Ahmadiyya : l’Islam interdit

par Asif Arif
mercredi 7 août 2013

Aborder l’Islam sous l’angle de la tolérance et du pacifisme pourra en faire glousser plus d’un, au regard des conditions actuelles dans lesquelles Islam et terrorisme semblent faire « bon ménage ». Mais écrire sur la Communauté Musulmane Ahmadiyya c’est d’abord écrire sur une idéologie représentant la quintessence même de l’Islam ; le pacifisme et la tolérance.

Cette minorité religieuse nommée « Ahmadiyya » ou, péjorativement, « Qadianis » a été fondée en 1889 en Inde par Mirza Ghulam Ahmad. Se proclamant être le Messie attendu par différentes religions (Islam, Hindouisme, Christianisme, etc.), sous différents titres, il s’est fait le porteur d’une réforme prônant un Islam de paix et un Djihâd par la plume interdisant ainsi toute guerre au nom des religions et abandonnant la conception même du Djihâd par l’épée, l’estimant révolue et inadaptée à nos jours. L’épée peut en effet faire courber les têtes mais pas les cœurs ! Le but qu’a assigné Hadhrât Mirza Ghulam Ahmad à ses suivants n’est d’autre que de conquérir les cœurs en mettant en exergue les beautés de l’Islam. Aujourd’hui, le mouvement Musulman Ahmadiyya, présent dans plus de 200 pays à travers le monde, est dirigé par son Chef Spirituel et Administratif, Mirza Masroor Ahmad, cinquième successeur de Mirza Ghulam Ahmad et son siège est localisé à Londres.

Pourquoi Londres ? Initialement installée à Qadian, en Inde, la Communauté a dû migrer à Rabwah (Chenab Naghar), ville du Pakistan, lors de la partition indo-pakistanaise. Cependant, depuis 1974, date à laquelle ils ont été qualifiés d’hérétiques et excommuniés de la « Communauté (ummah) des Musulmans », et l’entrée en vigueur de la politique d’islamisation radicale de Zia Ul-Haq, les pires atrocités y sont, encore aujourd’hui, relatées ; tortures, traitements inhumains et dégradants, détentions arbitraires, entraves à l’éducation ou destruction des lieux de cultes. Pourquoi ? Une Foi qui ne convient pas à une poignée de religieux orthodoxes influents. Pourtant, ils se réclament d’une liberté dont ils clament haut et fort la teneur et le manque total d’application ; la liberté de conscience. La loi sur le blasphème est omniprésente, le second amendement de la Constitution et l’article 298 (c) du code pénal Pakistanais continuent de les scruter aux allures du Big Brother Orwellien ; interdiction de propager sa foi, interdiction de prononcer la profession de foi, interdiction du salut Islamique, interdiction d’édifier des lieux de culte sous peine d’emprisonnement. Ils ne peuvent pas faire tout acte qui aurait pour effet de les assimiler, dans leur identité religieuse, à des musulmans. Leur vie se résume à cette expression populaire « pour vivre mieux, vivons cachés  ».

Le dispositif législatif mis à part, les faits divers sont également tout aussi terrifiants. En 2010, un attentat à la bombe dans deux Mosquées à Lahore fera plus de 80 morts et 90 blessés, plusieurs expulsions d’élèves seront prononcées, des assassinats de médecins bénévoles, de professeurs et, plus récemment, d’administratifs de la Communauté sont devenus monnaie courante. Des tracts incitant au meurtre des membres de ce « fléau ahmadi » jonchent les ruelles de tous les quartiers du Pakistan. Récemment, le 19 juillet 2012, sûrement sous l’emprise d’un de ces tracts ayant vocation à exciter les pulsions meurtrières, nous apprenons l’assassinat de Monsieur Naeem Ahmad Gondal, tué d’une balle à bout portant alors qu’il était en chemin pour rejoindre son travail ; nous apprenons également l’accusation portée à l’encontre d’un bijoutier membre de la Communauté Musulmane Ahmadiyya pour avoir « daigné » se considérer comme « musulman ».

Ces faits, dont la cruauté est incontestable, doivent être rapprochés d’une actualité plus récente, celle de la tuerie de Karachi dans laquelle, les 19 et 23 octobre 2012, de sauvages assassinats ont été perpétrés à l’encontre des ahmadis suite à une conférence au cours de laquelle des messages de haine et de meurtre à l’encontre des ahmadis ont été ouvertement propagés faisant ainsi 3 morts. Plus récemment encore, au Bengladesh, là où la Communauté Musulmane Ahmadiyya devait organiser sa réunion annuelle, les installations ont été brûlées par une foule de fanatiques. Au Pakistan, en 2013, plusieurs personnes ont été arrêtées parce qu’elles avaient édité des livres « ahmadis ». Le système judiciaire est également dominé par les fondamentalistes ; au mois de mai, lors d’une audition, un juge qui avait accordé la liberté sous caution revient sur sa décision en raison du brouhaha qu’a causé sa décision dans l’enceinte du tribunal.

Tout est mise en scène afin que les ahmadis soient exclus, stigmatisés et persécutés. Le quotidien des ahmadis devient insoutenable et la justice a évincé les ahmadis du chemin sinueux qu’elle a choisi d’emprunter. Le porte parole de la Communauté Musulmane Ahmadiyya est confiant puisque les ahmadis n’attendent pas après la justice des hommes ; ils attendent celle de Dieu.

Discrets, les ahmadis comptent une dizaine de millions de membres à travers le monde et, face à ces persécutions, ils ont décidé, sous la direction de leur Chef Spirituel, de mener un combat consistant à enrayer la souffrance humaine, favoriser le dialogue interreligieux, appeler le monde à la paix entre les Nations et les Peuples. A cet effet, le Représentant de l’Islam Ahmadiyya, Mirza Masroor Ahmad, s’est déjà rendu au Capitole Hill en juillet 2012 ou encore au Parlement Européen le 4 décembre dernier. Ils ont décidé de ne jamais répondre à de la violence par de la violence ; ils mettent en avant le slogan qui constitue la philosophie de leur communauté ; « amour pour tous, haine pour personne ».


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