Vive la VIe République !

par le gauchiste repenti
vendredi 16 février 2007

On est en droit de regretter que la réforme (profonde) des institutions soit absente des débats actuels, car c’est là une question tout à fait capitale. En effet, la Ve République, si elle a eu son utilité à l’époque de la guerre d’Algérie, est aujourd’hui à bout de souffle. Trois principaux reproches peuvent lui être faits.

D’abord, l’élection présidentielle et le ridicule bal des prétendants auquel elle donne lieu, pervertit complètement notre vie politique. Elle aboutit à une personnalisation tout à fait excessive de la politique et favorise la démagogie des candidats, contraints à une surenchère permanente pour se distinguer (voir le cas de Bayrou accusant tous azimuts pour faire parler de lui). Et que dire d’une élection qui focalise l’attention du pays tous les cinq ans, et à laquelle se présentent trois ou quatre candidats d’extrême gauche, deux ou trois candidats de gauche, trois ou quatre candidats de droite, un ou deux écologistes, un ou deux candidats d’extrême droite et une poignée d’hurluberlus en quête de notoriété ? Tout cela est-il très sérieux ? Cela ressemble bien davantage à « La recherche de la Nouvelle Star » qu’à une élection censée déterminer le sort du pays pour les cinq ans qui viennent. Dans toutes les grandes démocratie, la vie politique est très largement bipolarisée et le peuple choisit entre une droite et une gauche. C’est précisément l’alternance (une alternance claire et non pas le ni-ni que nous propose Bayrou) qui fonde la démocratie : le gouvernement en place ne peut pas faire n’importe quoi car il a cette épée de Damoclès au dessus de la tête que représente l’opposition, possible future majorité.

Deuxième gros reproche que l’on peut faire à nos institutions : elles instaurent le règne de l’irresponsabilité. Aucun autre chef de l’exécutif, dans les pays démocratiques, n’a autant de pouvoirs que le président de la République française. Aucun. Et pourtant, celui-ci ne rend de comptes à ses citoyens que tous les cinq ans. Alors que Tony Blair doit se justifier toutes les semaines devant la Chambre des communes (dans des débats d’une virulence qui font honneur à la démocratie britannique). George W Bush lui-même s’adresse tous les ans au Congrès dans le discours sur l’état de l’Union et doit affronter régulièrement des journalistes sans complaisance. Que fait pendant ce temps le président de la République française ? Tel un monarque, il daigne s’adresser à son bon peuple deux fois par an : le 31 décembre et le 14 juillet, interviewé de surcroît par des journalistes dont l’obséquiosité ferait passer les courtisans de l’époque de Louis XIV pour de dangereux adeptes de l’agit-prop. Et que dire des hallucinants vœux du mois de janvier, dignes de la plus basse autocratie ? Est-il bien normal qu’au quotidien, celui qui détient l’essentiel du pouvoir reste bien à l’abri dans son Olympe et délègue le sale boulot à son premier ministre-fusible ?

Troisième gros défaut : l’abaissement du parlement et son mode de scrutin. La France est la seule démocratie où le parlement est une simple chambre d’enregistrement, où aucun débat réel n’a lieu (je ne parle même pas de la politique étrangère ou de la défense, pour lesquels les débats ont lieu après que les décisions ont été prises !) Quant au mode de scrutin : le fait qu’aucun député d’extrême gauche ni d’extrême droite ne soit présent à l’Assemblée nationale, alors que leurs forces politiques représentent un tiers de l’électorat, en dit long sur la farce que constitue le pouvoir législatif chez nous.

Alors, que faire ?

La meilleure solution (qui existe dans l’immense majorité des pays démocratiques) serait un régime parlementaire, mais les Français sont trop attachés à l’élection présidentielle au suffrage universel pour que cette option soit possible. Il ne reste donc qu’une solution : instaurer un vrai régime présidentiel en supprimant le poste de Premier ministre (c’est ce que propose quelqu’un comme Edouard Balladur). Ainsi, le président de la République, privé de fusible et de paravent, sera contraint d’avoir les mains dans le cambouis et de rendre des comptes régulièrement au pays sur la politique dont il est l’ultime responsable. Comme son nom ne le dit pas, le régime présidentiel renforce en fait considérablement les pouvoirs du Parlement (il suffit de voir le rôle essentiel du Congrès aux EU). Ne pouvant plus être dissous, le pouvoir législatif parle d’égal à égal avec l’exécutif.

Deux autres propositions, simples. Il faudrait moins de députés mais des députés ayant plus de moyens, afin que le rapport soit moins déséquilibré face à l’exécutif qui, lui, peut s’appuyer sur les moyens illimités de l’administration. Là encore, l’exemple américain est tout à fait instructif.

Enfin, dernière proposition facile à mettre en œuvre : on pourrait garder l’actuel scrutin d’arrondissement pour l’Assemble nationale (afin de dégager une majorité nette qui permette de mener une politique claire), mais changer du tout au tout le mode d’élection du Sénat en instaurant une proportionnelle intégrale qui puisse permettre aux petits partis d’être représentés. S’il y avait 15 sénateurs d’extrême gauche, 20 écologistes, 30 FN, un royaliste et un défenseur des petits oiseaux, le Sénat deviendrait un véritable lieu de débat, représentatif de la diversité de l’opinion française (plutôt que confier cette mission au premier tour de l’élection présidentielle, ce qui fausse les vrais enjeux du pays). Ainsi, le Palais du Luxembourg deviendrait un lieu vivant où toutes les tendances politiques pourraient faire valoir leur voix (beaucoup mieux que dans la rue !), sans empêcher toutefois le pays d’être gouverné, puisque l’Assemblée nationale, dotée d’une majorité claire, aurait le dernier mot.

Voila quelques pistes pour changer radicalement des institutions qui ne fonctionnent plus. Mais qui parle de tout cela ? Personne ! Les rares propositions institutionnelles des candidats sont d’une étonnante timidité. Et pourtant, une telle réforme ne coûterait pas un euro...


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