Wolfgang Schäuble, petit soldat austéritaire

par Laurent Herblay
lundi 20 avril 2015

Jeudi, le ministre des finances allemand a déclaré que « la France serait contente que quelqu’un force le Parlement, mais c’est difficile, c’est la démocratie », vantant les réformes « très réussies  » de l’Espagne. Des propos qui ont suscité un tollé et révélateurs à plus d’un titre.

Arrogance totalitaire et antisociale
 
Les propos de Wolfgang Schäuble sont graves à plus d’un titre. D’abord, ils sont bien peu diplomatiques et assez inadmissibles dans le cadre traditionnel de l’amitié franco-allemande. Comment travailler avec une personne qui tient de tels propos publics ? Ensuite, il est tout assez effarant qu’il vante les réformes « très réussies » de l’Espagne. Comme ne pas y voir, au mieux, une déconnexion totale du réel, au pire, un mépris tout aristocratique vis-à-vis d’une population espagnole qui vit avec un quart de la population au chômage et qui offre à ses jeunes pour avenir immédiat l’absence d’emploi pour près de la moitié d’entre eux. Bien sûr, cela baisse maintenant, mais en 2007, le taux de chômage était à 8%.
 
Mais outre le fait d’être anti-social, le propos du ministre allemand est aussi profondément antidémocratique. En effet, il parle tout de même de « forcer le Parlement  » et pointe, semble-t-il avec une forme de regret, que « la démocratie est difficile  », comme s’il pensait qu’une bonne autocratie était finalement plus efficace que le fait de laisser au peuple et à ses élus un mot à dire dans la marche du pays. Ce n’est peut-être pas totalement étonnant de la part d’un pays qui a sorti sa politique monétaire du cadre démocratique, mais en est d’autant inquiétant et révoltant qu’il s’agit de facto de ce que pense une partie des élites, comme le notait bien Emmanuel Todd dans son livre « Après la démocratie  ».
 
La double face du Parti Socialiste
 
La majorité a dénoncé ces propos, Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du PS, affirmant que « la francophobie de Wolfgang Schäuble est insupportable, inacceptable et contre-productive  » et Michel Sapin, son homologue français, soutenant que « la France déteste qu’on la force  ». Mais ces propos sont très révélateurs à plus d’un titre. En disant cela, Cambadélis et Sapin abondent de facto dans le sens du ministre allemand, mais ne font que dénoncer le fait qu’il le dise publiquement. Pas de véritable critique du caractère impérialiste, antisocial et antidémocratique de ses propos. Michel Sapin veut bien obéir et suivre ce que dit l’Allemagne mais à condition que cela respecte les formes…
 
D’ailleurs, c’est ce que Wolgang Schäuble a dit : « si vous en parlez avec mes amis français, que ce soit Michel Sapin ou Emmanuel Macron, ils ont de longues histoires à raconter sur la difficulté à convaincre l’opinion publique et le Parlement de la nécessité de réformes du marché du travail  ». Même si le ministre des finances a répliqué aux propos de son homologue allemand, sa réponse confirme ce qu’il a dit, comme le dit Jean-Luc Mélenchon pour qui ces propos « illustrent la nouvelle arrogance allemande à l’heure où elle domine l’Europe, qu’elle met en coupe réglée (…) encouragé par les pleurnicheries des ministres français qui se plaignent auprès de lui de leurs propres compatriotes  ».
 

Les propos de Wolfgang Schäuble sont scandaleux et démontrent l’arrogance que l’UE donne à l’Allemagne. Mais ils révèlent également l’attitude servile de nos gouvernants, et pire encore, une forme de critique de la démocratie extrêmement choquante qui révèle le côté totalitaire de la pensée dominante.


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