Le Polythéisme, dans l’antique Sud-Ouest de l’actuelle France, pseudo-Gaules aquitaine et narbonnaise...

par Jérémy Cigognier
mercredi 3 janvier 2024

... ou l'Antiquité pré-romaine dans le Sud-Ouest, sous la Garonne jusqu'à Nîmes, en passant par Toulouse – et au-dessus de l'Ebre jusqu'à Saragosse, puis en descendant sur Gibraltar.

Car le Sud-Ouest n'est pas celte/gaulois, pas plus que celtibère.

 

Cela dessine un genre d'arc de cercle géographique, avec axialement les Pyrénées au Nord – d'Ouest en Est, et la Méditerranée à l'Est – du Nord au Sud. C'est une seule même aire pré-romaine, ethniquement, quoi que – comme toutes les aires à cette époque – elle fut clanique, c'est-à-dire criblée de clans aux frontières floues et mouvantes, qui rentraient en conflit pour des affaires de vols de bétail, de conquêtes ou d'autres rivalités.

L'exemple « français » le plus fameux de ces jeux claniques, est celte/gaulois : au premier siècle avant le Crucifié, le puissant clan des Eduens en Bourgogne (Bourgogne, qui tire son nom d'un futur clan germain prenant possession du territoire) rivalisait avec le puissant clan des Arvernes en Auvergne (Auvergne qui tire son nom desdits Arvernes) ; de sorte que les Arvernes payèrent des mercenaires Séquanes dans le Jura, ainsi qu'Helvètes (inutile de vous situer leur région) pour prendre les Eduens en sandwichs ; ils étaient pourtant tous ethniquement celtes/gaulois, tous autant qu'ils étaient ; où les Eduens demandèrent l'aide de la puissante Rome contre la puissance des Arvernes, à travers leur druide Diuiciacos – seul druide historiquement attesté – et un certain Caius Julius Caesar sauta sur l'occasion pour sidérer les siens ; après la conquête de la Grèce par Lucius Mummius, et celle de l'Ibérie et de la Punicie par Publius Cornelius Scipio, Caius Julius Caesar conquit l'espace que les Romains nommèrent Gallia, Gaule (sur la base d'un certain mot celte/gaulois galatos signifiant vaillant). Pour l'anecdote, Lucius Mummius a été surnommé Achaicus et Publius Cornelius Scipio Africanus, rapport à leurs conquêtes. Caius Julius Caesar ne fut jamais surnommé Gallus...

Ce qui donna la fausse impression que le Sud-Ouest français fut celte/gaulois, est lié :

  1. aux interactions pré-romaines,
  2. à la conquête césarienne, et
  3. au nationalisme français intervenant bien plus tard au XIXème siècle, sous Napoléon III puis la IIIème République, et son fameux « nos ancêtres les Gaulois » erroné.

En effet,

  1. les clans dont nous parlons, sous la Garonne jusqu'à Nîmes, en passant par Toulouse, avaient les Celtes/Gaulois pour voisins au Nord. Le voisinage implique commerce et tension, jusqu'au conflit. Dans ce cadre, on peut supposer que les prédécesseurs des Bordelais – les Médules, donnant leur nom au Médoc – ainsi que les prédécesseurs des Toulousains et des Nîmois – les Volques Tectosages et Arécomiques – étaient plus celtisés/gallicisés que les clans plus au Sud. Enfin, il est sûr et certain, que les Médules avaient un profond caractère ibéro-aquitain ; alors leur celtisation/gallicisation est d'époque romaine, où un clan allié des Eduens alliés de Rome (celui des Bituriges Vivisques) fut déporté dans le Bordelais (inaugurant la future Bordeaux sous le nom de Burdigala, afin d'amoindrir la puissance des Santons donnant leur nom au Saintonge)... quant aux deux clans volques, ils ne soumirent leurs prédécesseurs qu'à l'occasion des troubles causés par les guerres puniques, à partir du troisième siècle avant le Crucifié ; ils se saisirent du caractère ibère régional.
    Plus généralement – les frontières n'étant pas imperméables – les clans sous la Garonne jusqu'à Nîmes en passant par Toulouse (et au-dessus de l'Ebre jusqu'à Saragosse, puis en descendant sur Gibraltar) utilisaient et fabriquaient du matériel « celte », ressemblant donc matériellement aux Celtes/Gaulois au Nord (qu'ils combattirent régulièrement) autant qu'aux Celtibères au Sud (qu'ils combattirent de même). Ils avaient néanmoins, aussi, du matériel ibère – pour preuve nodale : les fouilles des tumuli de Vielle-Tursan, près de Mont-de-Marsan, exploitées dans l'ouvrage Nos Voisins les Gaulois de Benjamin Caule.

