrates et les populistes. Cette division de la France, aux allures de blockbuster hollywoodien, apparaît tout particulièrement lorsque l'on interroge ces fameux gilets jaunes qui réunissent électeurs de Marine Le Pen, Nicolas Dupont-Aignan, ainsi que de Jean-Luc Mélenchon, mais aussi, et c'est là que ce mouvement s'avère particulièrement intéressant, un vaste bloc d'abstentionnistes. Ceux que l'on accusait de ne plus s’intéresser à la vie politique offrent ici la meilleure des réponses : oh oui ils sont impliqués dans la politique de pays, mieux encore ils incarnent aujourd'hui le principal pôle d'animation de cette dernière.

 

Quand l'ombre transalpine plane

 

L'émergence d'une unité, assez peu commune, entre les partis dit « d’extrême droite » et « d’extrême gauche » pousse à la comparaison avec l'Italie qui a vu les nationalistes de la Ligue du Nord s'allier aux populistes de gauche du Mouvement 5 étoiles. Le rapprochement est facile, demande peu d'approfondissement et oblige le commun des mortels à s’intéresser plus qu'en surface à la politique italienne : du pain béni pour les détracteurs du mouvement, friands de ces parallèles qui font peur sans risquer de se heurter à trop de contradictions de la part de leurs auditeurs, parce qu'après tout si on nous raconte que de l'autre coté des alpes règne dans la cruauté et l'horreur une grande union des extrêmes c'est que cela doit être vrai. Or, au risque de surprendre, l'Italie et le France ne partagent pas un contexte politique identique. Non, le Rassemblement national n'est pas le Ligue du Nord et non le Mouvement 5 étoiles n'est pas la France Insoumise. L'alliance politique entre ces deux partis en Italie a été rendu possible car le Mouvement 5 étoiles, si l'est « de gauche » s'accorde sur la sortie de l'euro ou le refus de l'immigration avec la Ligue du Nord, là où il existe un blocage évident avec la France Insoumise. De la même manière si la Ligue du Nord se montre très ouverte au capitalisme et à la finance, Marine Le Pen, comme Nicolas Dupont-Aignan ont mis de l'eau dans leur vin à ce sujet et aborde un point de vue bien plus sceptique. C'est en effet différemment que cette unité s'est opérée en France. Sur la forme d'abord, c'est le modèle contestataire du populisme, très ancré historiquement à l’extrême droite, qui prime dans l'esprit des gilets jaunes, là où des thématiques de gauche telles que l'écologie, le partage des richesses et l'attachement à la démocratie ressortent le plus dans les propositions des gilets jaunes. De là émerge cette nouvelle dualité entre peuple et élite.

 

Et maintenant ?

 

Puisque la France n'est pas l'Italie, comment concrétiser la contestation qui a émergé de ce mouvement ? « La révolution » diront certains. Pas sûr qu'un pays occidental développé se sente près à prendre les armes en masse au risque de perdre des années de progrès et de développement, et cela malgré la ferveur qui anime grand nombre de ses citoyens. Reste la voix démocratique et c'est là où le bat blesse. La simple évocation d'une liste « Gilets Jaunes » aux élections européennes fait grincer les dents du mouvement sur la question des têtes de liste. Mais d'un autre coté, une alliance communes entre les partis qui incarnent cette grogne populiste s'avère utopique tant d'un coté comme de l'autre on se rejette le statut d'infréquentable. Ni Jean-Luc Mélenchon ni Marine Le Pen ne conduiront la voix commune qui crie dans les rues chaque samedi. Il faudra que de cette crise fasse sortir une personne du lot, quelqu'un qui transcende les clivages entre ces partis contestataires, une personne qui permettra au peuple de se reconnaître en lui, un Macron à nous, d'en bas. Eric Drouet a semblé un temps capable d'être ce quelqu'un , mais déjà au sein du mouvement il peine à faire l'unanimité ; Francois Ruffin semblait lui aussi en bonne position mais depuis sa « fête à Macron » il peine à s'imposer, notamment au milieu de cette crise. Force est de constater que cette personne nous ne la connaissons pas encore mais qu'elle sache que dans les rues, aux carrefours, sur les ronds-points, le peuple l'attend. En attendant, il marche pour se tenir chaud, il crie pour se donner du courage, il danse et il chante parce qu'il ne lui reste, finalement il lutte ; mais on refuse de le voir.


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