Le rationnement de 3 Go d’Internet par Najat Vallaud-Belkacem

par Sylvain Rakotoarison
lundi 25 mars 2024

« Et, comme nous sommes incapables de nous poser des limites (…), il faut que la contrainte vienne d'ailleurs : donc de la loi, donc de l'État. » (Najat Vallaud-Belkacem, "Le Figaro" le 18 mars 2024).

 

Je ne sais pas si tout le monde, du moins, si tous les internautes ont entendu parler de la dernière proposition farfelue de l'ancienne ministre socialiste Najat Vallaud-Belkacem. Je ne sais pas s'il faut en pleurer, en rire (mon naturel), être en colère, ou même l'ignorer. Vous l'avez compris, j'ai plutôt choisi l'option du rire, ou plutôt, du sourire, sinon je ne l'évoquerais même pas. Je ne sais pas si la simple conseillère régionale socialiste d'Auvergne-Rhône-Alpes vieillit mal, car je crois qu'elle n'a jamais été douée pour faire des propositions constructives sinon intelligentes. Elle l'a formulée dans une tribune publiée dans "Le Figaro" du lundi 18 mars 2024. Un journal inhabituel pour cette habituée de "Libé" ou de "L'Obs". Je soupçonne "Le Figaro" d'avoir voulu constituer son "dîner de c@ns" ! En l'occurrence de c@nnes, mais je n'insiste pas car j'enrage contre l'écriture inclusive. J'ai pourtant bien vérifié, c'est bien le 18 mars, pas le 1er avril. Et c'est bien "Le Figaro", pas le "Gorafi".

Najat Vallaud-Belkacem est partie d'un constat qui, là, est à peu près le seul pertinent de son raisonnement : "nous" sommes trop collés à nos écrans. Le "nous" est d'ailleurs humble puisqu'elle s'y met. En somme, cette narcisse est trop obsédée par son smartphone : « Ce problème, c'est celui de nos rapports aux écrans, et, plus concrètement, à internet. ». J'aurais même tendance à dire qu'elle y est beaucoup trop et que cela la dessert politiquement : moins on est présent médiatiquement, moins on se risque d'être la risée de tous, du moins lorsqu'on est connu pour dire des stupidités chaque fois on l'ouvre, comme c'est son cas.

Le diagnostic se pervertit avant même d'apporter sa solution totalitaire : « Si je parle d'évidence, c'est que tous les grands sujets, écologie, discrimination, inégalités, harcèlement, éducation, savoirs et cultures, sont liés à internet. Ce dernier y est moins souvent une solution qu'un facteur aggravant. ». Encore une personne qui se croit fine en confondant l'outil et sa destination ! Les bouleversements climatiques, les haines de harceleurs enragés, les manquements à la courtoisie, au respect de l'autre, et bien sûr, la pornographie, les trafics en tout genre ont existé bien avant qu'Internet n'existe.

Et déjà, elle a glissé dans la faille du raisonnement : « Il est étonnant que personne ne se soit jamais posé la bonne question : non pas comment contraindre les entreprises, ou comment encadrer l'usage, on sait très bien qu'il y a une dimension addictive dans notre rapport aux écrans, et que l'addiction ne se résout jamais par la bonne volonté de celles et de ceux qui l'entretiennent ou la subissent. Mais simplement : avons-nous besoin de tant d'internet que cela ? ». Rien que cette réflexion, on a peur pour la suite. En gros, si je suis un gros fumeur, mon addiction au tabac est terrible, mais on me dira : eh, Duschnoque, t'as vraiment besoin de tes clopes ? Alors, je méditerai, et je conclurai : ah mais c'est bien sûr, ça ne me sert à rien, j'arrête dès ce soir (après la dernière).

Alors, je vois bien que mon analogie avec le tabac est mauvaise. Je ne vois aucun cas où la cigarette pourrait être utile, sauf peut-être celle du condamné à mort (il a bien le droit à une petite gâterie avant de partir). En revanche, l'intérêt d'une grosse utilisation d'Internet pour un certain nombre de personnes, j'en vois des millions d'exemples (les piratages récents d'hôpitaux ont bien montré qu'il ne s'agit pas d'addiction, mais d'utilisation). Madame d'ancienne adjointe de Gérard Collomb n'imagine même pas qu'Internet n'est pas qu'une simple zone de loisirs futiles et fugaces. Il sert des millions de professionnels dans leur métier, de manière décisive et efficace. Il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que je suis addict à l'automobile parce que je m'en sers matin midi et soir et même les jours fériés. Elle est juste un outil utile, comme le caleçon, la brosse à dent, la tasse de thé, le réfrigérateur ou la carte bancaire.