  2. Caius Julius Caesar « Gallus » cartographia au Nord de la Seine la Gaule belge, de la Seine à la Garonne la Gaule celtique et au Sud de la Garonne la Gaule aquitaine... sauf que les deux premières sont assurément celtes/gauloises, avec une nuance de germano-scandinavisme (c'est une seule et même ethnie) côté belge – assez tôt au Nord, depuis la Seine. Mais ce même cartographe, souligna le caractère ibère de la Gaule aquitaine, en remarquant même une plus grande proximité avec les Ibères qu'avec les Celtes/Gaulois. C'est ainsi que nous avons affaire, en Histoire, à un phénomène d'assimilation régressive de cette prétendue « Gaule » aquitaine, au monde gaulois. Pourquoi ? Parce que

    2.1. Rome avait déjà conquis ce qu'elle avait nommé Gaule narbonnaise jusqu'en Ariège, vastes Pyrénées orientales : la contrée au-delà, entre Pyrénées et la Garonne, fut ainsi nommée aquitaine, géohistoriquement coupée de son « aile Est » narbonnaise ;

    2.2. Rome, de même, avait déjà conquis la péninsule ibérique durant les guerres puniques, sur les trois derniers siècles avant le Crucifié, coupant géohistoriquement ainsi la « Gaule aquitaine » de son « aile Sud » – aile ibère courant sous les Pyrénées le long de l'Ebre jusqu'à Salduie (antique Saragosse) puis en direction des colonnes d'Hercule (antique Gibraltar).
    Quand donc Caius Julius Caesar « Gallus », conquit la contrée sous la Garonne, il se confrontait à un genre de survivance à caractère ibère, après les guerres puniques qui avaient vu la fondation de la Gaule narbonnaise et de l'Ibérie : le clan des Barskunes, alliés des puissants Ilergètes (vers Lérida) et des Kérètes (Cerdagne) allait avoir le succès toponymique que l'on sait (Barskunes > Uascones en « bon latin » > Vascons/*Bascons selon le bétacisme phonologiquement entre [b], [β] et [v] > Gascons selon la prononciation germaine wisigothe > Basques suite à la francisation).

  3. Voilà un siècle-et-demi maintenant, que la France modernisée sous Napoléon III puis la IIIème République, s'est inventée un roman national en même temps qu'elle détruisit jacobinement les langues régionales, afin administrative totalitaire pour faire pays de maints pays... Cette énième violence géohistorique après Rome, fit oublier les différences au Sud, sans parler de nos « blagues (anti)belges » séparant deux pays au Nord, même francophones. « Car qu'est-ce qu'un Suisse ?... C'est un Belge qui a fait des études... Et un Alsacien ?... Un Belge qui n'a pas trouvé la Suisse... »
    Mais si toutes ces régions septentrionales, avaient en commun une celticité/gallicité plus ou moins germaine (et bien germanisée ultérieurement, à la chute de l'Empire Romain) ce n'est pas le cas des régions méridionales en question, en dehors de certains aspects matériels déjà évoqué au premier point – exemplairement, avec les fouilles des tumuli de Vielle-Tursan.

