Vladimir Poutine ne pouvait pas être battu

par Pierre
lundi 19 mars 2018

Avec un taux de participation de plus de 67 % et 76,67 % de votes en sa faveur au premier tour, Vladimir Poutine a écrasé tous ses rivaux à la course présidentielle russe.

Aucun dirigeant occidental ne peut se vanter d'avoir obtenu un tel score. i

Le président Poutine a non seulement gagné son pari mais il a aussi prouvé à tous ses détracteurs qu'il jouit d'une popularité exceptionnelle dans son pays.

 

L'immense majorité des Russes veut que Vladimir Poutine soit leur président et cela, c'est un fait incontestable.

Les détestables médias poutinophobes occidentaux vont comme d'habitude déverser tout leur fiel sur le système électoral russe qui ne permet pas aux candidats soutenus par les Occidentaux d'émerger. Ils ont définitivement décidé de ne rien comprendre et surtout de ne rien expliquer sur l'échec de l'influence occidentale en Russie.

La réponse est pourtant simple : quand les organisations financées par les Occidentaux  ne peuvent librement faire leur travail de propagande et financer l'opposition néolibérale, aucun candidat pro-occidental ne peut dépasser 3 % en Russie pour la simple raison que la Russie est le seul pays qui a connu trois systèmes politiques et économiques en moins de trente ans : l'étouffant système soviétique, le néolibéralisme qui lui a succédé et qui a mis la Russie au niveau d'un pays du tiers-monde doté de missiles nucléaires et le conservatisme libéral actuel qui a redressé le pays, économiquement mais aussi moralement et spirituellement.

Les médias mainstream ne vous expliqueront jamais, cela leur ferait trop mal, que Vladimir Poutine a été élu tout simplement parce depuis 18 ans il fait ce que le peuple demande. Il est l'arbitre entre toutes les tendances politiques, économiques et sociales russes.

Tous les courants étaient représentés à l'élection présidentielle et les débats télévisés ont prouvé l'inconsistance de l'opposition à Vladimir Poutine. Le peuple russe a fait le choix souverain de la stabilité et de la confiance dans la compétence du président sortant. 

Même Alexeï Navalny, un démagogue qui ne connaissait même pas les chiffres de son propre programme économique lors d'une interview télévisée menée par Ksenia Sobtchak en 2017 

et qui est présenté de manière clownesque par les médias occidentaux comme le principal opposant à Vladimir Poutine, ne pouvait espérer obtenir que 3 % des votes suivant un sondage réalisé par Gallup international réalisé le 20 novembre dernier. ii

 

Les six prochaines années seront décisives pour le destin de la Russie et pour l'avenir du monde.

 

Vladimir Poutine ne pourra plus garder son attitude attentiste d'arbitre entre le modèle du néolibéralisme mondialisé principalement défendu par le Centre de recherche stratégique d'Alexeï Koudrine et celui du club Stolypine de Boris Titov qui préconise une relance économique avec un soutien de l'État aux secteurs primaire et secondaire.

Les deux modèles tablent sur un doublement du PIB en 2035 avec d'un côté, une financiarisation de l'économie et de l'autre, une réindustrialisation.

Vladimir Poutine, grâce à la formation économique reçue de son mentor Anatoli Sobtchak, est néolibéral de pensée mais sa formation d'agent du KGB fait de lui un patriote convaincu.

Il n'y a pas de compromis possible entre ces deux voies. Il devra assez vite en choisir une et renoncer à l'autre ou peut-être choisir une troisième voie s'il veut laisser une Russie stable à son départ dans six ans.

Il y a de grandes chances que les Occidentaux ne lui laissent pas le choix et que le régime des sanctions forcera le président russe à renoncer au néolibéralisme mondialisé. Dans ce cas et si les tensions avec les Occidentaux s'aggravaient, rien ne dit qu'une réforme constitutionnelle ou même éventuellement une union politique avec la Biélorussie ne lui permettrait pas d'envisager de rester au pouvoir plus longtemps comme par exemple en Chine où un changement constitutionnel permet dorénavant au président Xi Jinping de faire un nombre illimité de mandats. iii 

La première partie de son adresse à la nation du 1er mars a été éclipsée par la seconde consacrée à la Défense, celle qui a laissé les Occidentaux KO debout.

Cette première partie est pourtant pleine d'indications intéressantes sur son programme socio-économique.

Les grandes lignes peuvent être décrites en sept parties.

 

Relance économique.

 

 

Communication et infrastructures.

 

 

Programme social.

 

 

Santé et médecine.

 

 

Enseignement et culture.

 

 

Écologie

 

                                     Que fais-tu ? Petit cochon !

 

 

Corruption.

 

 

La plupart des points de ce programme sont déjà lancés depuis 2012. Ils ont connu un ralentissement en 2014 à cause de la crise (sanctions et effondrement des cours du pétrole) et à cause des obstacles mis en place par certains ministres qui ne respectaient pas les oukases du président. Il ne s'agit donc pas de lancer ce programme à partir de rien mais plutôt de terminer le travail qui avait été commencé à l'époque.

C'est un projet positif qui est budgétairement chiffré et une intéressante description de ce qu'il faut faire pour que la Russie devienne un pays phare d'ici une quinzaine d'années. C'est un programme concret qui contraste avec le « Pensez printemps » d'Emmanuel Macron.

On verra dans quelques années ce qu'il était possible de réaliser.

 

Y a-t-il une indication sur le modèle économique que compte suivre le président Poutine ?

 

Ce n'est certainement pas le néolibéralisme d'Alexeï Koudrine. Il y a déjà un énorme désaccord avec le budget de la Défense qui restera important et il n'y a pas beaucoup de passages du discours qui ouvrent le marché russe au capitalisme international dominé par le dollar. De plus, Dmitri Medvedev a dit que tout ce qui pouvait être privatisé l'a été et que les entreprises d'État qui restent ne le seront pas vu leur caractère stratégique.

