Vote du plan d’austérité : pari gagné pour Valls, mais perdu pour la France

par Laurent Herblay
vendredi 2 mai 2014

Après des jours de débats publics, le gouvernement a obtenu une majorité confortable à l’Assemblée Nationale pour son plan de 50 milliards. Mais l’abstention d’une quarantaine de députés socialistes peut sembler apparaître comme une faille dans la majorité. Et si c’était l’inverse.

L’aile gauche du PS joue au bon flic
 
C’est un commentateur du blog, rebondissant sur un papier, qui m’a suggéré cette image, assez juste. Car au final, les abstentionnistes ont suffisamment montré leur différence pour pouvoir dire qu’ils ne sont pas pleinement solidaires du plan d’austérité. Mais ils ne sont pas allés assez loin (voter contre) pour se fâcher contre l’appareil socialiste et mettre en danger leur investiture et à risque l’approbation du texte. En fait, alors que le gouvernement exécute, comme il le peut après la campagne, les basses œuvres néolibérales, l’aile gauche regarde, compatissante, le peuple français en lui disant qu’elle n’est pas complètement d’accord. Mais elle a laissé passer le texte (l’abstention étant ici plus un « oui mais » qu’autre chose) contre des modifications à la marge (environ 1% du montant du plan).
 
En promettant de taper 1% moins fort, Manuel Valls a ainsi obtenu que son aile gauche ne se mette pas en travers de son chemin, ce qui en dit long sur les convictions réelles de cette « aile gauche ». On peut même se demander si la tragi-comédie des derniers jours n’a pas été orchestrée par Matignon et l’Elysée tant cela les sert tous. Cela montre que la majorité s’étend des frontières du centrisme à celles du FG. Cela donne une caution sociale aux abstentionnistes et, en modifiant un peu son plan, une touche d’humanisme à Valls. D’ailleurs, l’UMP était bien gêné aux entournures, l’appel à un plan deux fois et demi plus important, de 130 milliards (financé on ne sait comment dans le détail) ayant été publiquement refusé par deux figures du mouvement, François Baroin et NKM. Le PS fonce au centre toute  !
 
Un très mauvais plan

Il faut noter que l’ensemble des députés du MRC, le mouvement de Jean-Pierre Chevènement, n’a pas eu la timidité de l’aile gauche du PS, et a voté contre ce mauvais plan, comme Nicolas Dupont-Aignan. Car sur le fond, comme le note Paul Krugman, « il ne rompt pas avec l’orthodoxie destructrice de l’Europe et son parti pris d’austérité  ». La logique même du plan est totalement absurde. Les variations de l’euro, toujours aussi cher peuvent du jour au lendemain ruiner l’ensemble des efforts faits, comme cela s’est déjà passé avec le CICE. Les efforts de la France sont d’autant plus illusoires que notre voisin immédiat, l’Espagne, est allée plus loin que nous et restera donc plus compétitive… Ce plan, c’est un retour en arrière catastrophique aux politiques menées par Pierre Laval au milieu des années 1930.

Car fondamentalement, la logique même de faire de la course à la compétitivité la priorité du gouvernement, par delà l’incohérence crasse que cela représente pour un gouvernement qui se dit de gauche, est plus que suicidaire. Comment peut-on rentrer dans cette logique alors que le coût du travail en France est 5 à 20 fois supérieur à celui de l’Europe de l’Est, de l’Afrique du Nord ou d’une partie de l’Asie. A moins de diviser le SMIC par 5, notre pays ne sera plus jamais compétitif sur les coûts. C’est ce qui explique les récentes offensives du « socialiste » Pascal Lamy et du Medef contre le SMIC d’ailleurs. Dans ce cadre, nous ne pouvons aller que vers plus de chômage et moins de pouvoir d’achat.
 
Ce faisant, les abstentionnistes de mardi laissent faire une politique monstrueuse socialement et stupide économiquement. Ils ont préféré leur petit confort, comme le pressentait bien François Hollande, à la France et aux Français. Décidemment, il n’y a strictement rien à espérer du Parti « Socialiste ».

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