 

 

Il faut savoir, que sous la Garonne et jusqu'à Nîmes, en passant par Toulouse, étaient parlées des variétés de l'ibère. En fait, avant le XIXème siècle français puis le XXème siècle médiatisé, on ne faisait de toutes façons jamais que parler des variétés de variétés linguistiques, dans cette contrée comme ailleurs, en France, en Europe et dans le Monde entier.

Pour reprendre l'exemple des Celtes/Gaulois ou des Celtibères d'ailleurs, leur « latin » n'était pas plus unifié qu'autre chose, d'une vallée l'autre, de l'amont à l'aval d'une rivière, d'un côté à l'autre d'une forêt, d'un bout à l'autre d'une plaine, etc. Les gens qui se fréquentaient peu voire pas, quoi que de la même famille linguistique, variaient géohistoriquement dans leurs langages (c'est même pour cela, qu'il peut sembler étonnant de dire que le français, l'allemand et le russe – par exemples – sont issus de la même racine indo-européenne). Enfin pour plus de détails, lisez cet article : « Le basque originé - desideratas négationnistes des bascolâtres (généralement) décrites par un bascophile »

Mais dire qu'étaient parlées des variétés de l'ibère, cela suffit-il à épuiser la question ? Non.

En effet, dans la contrée circon-pyrénéenne qui nous intéresse – contrée où, comme on l'a remarqué, les Pyrénées n'étaient pas du tout une frontière, mais un espace commun d'un fleuve l'autre, de la Garonne à l'Ebre – eh bien, il y avait, avant les Ibères déjà, une autre forme de peuplement.

La génétique est là pour nous dire, que tous ces peuples étaient de type indo-européen, c'est-à-dire que depuis deux mille à trois mille ans avant les guerres puniques, s'était imposé massivement le génotype que les USA qualifient de Caucasian race, et que nous préférerions certainement traduire par ethnotype caucasien, originaire des steppes aujourd'hui ukrainiennes. Pour le dire sans fard : les Blancs. Or ces Blancs s'étaient plus ou moins croisés avec leurs prédécesseurs, mélange multi-millénaire d'Hommes de Cro-Magnon avec plus ou moins d'agriculteurs anatoliens. À ce propos, on a là l'essentiel génotypique de l'ethnotype caucasien, relativement stable à travers les millénaires depuis, et dominé civilisationnellement par le style caucasien, dit aussi indo-européen.

Les nazis en firent un délurés aryanisme nordique, et les Allemands contemporains disent toujours Indo-Germanen, comme à l'ère hitlérienne... ce qui n'est pas un contre-argument scientifique à l'héritage indo-européen néanmoins, du moment qu'on l'origine bien en reconnaissant les assemblages multi-millénaires, dont même les Européens de religion juive sont tributaires, depuis le temps qu'ils se sont diasporiquement fondus dans les peuples : rien n'est pur, et les Israéliens actuels sont de vastes Européens, tandis que les Palestiniens ont une hérédité génétique datant de l'antique Canaan. Curieux, non ?

Ce n'est pas génétiquement, que le Sud-Ouest en question se distingue dans l'Antiquité. C'est bien culturellement qu'il s'en distingue, mélangeant matériellement le style celte et ibère, sans être ni celte/gaulois ni celtibère.

En fait, avant la celtisation du vaste Occident européen – à partir du dernier millénaire avant le Crucifié – des peuples à caractère pré-celte s'étaient implantés sous la diagonale, allant de l'Italie du Nord à l'embouchure de la Loire : les Ligures. Or des Ligures, nous ne savons pas grand-chose, en dehors de témoignages gréco-romains tardifs, car ils furent repoussés par les Celtes ; et, ce, jusqu'au Sud-Ouest en question – sous la Garonne jusqu'à Nîmes, en passant par Toulouse.

