Vincent Peillon ose attaquer les médias

par Philou017
mardi 26 janvier 2010

Ça fait tellement longtemps qu’on l’attendait. Enfin, un homme politique un peu (beaucoup) plus courageux que les autres ose dénoncer la proximité lamentable des médias et des pouvoirs en place.

Peillon avait d’abord choisi de boycotter l’émission de France 2, le 14 Janvier, qui avait instauré un débat sur l’identité Nationale autour du ministre Besson, conformément aux voeux du gouvernement. Celui-ci avait décidé unilatéralement de lancer un débat sur l’identité Nationale, en pleine crise économique, quand le chômage grossit à la vitesse grand V, que l’économie périclite et que le crise financière pose maintes interrogations.
 
Est-ce que c’est le rôle d’une télévision publique de relayer pleinement le thème politique décrété par un parti politique, fût-il au pouvoir, alors que nombre d’autres partis et de citoyens récusent ce diktat gouvernemental ?
 
Toujours est-il que Peillon a refusé de se rendre à l’émission au dernier moment. Si certains critiquent la méthode, on peut remarquer qu’elle fait tache dans un microcosme politique avide de prestations télévisuelles, sur tout et n’importe quoi.
 
Le 23 Janvier, Peillon en a remis une couche, ou plutôt plusieurs, dans un entretien au "Monde" :
 
Il argumente : "Les Français sont préoccupés par l’emploi, la santé, l’éducation, le logement, mais l’audiovisuel public a décidé de programmer une série de débats sur l’identité nationale et l’immigration. Un débat qui fait honte à la France et stigmatise plusieurs millions de nos compatriotes. Sept émissions sur neuf organisées aux heures de grande écoute ont été consacrées essentiellement à cette question. Il fallait arrêter cela."
 
Je ne peux qu’approuver. Pendant des années, les médias ont donné antenne ouverte à nombre "d’experts" en économie venus nous vanter les incomparable bienfaits du libéralisme. Aujourd’hui, alors qu’on patauge dans la crise financière, il me semble que le débat sur l’identité Nationale fait figure de dérivatif à but électoraliste. En tout cas, cela ne s’impose pas.
Pourquoi pas un débat sur les pratiques scandaleuses des dirigeants économiques, encore une fois mises en lumière par l’affaire Proglio. Ce genre de débat, nous n’en sommes pas submergés.
 
Peillon enfonce le clou : "La perspective de la nomination du président du service public par le président de la République exerce déjà une pression sur leur travail (des journalistes) et favorise la servilité de certains dirigeants. Mais il faudra aussi réformer le CSA pour le rendre indépendant et pluraliste, assurer, comme dans d’autres pays européens, des ressources stables au service public et à la presse qui ne passent pas par les cabinets des ministres. Une vraie loi anticoncentration est aussi indispensable."
 
Il ajoute : "Dans le classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la France est aujourd’hui 43e. Elle était 11e en 2002."
 
Devant des journalistes, il lance : "il faut saisir collectivement la question de l’indépendance des médias". "Je suis inquiet de la berlusconisation de la presse privée" et des "problèmes considérables" des médias publics".
 
En réponse à ce réquisitoire, la presse a commencé à lancer un feu nourri. Ainsi, l’interviewer du "Monde" lance sans rire : "Réclamer publiquement la démission d’un journaliste n’est cependant pas la preuve la plus éclatante du respect de la liberté des médias…"
 
Patrick de Carolis tente une attaque "M. Peillon est un homme qui est en perdition ». Il ajoute "Il y a deux façons de faire de la politique, sur les cimes et dans le caniveau. Et je vois que M. Peillon a choisi »
Ainsi, oser attaquer l’attitude de M. de Carolis et la direction de France 2 , c’est tomber dans le caniveau. Pourtant il serait bien intéressant de connaitre les tractations d’une désignation à la présidence de la télévision Publique et les répercussions sur les nominations de cadres dans cette même télé.
 
L’UMP, qui n’a pas l’habitude de défendre un système accepté docilement par le monde politique, lance une attaque hallucinante par Franck Louvrier, porte-parole de l’Élysée, " une proposition originale : amputer le temps de parole de l’opposition des minutes que Vincent Peillon n’a pas utilisées sur France 2 :"
 
Peillon ajoute aussi : "Le président de la République a déjà la mainmise sur de nombreux médias privés, par sa proximité avec les propriétaires des principaux grands groupes privés. Et maintenant, cela concerne le service public !"
Tout le monde se souvient de l’augmentation exponentielle des affaires de délinquance aux journaux de TF1, lors de la campagne présidentielle de 2002, dénoncée par le "Canard Enchainé". A tel point qu’on avait vu M. Le Pen au deuxième tour à la place du confus Jospin.
 
Pourtant, on avait très peu entendu s’exprimer les responsables du PS sur cette affaire, pourtant scandaleuse. Est-ce que les politiciens du PS seraient à ce point inféodés à la machine médiatique qu’ils acceptent que celle-ci décide décide d’appuyer tel ou tel candidat ?
En tous cas, alors que beaucoup d’internautes ont fait ce constat d’une information fortement orientée et partiale sur nos médias, c’est le silence de bronze autour de Peillon, quand il ne s’agit pas de désaveu plus ou moins larvé. Les politiques de gauche et d’ailleurs seraient donc satisfaits de l’information médiatique ?
 
Ou est-ce qu’ils sont tellement avides de participer au système qu’ils n’osent les critiquer.
Ou est-ce que la machine médiatique aurait acquis un tel pouvoir que les politiques n’osent plus moufter, quoi qu’il arrive ?
 
C’est ce que Peillon sous-entend dans cette vidéo : "La puissance des médias, elle est considérable et ils font peur".
 
En tous cas, on ne peut pas dire que ces mêmes politiques aient fait grand chose dans le passé pour garantir une quelconque indépendance des médias. Le CSA n’est qu’un organisme de régulation basique, d’ailleurs sous le contrôle des politiques, et qui n’a aucune action sur la validité et l’impartialité de l’information. Il aurait pourtant bien fallu en plein développement des médias, mettre en place un outil qui garantisse une certaine pluralité dans les rédactions, une capacité d’enquête indépendante des puissances financières, une expression des opinions à contre-courant ou politiquement incorrectes.
 
Mais rien de cela n’a été même ébauché. C’est pourquoi aujourd’hui, nous avons des médias qui produisent tous la même information conformiste et alignée sur les thèmes des pouvoirs en place. N’importe qui peut se dire que cet état de fait a favorisé la mise en place de choix politiques et économiques, dont on voit aujourd’hui qu’ils sont très largement favorables aux élites, et aux dépens des peuples.
 
Aussi, il est temps que les citoyens se lèvent contre ce diktat de la pensée unique et de la soumission aux intérêts puissants qu’on observe si souvent dans les médias. Rien que pour cela, Peillon mérite d’être soutenu dans sa démarche si rare dans le monde politique.
 
 

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