Vient ensuite la phrase qui tue, celle qui dit tout et qui est philosophiquement navrante : « Et, comme nous sommes incapables de nous poser des limites, admettons-le, et cessons de tomber dans le piège de tous ces élus qui tonnent contre la jeunesse et sa dépendance aux écrans mais se ruent sur leurs téléphones au cours des séances à l'Assemblée, au Sénat, ou ailleurs, il faut que la contrainte vienne d'ailleurs : donc de la loi, donc de l'État. ».

Arg ! Dans cette phrase, il y a tout ce que j'exècre. D'abord, le "nous" généralisant. Ben non, elle a peut-être des problèmes d'incapacité, mais pas tout le monde. Tout le monde n'est pas fou de son outil appelé smartphone. Heureusement. Ensuite, la pique contre les parlementaires, dans une sorte d'inavouable populisme anti-parlementariste, est gratuite et inopérante : un enfant doit se construire, tandis que l'adulte (a priori, peut-être pas elle ?) est construit, il peut avoir plus de recul, plus de distance, plus d'esprit critique, plus de résilience aussi, il peut avoir plus d'élasticité avec les choses, avec Internet, au contraire des enfants qui sont des éponges d'émotivité et d'immaturité. Ce qui n'est pas bon pour les enfants n'est pas forcément mauvais pour les adultes ; c'est là encore que mon analogie avec le tabac est décidément très mauvaise, je la regrette encore.
 

Mais cela, c'est de l'ergotage, car le clou du spectacle, c'est de dire : je suis incapable d'être sérieux, alors je demande à Big Brother de l'être à ma place. Bon, c'est vrai que l'État est nécessaire et je ne suis pas du tout un libertarien ou un anarchiste. Le code de la route, les lois sur les accidents du travail, entre autres, ont permis de modifier les comportements et de prendre plus de responsabilités. Les lois contre le harcèlement, l'appel à la haine, etc. aussi. La liberté doit être encadrée, j'en suis bien d'accord. Le curseur est toutefois très sensible, il faut le manier d'une main tremblante (dernier exemple heureusement avorté, mais la tentative reviendra, sur l'examen médical pour le permis de conduire). Pour ce qui d'utiliser Internet, avoir besoin de l'État pour m'empêcher de rester trop longtemps devant un écran, c'est une conception ultraétatique de la société qui n'est absolument pas la mienne. C'est une conception qui pense que l'État doit être présent jusqu'à l'intimité des décisions personnelles. Conception typiquement totalitaire : l'État s'occupe de vous, il contrôle tout, rassurez-vous, tout va bien se passer.

Car je sais bien que beaucoup d'apprentis dictateurs sont là, tapis dans le décor, ils ne le savent peut-être même pas, pour ne pas rater l'occasion de surveiller, contraindre, interdire, imposer, rationner. Bref, d'enfreindre la simple liberté individuelle qui ne fait de mal à personne.

En clair, faire ce choix (il n'y a que l'État qui peut nous permettre d'être meilleur), c'est le renoncement total à l'éducation, dont elle était pourtant la ministre pendant trois ans. C'est renoncer au libre arbitre (je suis libre et je prends mes responsabilités). C'est infantiliser les Français qui seraient, elle l'admet pour elle-même mais veut généraliser, incapables d'avoir par eux-mêmes un comportement vertueux (à la définition à préciser). En clair, Najat Vallaud-Belkacem considère que les Français sont incapables de responsabilité. Ils sont trop minables, trop petits, trop immatures, trop comme elle, en définitive, et donc, c'est l'État qui doit dire le bien et le beau, la vertu et le juste. Cette conception-là, ce n'est donc évidemment pas la mienne et j'ai l'impudence de penser que c'est le cas aussi pour une grande majorité de mes contemporains. Elle voudrait bâtir en France un régime de type nord-coréen, où toute initiative personnelle doit avoir l'approbation de l'État !