C'est-à-dire que, comme nous le disons depuis un moment, ce n'est pas parce qu'on partage une génétique et un style de civilisation en commun, que l'on ne lutte pas les uns contre les autres – sinon, les deux guerres mondiales n'auraient pas eu lieu, pas plus que l'actuelle guerre russo-ukrainienne/otanienne. Nous sommes tous issus du même arbre généalogique, n'est-ce pas ? Qui de mieux que des frères, pour se chamailler ? Celui qui vit à l'autre bout de la Terre m'est indifférent, en dehors d'éventuelles exactions de niveau planétaire dont je subirais les répercussions, telles que, au hasard, le covid... et encore. Mais cela ne fait pas une conflictualité quotidienne ni prégnante. Curieux, non ?

Le peuplement ligure fit peau-de-chagrin sous le coup de la celtisation à l'Est, mais ils laissèrent des traces linguistiques dans la région italienne de Ligurie toujours. Dans le Sud-Ouest sous la Garonne, les clans des Elusates (actuelle ville d'Eauze, près d'Agen) et des Tolosates (devinez quelle ville en tire le nom) sont connus pour avoir des terminaisons ligures – par exemples. Ces terminaisons se retrouvent même à Ibiza, qui tire sous non des Ebusates. Cependant, dès que vous longez le piémont pyrénéen, vous tombez d'Est en Ouest : sur Narbonne (racine ibère/aquitaine/protobasque narb, port), sur l'Arize (racine ibère/aquitaine/protobasque pierre), sur la principauté d'Andorra (racine ibère/aquitaine/protobasque broussailles, buissons), sur le Comminges (*Kombena, racine ibère/aquitaine/protobasque Puissance), sur la Bigorre (*Ibaigorria racine ibère/aquitaine/protobasque rivière rouge) et évidemment l'actuel pays basque – lui-même peau-de-chagrin de toutes ces antiques variétés linguistiques.

 

 

Nous pouvons poursuivre notre voyage montagnard côté espagnol jusqu'en Galice (racine hellène : nous y reviendrons) puisque les modes de vie en Cantabrie1 et dans les Asturies2 ainsi que jusque vers le Sud-Ouest péninsulaire, est à caractère ligure (jusque dans la galicienne culture des castros) et ne fut plus ou moins celtisé/celtibérisé – comme les « Gaules narbonnaise et aquitaine » – qu'avec la romanisation. C'est-à-dire que dans le Sud-Ouest français actuel, il y eut avant tout une gallo-romanisation : on le voit avec la fondation mimétique de Lugdunum Convenarum (la Lugdunum des Convènes, c'est-à-dire des *Kombenak déjà évoqués) sur le modèle de Lugdunum (Lyon) capitale des Gaules romaines (et rien que romaines : pas avant).

Le Dieu celte/gaulois Lug est singulièrement diffusé par Rome, dans des contrées non-celtes. C'est que l'interpretatio romana faisait de Lug un équivalent de Mercure, Dieu polyvalent en artisanat, et qu'idéologiquement les Romains saluaient les Celtes/Gaulois pour leur savoir-faire, en les y résumant pour le commerce – or Mercure préside au commerce. Lug fut ainsi valorisé de façon biaisée dans la romanité, infusant dans le Sud-Ouest qui n'avait rien demandé.

En parlant de diffusions incongrues, revenons sur la racine hellène Kalaeika, de la Galice. C'est qu'il y avait des emporia (ports) hellènes autour de la Narbonne pré-romaine déjà, ayant par exemple laissé des traces linguistiques dans l'actuelle ville espagnole d'Empuriabrava. En fait, tout le Sud-Ouest était, depuis deux millénaires environ (dès l'époque de la domination phénicienne en Méditerranée) une région de passage terrestre entre la mer et l'océan.