On dira plutôt que la Russie doit compter sur elle-même si elle veut aller de l'avant.

Une relance par la consommation ne semble non plus pas envisagée sauf pour l'accès à la propriété de son logement même si Vladimir Poutine parle de relèvement des revenus pour les Russes. Pour qu'une relance de la consommation ait des effets positifs sur l'économie, il faudrait d'abord que le pays produise des biens de consommation à des prix compétitifs, ce qui n'est pas le cas pour le moment dans trop de secteurs.

Une relance keynésienne n'est non plus pas au programme. Il y a moins de 5 % de chômage en Russie donc pas un taux qui nécessite de relancer l'emploi.

Plutôt qu'une relance conjoncturelle, la Russie a besoin d'une réforme structurelle pour développer les secteurs d'avenir dans les meilleures conditions et pour moderniser ses secteurs traditionnels.

Ce programme semble plutôt être une adaptation du « Système national d'économie politique » de Friedrich List qui a eu une influence considérable sur le système économique allemand au XIXe siècle et jusqu'en 1914. Sa théorie du « protectionnisme éducateur » est sans doute la meilleure voie à suivre pour la Russie tant qu'elle n'aura pas rattrapé son retard compétitif.

 

Pour conclure, voici quelques remarques personnelles sur cette adresse à la nation.

 

 

                                           Technoparc Skolkovo

 

 

La principale inconnue sera cependant les relations avec les États-Unis dans les années à venir. Si elles continuaient à se dégrader et cela semble se diriger dans cette direction, il y aurait beaucoup chances que Vladimir Poutine devra redéfinir les priorités de son programme.

Une deuxième inconnue, moins décisive, sera l'évolution de nos sociétés occidentales. Les partis antisystèmes gagnent de plus en plus de terrain en Occident et il peut y avoir un basculement anti-néolibéral à court terme aussi bien en Europe qu'aux États-Unis mais il est difficile de mesurer l'impact que cela aurait sur la politique économique russe.

Les Russes peuvent compter sur le feeling de Vladimir Poutine. Il est capable d'avoir une position attentiste (sanctions) ou de réagir rapidement quand c'est nécessaire dans d'autres cas (Crimée).

 

                                            Le pont de Crimée.

Il a besoin de gagner du temps pour préparer économiquement et militairement le pays à une éventuelle confrontation avec le néolibéralisme mondialisé.

Cependant, s'il maintient la politique économique actuelle, la Russie sera lentement étouffée parce qu’elle ne maîtrise pas les règles du système. L'exemple de la menace de l'exclusion des banques russes du système interbancaire de transactions SWIFT est un exemple récent.vi

Jusqu'à présent, la politique russe s'est distinguée par sa capacité de parler avec tout le monde. Le ministre russe des Affaires étrangère, Sergueï Lavrov, parcourt le monde depuis 14 ans pour défendre les positions de son pays. Il est certainement le diplomate russe le plus brillant de ces cent dernières années mais il a manifesté à plusieurs reprises son désir d'arrêter la politique. Est-ce que Vladimir Poutine trouvera quelqu'un d'aussi compétent pour le remplacer ? De la réponse à cette question dépendra aussi les futures relations internationales de la Russie.

Il reste à étudier les relations avec l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), avec les BRICS, avec l'Union économique eurasiatique et avec les nouveaux alliés du Proche et du Moyen-Orient qui seront les futurs partenaires de la Russie en cas de détérioration plus profonde des relations avec l'Union européenne.

Vladimir Poutine ne les évoque pas dans son discours alors que les relations avec ces organisations se renforcent continuellement et qu'un processus de dédollarisation est déclenché par la Chine avec le soutien de la Russie. vii

C'est une nouvelle étape vers l'émergence du monde multipolaire qui se dessine de plus en plus clairement.

Finalement, il restera le problème de sa succession. Contrairement à ce qu'on pourrait croire, il y a beaucoup jeunes politiciens compétents qui pourraient lui succéder notamment des quadragénaires formés en Russie et qui seront quinquagénaires dans six ans. 

Ce sera à lui de déceler la perle rare qui pourra donner un souffle nouveau à la Russie sans détruire tout ce qui a été construit depuis 2000.

 

 

i Jacques Chirac n'avait obtenu que 19,88 % au premier tour en 2002 avant de l'emporter avec 82,21 % au second tour contre J.M. Le Pen. Pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, les chiffres étaient respectivement de 24,01 % et de 66,10 % avec un taux total d'abstention et de votes blancs et nuls de 36,90 %.

ii https://www.gazeta.ru/politics/news/2017/12/04/n_10893002.shtml

iii https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/11/xi-jinping-pourrait-etre-president-a-vie-grace-a-cette-decision-du-parlement-chinois_a_23382636/?utm_hp_ref=fr-xi-jinping

iv https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_de_recherche_et_d%C3%A9veloppement_Skolkovo

v De nombreux centres de recherches se sont ouverts ces dernières années en Russie. Ils attirent de plus en plus d'étudiants et d'entreprises russes et étrangères. L'anglaise est souvent la langue de travail. Innopolis, près de Kazan, est un autre exemple de ce type de centres de recherches. https://www.youtube.com/watch?v=6qhRTJuJ9EE

vi http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2014/09/18/97002-20140918FILWWW00248-parlement-europeen-la-russie-exclue-de-swift.php

vii https://insolentiae.com/comment-le-commerce-rouble-yuan-mene-a-une-dedollarisation/

https://fr.sputniknews.com/economie/201803161035520411-russie-chine-tresor-argent/


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