Puis vient dans la tribune cette proposition foireuse : « Voilà pourquoi je souhaiterais que l'on réfléchisse concrètement aux moyens de rationner internet, par exemple en accordant un nombre limité de gigas à utiliser quotidiennement. Ce que je propose, en somme, c'est une action politique d'ampleur, dont les conséquences seront bénéfiques à bien des niveaux : en termes de développement cognitif, pour la santé, mais aussi pour lutter contre les discriminations, le harcèlement, le réchauffement climatique et bien d'autres enjeux absolument fondamentaux pour aujourd'hui. ». Ce qui est dément, c'est que le mot "rationner" n'est pas l'interprétation d'un lecteur critique (en l'occurrence moi), c'est son propre terme, c'est entre guillemets. Organiser le rationnement alors qu'on peut l'éviter. Il faudrait imaginer à la Libération, lorsqu'il y avait des tickets de rationnement pour le pain, le beurre, le lait, etc. comme c'était cool à l'époque... On peut aussi organiser le rationnement en électricité, en chauffage (interdiction de dépasser les 19°C, et tant pis pour les malades), en eau aussi (2 litres par personne et par jour, la douche seulement une fois par semaine, pourquoi pas ; remarque, en France, on a déjà l'impression que le savon et le dentifrice sont déjà rationnés si l'on compare la consommation avec d'autres pays), etc.

Elle poursuivait : « Alors, bien sûr, rationner Internet ne fera pas disparaître tous les problèmes. Mais la rareté oblige à une certaine sagesse. Si nous savons que nous n'avons que trois gigas à utiliser sur une semaine, nous n'allons sans doute pas les passer à mettre des commentaires haineux ou fabriquer des fakes. Peut-être cesserons-nous de considérer comme "normal" de passer plusieurs heures sur des sites pornographiques à regarder des vidéos en ultra HD. ».



Ce paragraphe est absurde de manière multiple. Passons sur les "gigas" dits comme les "kilos", ce qui ne veut rien dire, on dit "kilogrammes" ou "kilomètres", etc., pour les gigas, c'est pareil, ce n'est qu'un préfixe de nombre multiple, "gigaoctets" ? "gigabits" ? Mais qu'importe. L'exemple de 3 gigaoctets montre bien que l'ex-ministre n'a aucune notion du domaine qu'elle évoque. 3 Go/semaine, cela ne fait pas grand-chose de nos jours avec des site Internet ultralourds à charger. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle on passe petit à petit à la fibre optique avec une meilleure bande passante (ce sera obligatoire à partir de 2030).
 

Selon l'Arcep, les Français consomment en moyenne 14 Go par mois depuis leur smartphone. Le rapport de la Fédération française des télécoms publié en décembre 2023 indique de son côté qu'un foyer consomme en moyenne 222 Go par mois depuis sa box Internet. Les prévisions pour 2030 sont bien sûr à la hausse : 89 Go par mois depuis un smartphone et plus de 1 000 Go par mois depuis une box Internet. Avant de donner un seuil (au hasard), l'ancienne directrice générale de l'institut de sondages Ipsos chargée des études internationales et de l'innovation sociale, qui n'a pas laissé un souvenir impérissable de son passage entre février 2018 et fin 2019, assimilé par "Le Canard enchaîné" du 14 mars 2021 à un "parachutage doré", aurait au moins dû s'informer de l'état des lieux de la consommation actuelle en France pour avoir un ordre de grandeur de l'effort qu'elle voudrait imposer aux Français.

Ensuite, elle a avoué sans ambiguïté qu'elle voulait organiser la rareté, c'est typique des industriels qui trichent. Comment une contrainte peut entraîner la sagesse ? La sagesse vient d'elle-même ou n'est pas. On ne devient pas sage par contrainte. Notion absurde. Aussi absurde que de se vanter d'être modeste. Elle compte sur la rareté pour réduire la haine et les fake-news sur les réseaux sociaux, vraiment ? Quelle impayable naïveté ! Ceux qui déversent haine et mensonges sur Internet y ont intérêt (électoral, idéologique, commercial ou tous simplement psychologique). Ils continueraient tout autant. Les chauffards ont toujours existé, radars automatiques ou pas radars automatiques. Comme toujours avec ces contraintes étatiques, ceux qui ne sont pas sages ne le deviendraient pas plus, et ceux qui sont déjà sages seraient punis, injustement. Quant aux sites porno, soit ils sont interdits et il faut les fermer, soit il faut les accepter et accepter qu'il y a des consommateurs. Et d'ailleurs, cela n'a rien à voir avec une connexion Internet, et avant Internet, il existait aussi des revues, des ouvrages, des cassettes vidéo qui faisaient déjà de la pornographie un secteur très rentable.