A partir de là, on peut commencer à imaginer le brassage ethnoculturel local dans le Sud-Ouest, qui perdurerait jusqu'aux guerres puniques avec la domination punique sur l'Ibérie et le passage des armées d'Hannibal Barca à l'Ouest des Pyrénées pour menacer Rome, alors sous le commandement d'Hasdrubal Barca, dans les derniers siècles précédant le Crucifié : à noter que les Puniques sont des Phéniciens occidentaux en Afrique du Nord (basés en actuelle Tunisie)... C'est-à-dire que les Galiciens, pour leur part, se réclamaient de l'hellène Sparte, elle-même alliée militaire des Puniques, par le médium de Cyrène, colonie hellène en Afrique du Nord (basée en actuelle Libye).

 

 

La question des pratiques socioculturelles toujours courante, autour du taureau (courses basques/landaises/camarguaises, tauromachies...), en est le témoignage : le témoignage de pratiquent rituelles et sacrificielles, en l'honneur d'un Dieu taurin important, particulièrement prégnant, voire régnant. Or il ne faut pas le chercher ailleurs : les Phéniciens vénéraient EL, Dieu taurin dont le nom aura un succès monothéiste dément : Elohim chez les Hébreux, Allah < Ilah chez les Arabes. Un certain sacrifice du taureau est évidemment un élément essentiel vers le monothéisme, avec l'épisode du Veau d'Or (tout un symbole de rupture avec le polythéisme, certes caricaturant le polythéisme pour bêtement idolâtre – ce que Voltaire rectifiera justement dans son Dictionnaire philosophique, entrée Idolâtrie).

Mais, pour nous en tenir à l'hellénisme, on trouve toujours un mont Arès en Bigorre, sur lequel l'Eglise fit implanter un Calvaire : c'est signe qu'il s'agissait d'un ancien lieu de culte à infléchir pour convertir les polythéistes hellènes locaux. Et il y a plus curieux encore : Arès, en grec, n'a pas de racine définie. On trouve néanmoins, dans le monde oriental avec lequel les Hellènes furent aux prises diversement (par héritage comme différentiation) un Dieu Erra de mêmes attributs qu'Arès : guerre et destruction. Ce point nous intéresse particulièrement, car ce n'est pas le seul pont possible.

En effet, la Déesse Athéna n'a pas de racine connue, mais sonne comme ses voisines Tanit (Phénicie, Punicie) et Neith (Egypte). Leurs attributs à toutes sont la guerre et la sagesse, c'est-à-dire dire la guerre au point de vue stratégique, ainsi que divers arts et métiers, mais il est vrai que Tanit et Neith ont un lien avec l'amour que les Hellènes laissent à Aphrodite. Et pourtant... On sait par ailleurs qu'Adonis, Dieu de la beauté, n'est autre que le phénicien Adon, hébraïque Adonaï, Seigneur... Notons encore, évidemment, les rapports de Zeus avec la forme taurine, notamment lors de son convolage avec la phénicienne Europe !

 


Taureau de Cnossos, en Crête

 

Si vous voulez, il ne faut pas voir là des liens directs, mais des influences culturelles séculaires voire millénaires, diffractées dans le bassin méditerranéen entre plusieurs cultures, courant bel et bien d'Est en Ouest... et retour, car certaines thèses font des bibliques Philistins un peuple ibéro-sarde, et de la biblique ville de Tarsis l'ibérique Tartessos.

Néanmoins, il est assez évident que tout cela puise civilisationnellement en Sumer (Mésopotamie) ainsi qu'en l'Egypte (pré-dynastique) par la voie chamito-sémitique, c'est-à-dire doublement sémite (dont arabe) et berbère – Berbères eux-mêmes adorateurs de la Déesse Tanit, disposant toujours actuellement de mains de protection nommées mains de Tanit.

