Villepin, le Maître de conf’
par Tristan Valmour
vendredi 26 mars 2010
« J’ai entendu le message des Français, un message de défiance, un message d’exaspération, un message de sanction ». C’est par ces mots que Dominique de Villepin a introduit son Grand Oral, et retenu des Régionales l’abstention, le score du Front National, l’échec de l’UMP. Stigmatisant Nicolas Sarkozy comme sa politique, DDV a également présenté non pas un programme, mais des pistes, avec pour horizon semble-t-il : la conquête des urnes en 2012.
- L’échec de Nicolas Sarkozy et de sa politique
Si le nom du Président de la République n’a jamais été prononcé, sa personne comme son programme ont été cordialement mais rigoureusement dénoncés.
Ainsi Dominique de Villepin s’est-il déclaré « mal à l’aise sur plusieurs plans » : intérieur, culturel, économique, social, diplomatique.
L’ancien Premier Ministre a constaté « l’échec d’une stratégie et d’une politique ». Une stratégie qui ignorait la tradition démocrate chrétienne et gaulliste. Une politique dispersée, de « réformes tous azimuts », « peu visible », qui « n’emporte pas l’adhésion des français [et qui] n’avait pas l’efficacité escomptée. »
« La politique actuelle est-elle la bonne ? » s’interroge faussement le gaulliste pour répondre qu’on ne pouvait pas accepter qu’ « inégalités et injustices […] atteignent un tel niveau ».
La République, la Nation et l’Etat ont été malmenés par Nicolas Sarkozy selon DDV qui rejette la loi sur la burka et les gardes à vue, pour voir dans les problèmes de l’immigration une question sociale, ni ethnique ni religieuse. « On ne peut pas jouer avec tout » rappelle Villepin en référence au débat sur l’identité nationale. La Nation est un bien commun, et il faut respecter l’Histoire et l’expérience françaises : « tendre la main à chacun. » Puis de citer le regretté Philippe Séguin : « remplacer 1 fonctionnaire sur 2, c’est formidable mais pas efficace », avant de clamer qu’il « faut faire des efforts, mais des choix » : le choix des enseignants, des infirmières, des policiers.
Le natif de Rabat regrette le déséquilibre institutionnel instauré par le manque de séparation des pouvoirs. « Là encore, ça n’est pas très compliqué, encore faut-il le vouloir », clame-t-il avec beaucoup d’ironie dans le ton.
« La France ne respecte pas les critères démocratiques européens » et il faut « défendre l’accès pour tous à la justice » renchérit l’ancien Premier Ministre qui souhaite rompre le lien entre le Parquet et le pouvoir politique.
Enfin, de Villepin souhaite garantir l’indépendance et la liberté des médias à l’égard des politiques et de l’argent. Ainsi, « nommer le président de France Télévision est un scandale pour l’exécutif et France Télévision » rappelle-t-il.
Aux Français qui souffrent selon le « Rapport Delevoye », Nicolas Sarkozy a apporté la mauvaise réponse : « ce ne sont pas les conciliabules, aménagements techniques et changements de personnes qui sont attendus. »
« Cette politique de réformes éparpillées ayant montré ses limites, ayant montré qu’elle était non seulement incapable d’apporter des résultats, mais qu’elle jouait à contresens. Quel est le sens du travail le dimanche dans le contexte de crise actuelle. Quel est le sens de l’exonération des heures supplémentaires ? »
Bref, après avoir dénoncé la gouvernance Sarkozy, de Villepin annonce qu’il faut un « changement de politique ».
- Un changement de politique : des pistes, pas un programme
« La souffrance doit être appréciée à l’aune historique ». Il faut « dire la vérité aux Français ». Il n’y aura « pas de changement par un coup de baguette ». Nous assistons à une « crise de longue durée aux conséquences de grande ampleur ». On observe un « basculement du monde qui modifie les rapports de force et de puissance ».
Pour faire face à tout cela, Villepin propose un changement de politique et en présente, non pas le programme, mais des pistes.
Il souhaite laisser de côté 2007 pour revenir aux fondements, aux sources de la France : République, Nation, Etat, en précisant que l’Etat a précédé la Nation.
Dominique de Villepin rappelle l’identité de la France : le « pacte social et républicain solennellement signé aux lendemains de la guerre, et inscrit dans le préambule de la constitution : une république démocratique et sociale. » Un seul « mot d’ordre : une république solidaire ».
Il a pour la France deux exigences. Une justice sociale basée sur une justice fiscale. Il faudra augmenter les impôts, mais de façon juste pour répartir l’effort. Pour cela, il propose de suspendre le bouclier fiscal, d’augmenter la plus haute tranche de l’impôt sur le revenu et de créer une surcote de 10 à 15% sur l’impôt sur les sociétés. A la justice sociale doit s’ajouter une justice salariale. Et l’ancien Premier Ministre de proposer une « charte des salaires pour réduire l’écart entre les revenus » dont il affirme qu’il était de 1 à 20 dans les années 70-80 et de 1 à 230 aujourd’hui, calcul effectué sur les 10% de Français les moins riches et les plus riches. « Un écart si violent » ne peut s’inscrire dans la démocratie, dans la République ajoute-t-il.
De Villepin souhaite une participation des Français, en fustigeant que les différents plans sur les banlieues aient tous « été établis d’en haut ». « Désormais, faut mettre en place des stratégies avec le concours des gens concernés, via élus et associations qui sont les relais »
La France doit être un pays de « liberté, d’ouverture, mais qui assume son originalité : défendre le pouvoir d’achat et la qualité de vie, [menacés] par la mondialisation. » « Les acquis sont menacés si on ne se donne pas les moyens de défendre ce modèle-là ».
Enfin, Dominique de Villepin forme pour la France 3 priorités pour les 2 années à venir : l’emploi, l’innovation et la réduction des déficits, avant de donner rendez-vous aux Français le 19 juin 2010 pour la création d’un parti politique indépendant ouvert à toutes les sensibilités.