En fait, on ne comprend pas très bien quel est l'objectif de Najat Vallaud-Belkacem : est-ce une entreprise de morale, de vertu, d'ordre moral finalement, et dans ce cas, attention danger !, on sait où ça nous mène, de vouloir régenter la vie personnelle de chacun selon ses propres référents moraux ? ou est-ce un objectif basique d'avoir moins longtemps l'œil devant un écran, auquel cas il faudrait aussi interdire la télévision (limiter à une heure d'émission par jour, par exemple !), qui peut se capter en hertzien sans Internet, il faudrait aussi revenir à la bougie, car je connais un peu le marché des écrans plats, et s'il a grimpé de manière exponentielle ces vingt dernières années, ce n'est pas que pour des smartphones, des téléviseurs et des ordinateurs. De plus, légiférer signifie généraliser, alors qu'il y a autant d'utilisation d'Internet que d'internaute. Chaque cas est exception. La socialo-étatique souhaite toute généraliser, tout imposer comme si tout le monde était comme elle. Peut-être croit-elle avoir manqué d'avoir des parents sévères qui lui auraient interdit certaines dérives ? Pourquoi vouloir alors punir la Terre entière ?

Je me demande même pourquoi je m'évertue à argumenter alors que la proposition est tellement hors-sol, stupide, prenant les problèmes à l'envers, et au-delà de ce que cela dit de la conception totalitaire de la vie et de l'État, je m'effraie de savoir qu'elle a été membre du gouvernement de la France pendant cinq ans ! Cela dénote à la fois une méconnaissance de tous les sujets abordés, une incompétence généralisée, métastasée dans tous les interstices de la réflexion humaine, alors qu'on prétend faire de la politique, et une naïveté quasi-puérile qui me paraît peu compatible avec la fonction de gérer et d'administrer.

Mais la femme de l'actuel président du groupe socialiste à l'Assemblée n'en a pas fini avec "nous" : « Peut-être réapprendrons-nous alors à cultiver cette "écologie de l'attention" chère à Yves Citton, et, tout simplement à nous regarder à nouveau, à nous considérer, autrement. Et je ne souligne même pas la paix qu'une telle mesure pourrait apporter dans les relations familiales… », écrit-elle avec un brin d'incrédulité. Désolé, je n'ai pas eu le loisir de connaître Yves Citton (cela fait peut-être bien de citer cet universitaire helvético-parisien, au demeurant certainement intéressant, histoire de se montrer cultivée), mais je sens surtout au bout de la phrase une utopie très naïve et infantile : on interdit Internet, et tout le monde, il va être beau il va être gentil ?

Quel misérable raisonnement ! Comme si l'éclatement de la cellule familiale datait de l'arrivée d'Internet (on disait déjà la même chose avec l'arrivée de la télévision). La décomposition des familles, provenant d'abord par un élément positif, le fait que la femme travaille et n'a plus besoin, pour vivre, de rester coller au mari (d'où l'accroissement des séparations), et aussi d'un autre phénomène plus grave, la perte d'autorité, de toute autorité (institutionnelle ou fonctionnelle), ces deux éléments ont contribué à l'éclatement de la cellule familiale, que je trouve regrettable mais peut-être qui n'est qu'un passage vers un modèle de vie moins familial et plus communautaire (dans le sens réseaux sociaux du terme) ? Bref, ce n'est pas en limitant à 3 Go/semaine qu'on retrouvera la fin de la haine (demandez à Vladimir Poutine et aux Ukrainiens ce qu'ils en pensent).

Si on continue la lecture de cette longue tribune, c'est terrible, on sombre alors dans le n'importe quoi, on s'enfonce dans la fange, on se noie dans des arguments absolument débiles (désolé, je n'ai pas d'autre mot pour dire ce simplisme de l'esprit) qu'un enfant de 10 ans n'oserait même pas exposer à un adulte (parce qu'en général, il est fier de lui, il a un peu de dignité intellectuelle, il se respecte).

En effet, maligne (elle a fait science po quand même !), l'ex-ministre a voulu couper l'herbe sous les pieds de ceux qui brandissent le modèle chinois (j'ai évoqué le régime nord-coréen) : « Alors, évidemment, dès que j'évoque cette possibilité d'un rationnement d'internet, les accusations pleuvent : irréaliste ! réactionnaire ! DICTATORIAL, après tout la Chine le fait ! Vous imaginez ? La Chine ! Est-ce cela que nous voulons pour nos enfants ? Mais sauf erreur de ma part, en Chine, on soigne aussi les malades, et je ne vois pas au nom de quoi cela devrait nous conduire, nous, à ne pas le faire, et à fermer tous nos hôpitaux. ».