On se croirait loin du Sud-Ouest français, aujourd'hui, probablement, encore que... Avec le monothéisme chrétien et islamique – surtout chrétien – c'est toute l'Europe, qui s'en est rapprochée diversement. A l'époque des croisades, on diabolisait certains phénomènes polythéistes, méprisés comme « païens », dans le Sud-Ouest, à l'aide de l'imagerie de taureaux assyriens. Mais enfin, c'est au légendaire basque, qu'il convient de s'intéresser en témoignage.

Ce légendaire nous parle d'un Grande Déesse, Mari, couchant régulièrement avec le Dragon nommé Sugaar. Il nous parle aussi d'esprits de la nature, les laminak. Or les laminak tiennent directement leur nom des lamies hellènes, tirant elles-mêmes leur nom des lamassus orientales. Mais revenons-en aux deux entités divines :

Dans le mythe punique, la Déesse Tanit – répandue en Ibérie – convoite un homme pour amant. Cet homme, impressionné par la Déesse – d'ailleurs épouse de Ba'al Hamon, le Dieu principal, fils délégué de EL à la régence du monde – cet homme, disions-nous... refuse de devenir l'amant de Tanit. Mais la Déesse n'a pas dit son dernier mot : elle transforme l'homme en serpent divin, Eshmoun, de sorte à pouvoir en faire son amant. Dans l'interpretatio greaca, Eshmoun est comparé au Dieu de la médecine Asclepios (dont nous héritons toujours du symbole, dans le caducée des médecins à deux serpents – le bâton d'Asclepios n'en ayant qu'un à l'origine, et confondu progressivement avec le caducée d'Hermès/Mercurius à deux serpents). Bref : la Déesse Mari basque, pourrait bien être une forme de Tanit au filtre du christianisme, de même que Sugaar une forme d'Eshmoun.

 


Buste de Tanit, à Ibiza

 

Le nom-même de Mari, n'est pas évident en basque, mais peut virtuellement avoir servi – en langue des oiseaux – à désigner la MAgna REgina, Grande Reine. La Marie chrétienne (avec un E) ayant un rapport avec la mer, la marée (Mare) depuis l'hébreu Miriam, on peut imaginer l'extension d'un tel jeu de mot latin, cette fois-ci sous le coup de l'influence celte/gauloise – connue pour aimer les jeux de mots quant à elle. Nous aurions là une MAra RIgana, Grande Reine de même (donnant cette fois bien Mari). En l'absence d'influence celte/gauloise, le latin suffit, doublé d'une volonté de discrétion auprès du clergé, afin d'évoquer la Vierge Marie tout en prononçant fondamentalement un surnom de Tanit. D'ailleurs, la main de protection trouvée à Irulegi (ville antique du pays basque espagnol), évoque les berbères mains de Tanit.

 


Main de Tanit (facture moderne) à côté de la main d'Irulegi

 

Ajontons que Tanit est une Déesse ailée associée à la lune, originaire de Mésopotamie sous la forme d'Ishtar, que l'on retrouve potentiellement dans le basque izarra pour étoile. Chez les Egyptiens, elle correspond aussi à Nekhbet.

Tout cela pour dire, que les Ligures du Sud-Ouest, furent ibérisés – c'est-à-dire hellénisés et punicisés, la culture ibère étant à la charnière des mondes hellène et punique. Si ce phénomène a eu lieu des siècles voire des millénaires avant les guerres puniques, les guerres puniques pré-romaines, en furent un accélérateur.

De plus, on ne brasse pas large géohistoriquement ici, pour dissoudre l'antique Sud-Ouest sous les influences, mais il faut néanmoins remarquer qu'il n'est pas pur, et qu'au contraire c'est une confluence – comme toute la péninsule ibérique, au reste. Naturellement, chaque culture qui s'est plus ou moins côtoyée ou fusionnée là, à chaque époque, vécut les choses à taille humaine, et non en brassant les siècles et les millénaires d'un bout à l'autre de la Méditerranée... et pourtant, il est permis d'imaginer la vie d'un mercenaire local, à travers les mondes méditerranéens voire au-delà : de quoi rêver de multitudes.

En contraste, notre époque, entre monothéismes exclusifs et expansifs, ainsi que nationalismes intensifs et craintifs, n'est pas belle à voir... encore qu'antiquement, on esclavagisait allègrement l'étranger, pour son usage personnel ou pour la revente sur les marchés (mais la condition d'esclave n'était de loin pas toujours l'atrocité dont on nous parle, il y avait des conditions d'esclave, aussi, et certains avaient une bonne vie domestique). Inversement, on ne cherchait pas à faire de « l'ouverture, l'ouverture d'esprit, le transfrontiérisme » une valeur ! Notre logiciel idéologique moderne est à pleurer, sous cet angle. Autres temps, autres moeurs.

Enfin dans le Sud-Ouest en question, les accointances de l'ibère/aquitanien/protobasque, doublées des remarques de Caius Julius Caesar « Gallus » concernant l'ibérisme de sa « Gaule aquitaine », plaident pour une forte ibérisation des Ligures qui précédaient – et, ce, dès avant la guerre des Gaules, déjà dans la future « Gaule narbonnaise ».

Il faut voir les traces linguistiques de l'ibère à Nîmes et Toulouse, ainsi que l'oppidum d'Ensérune entre ces deux villes, vers Montpellier. Il y a, en outre, les oppida de Montsérié (Hautes-Pyrénées) et de Saint-Martory (Haute-Garonne) dont les noms témoignent de choses passionnantes. L'oppidum de Saint-Martory se nommait Calagorris, de la vénération d'Erge, Dieu pyrénéen probablement écrit au vocatif latin (pour les invocations, les interpellations) au singulier latin Ergus et grec Ergos. Son autel votif a été retrouvé en compagnie de Jupiter et Mars, une triade associée à Quirinus romainement, un Dieu agraire et défenseur à la guerre.

Or, il sonne comme une évolution phonétique de l'ibère (en grec) Dieu Georgos, désignant lui-même l'agraire, époux de la Déesse Tanit dont nous avons déjà parlé qui, chez les Phéniciens, est l'épouse du Ba'al Hamon (à peine évoqué)... Ba'al Hamon a figure taurine, comme le solaire Amon égyptien, fils du Dieu EL phénicien (dont nous avons aussi parlé).

Nous pourrions dire que ce Georgos est « le cocu de Tanit avec Eshmoun » (aussi évoqué précédemment) si le culte de la Déesse ne mobilisait pas des prostituées sacrées : pas de quoi en faire une comédie bourgeoise, donc. Toutefois, il est probable que (en plus de l'épisode charnière du Veau d'Or) cette tolérance polythéiste pour les ébats hors mariage, se distingue du monothéisme intolérant les conspuant pour adultérins. Au reste, Ba'al Hamon fut pour les Romains « le Saturne africain », ce qui le rapproche de fonctions agraires, fertiles et solaires, tout comme Georgos au Nord ibère et Amon à l'Est égyptien. Sa régence est importante, en tant que maître du Temps qui crée, et qui détruit, à la manière du cycle solaire jour-nuit quant à la lumière, son absence, et les craintes qu'elle suscite.

 

 

Tous ces Ibères assimilés – Post-Ligures acculturés punico-hellènes en ce Sud-Est sous la Garonne jusqu'à Nîmes en passant par Toulouse au Nord, et de l'Ebre à Saragosse en descendant vers Gibraltar (où se trouve la déjà évoquée Tartessos/Tarsis biblique) – sont concrètement des Européens influencés par les cultures chamito-sémitiques, et la langue et le légendaire basque en sont les survivances évoluées. Mais voilà comment on devient historiquement basque :