Je n'arrive pas comprendre comment elle a osé publier de telles inepties ! Ou alors, c'est un poisson d'avril arrivé trop tôt ? Rappelons-nous que lorsqu'on écrit en lettres capitales, on CRIE sur Internet. Elle a contre-attaqué donc en disant que la Chine fait parfois des choses biens (par exemple, elle a des hôpitaux et elle soigne des patients). L'argument, qu'il est beau ! Il me fait penser bien sûr à Ségolène Royal qui, le 9 janvier 2007, avant de commencer réellement sa campagne présidentielle, a fait un petit voyage initiatique en Chine et a trouvé que la justice en Chine était beaucoup plus rapide que chez nous, et qu'il faudrait l'imiter. Je suis heureux qu'elle n'ait pas été élue, et je suis atterré par de tels arguments. Une justice rapide ou une justice expéditive ? Parfois, je préférerais qu'on prenne le temps de réfléchir, d'affiner son jugement, de s'instruire, de tourner son doigt sept fois avant de clavioter n'importe quoi pour faire du buzz.
 

Ensuite, on s'enfonce dans les eaux encore plus profondes du plus-que-vraiment-n'importe quoi que je ne détaillerai pas trop parce que la tribune continue avec un blabla totalement stupide, dont je retiendrai quand même trois perles (rappelez-vous, j'ai écrit cet article pour sourire).

La première est de penser aux emails professionnels à votre place : « On peut rédiger sur un traitement de texte ses courriels de la journée avant de les envoyer. On peut se déplacer pour aller poser une question à un collègue, voire bénéficier du fameux effet "machine à café". ».

La deuxième perle, cela concerne tous les programmeurs : « On peut même, toute personne s'y connaissant un tant soit peu en programmation vous le dira, coder sans ordinateur, avec un crayon et un papier. ». Elle a dû être mal conseillée sur le métier de programmeur... (sans compter que le papier n'est pas très très écolo, les arbres en savent quelque chose).

La troisième perle : « Aucun message ministériel ne pourra empêcher un adolescent de se faire pourrir l'existence sur internet. Cela ne fonctionne pas et ne peut pas fonctionner. Si nous ne débranchons pas volontairement le cordon, les possibilités pour qu'internet s'autorégule sont les mêmes que pour les marchés financiers, et nous voyons bien à quel point cela fonctionne… ». Je ne la commente pas sinon que cette réflexion mélange différentes choses parfois sans aucun rapport (je ne vois pas ce qu'ont à voir les marchés financiers avec le harcèlement d'adolescents sur Internet).

La seule phrase qu'il faut retenir pour comprendre le message de Najat Vallaud-Belkacem, c'est surtout celle-ci : « Bref, peut-être le temps est-il venu de nous détoxiquer collectivement, et donc de rationner internet. ». C'est le "donc" qui me gêne. Ce serait tellement plus simple qu'elle ne prenne pas son problème d'addiction personnelle pour une généralité et qu'elle appuie sur le bouton arrêt, tout simplement, sans rationner personne, ni même les médecins, par exemple, qui se transmettent des fichiers d'imagerie médicale qui sont très lourds en octets mais qui sauvent des vies par leur bonne interprétation.

Et l'ex-élue lyonnaise de conclure enfin : « Nous avons perdu trop de temps déjà, pour en perdre davantage. Il y a une urgence numérique comme il y a une urgence climatique. Elle ne consiste pas à envoyer dans l'espace des satellites supplémentaires, mais à débrancher la prise, à éteindre nos écrans, et à commencer à revivre, enfin. (…) Parce que oui, j'ai un problème, vous avez un problème, nous avons un problème : fermer les yeux n'y changera rien. C'est bien l'écran qu'il nous faut éteindre. ».

Les réactions choquées par cette proposition ont certainement généré beaucoup plus d'activité internautique que ces gigaoctets de rationnement. C'est donc elle-même qui produit cette pollution numérique qu'elle voudrait combattre, quelle efficacité ! Eh bien finalement, même si elle a le droit de s'exprimer et de proposer n'importe quoi parce que justement, je crois en une société de liberté, de non-rationnement, et d'autorégulation (les réactions l'ont montré, je n'en connais pas une qui approuve l'ancienne ministre, ce qui rassure le cœur et l'esprit), au lieu de vouloir emm@rder la France entière avec ses petits soucis d'addiction, je lui propose plutôt d'éteindre sagement son smartphone et d'aller prendre l'air dans la montagne ou à la campagne, et de réfléchir calmement à comment ne plus prendre les Français pour des imbéciles.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (23 mars 2024)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Le rationnement de 3 Go d'Internet par Najat Vallaud-Belkacem.
La maîtrise des fondamentaux (21 septembre 2015).
La PMA avant tout (28 mai 2013).

 

 


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