On le devient en s'alliant avec Rome après la guerre des Gaules et au-delà, avec la (voire les) fameuse(s) Cohors prima Aquitanorum ou première Cohorte des Aquitains, dans l'armée romaine (il y en avait peut-être deux). Cela permet, malgré la latinisation environnante, de conserver sa singularité linguistique, donc ethnoculturelle en même temps. Quand l'Empire Romain se féodalisa, en vassalisant les incursions de peuples germains sous le coup des Huns, afin de supporter tant bien que mal la pression guerrière, venue d'Eurasie, et ses propres difficultés internes... émergea la Vasconie transpyrénéenne, futur duché résistant momentanément au passage des Suèves et à l'implantation des Wisigoths puis des Francs – dont se réclameraient les couronnes d'Espagne et de France, nées des cendres de l'Hispanie reconquise et des Gaules (exception faite du Nord de la Gaule belge, de l'Est de la Gaule celtique et évidemment de la Gaule cisalpine)...

L'épisode le plus fameux du premier Moyen-Âge mérovingien mérite qu'on s'y attarde : la Chanson de Roland, ouvrage princeps de la littérature française en devenir, est le déguisement d'une autre affaire. Au temps des croisades, elle fut écrite pour motiver les troupes contre les Sarrasins, et l'émérite Charlemagne fut conté pour en avoir combattu. Ceci était effectivement son objectif au Sud des Pyrénées, afin de sécuriser ses frontières face à l'islamisme conquérant : il n'y parvint pas faramineusement, et en établissant des alliances féodales avec les émirs. Mais il avait néanmoins libéré Pampelona... avant que derrière lui, des « païens » s'en (ré)emparent : les Vascons !... Ces mêmes Vascons, qui détruisirent son arrière-garde, où se trouvait le fameux Roland (dont rien ne dit qu'il fut neveu de l'empereur, mais ça dramatisa sa geste au moment de l'écrire) !... D'aucuns les traiteraient sûrement de « bâtards », dans la démarche, mais (comme dirait l'autre) il faut profiter des faiblesses de l'ennemi, quand on est faible soi-même : les Viet Congs et les djihadistes ne pensent pas autrement, pour le meilleur et pour le pire, à tort ou à raison... (Il n'y a pas de jugement divin absolu pour en décider, mais rien que des perspectives ethnoculturelles qui agressent et se sentent agressées.)

 

 

Durant cette Histoire médiévale, la singularité basque émergea doublement du légendaire ibère (punico-hellène) et de la christianisation : ce n'est pas une Histoire qui diffère des autres régions européennes, qui elles-mêmes se nationalisèrent en christianisant les Anciennes Coutumes, en divers « pays » régionaux (la plus fameuse étant la légende du Graal, attribuée à tort et à raison au celtisme, de grande invention chrétienne, et assurément répandue en un Moyen-Âge bien marqué).

Au XIXème siècle, un certain Victor Hugo s'effarerait encore de la singularité basque, et les nationalistes firent de l'Euskal Herria (Basque Contrée) une Euskadi (Basquie, nom qui n'a pas deux siècles) à rêver romantiquement d'un « peuple éternel » ou, en tout cas, profondément ancien. Or la génétique, répétons-le, donne les Basques pour Indo-Européens, avec quelque typicité renvoyant audit espace chamito-sémitique. Mais enfin, comme partout, il y a des typicités ! Renvoyons encore à cet article : « Le basque originé - desideratas négationnistes des bascolâtres (généralement) décrites par un bascophile »

Le Moyen-Âge local est peuplé de sorcier(e)s comme ailleurs (sorginak en basque, littéralement faiseurs de sorts et même créateurs) et combattit comme ailleurs les incursions vikings.

Agur !

 

 

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1Cantabrie : racine ligure/pré-celte large, dont on retrouve des traces à la pointe de l'Irlande et dans les Balkans – ce qui ne signifie pas que la Cantabrie, pas plus que l'Irlande d'alors ni les Balkans, soient celtes : cela signifie, par contre, que les peuplements pré-celtes se répandirent largement.
2Asturies : racine controversée, sonnant comme le basque azturak, coutumes.

 


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