Avec Dieu à nos côtés

par morice
mercredi 17 septembre 2008

 La récente nomination de la colistière de McCain nous a fait découvrir, d’une certaine manière, la face profonde de l’Amérique qui s’emballe déjà à l’exposé des vertus de la dame. Anti-avortement, membre de Feminists For Life, fan d’armes à feu, membre de la NRA, et dame à la religion fort peu tempérée, elle a de quoi séduire l’Amérique profonde en effet. Dans le flot de petites phrases qu’elle a déjà prononcées, plusieurs ont en effet fait allusion à sa croyance créationniste avérée et déclarée. Selon elle, le créationnisme doit être enseigné à l’école en même temps que la théorie de l’Evolution. Pour cette fille de professeur de sciences, cela s’appelle davantage surfer dans le sens du vent que d’avoir de profondes convictions. Son sens de l’opportunisme est évident. C’est en effet la même également qui déclare que la guerre en Irak a été voulue par Dieu, ce qui lui évite de parler des armes de destruction massives inexistantes... et ce qui n’est pas pour nous étonner non plus, un vent de religiosité soufflant actuellement sur l’armée américaine dans des proportions jamais vues à ce jour... mais revenons-en justement à l’éducation, où tout commence, avec non pas l’Alaska, mais la Floride, avec un article passionnant du Times paru ces dernières semaines, qui nous rappelle que les fameux barbares talibans dont nous bombarde tous les jours la propagande américaine (et aujourd’hui française) ne sont peut-être pas si éloignés de cela de ceux qui les combattent.

Connaissez vous David Campbell ? Non ? Rassurez-vous, moi non plus je ne le connaissais pas jusqu’à il y a fort peu de temps. C’est un prof de Floride aux cheveux grisonnants que vient de me faire découvrir le New-York Times dans un article qui m’a laissé littéralement pantois. L’homme a décidé de s’attaquer à l’obscurantisme religieux de l’État en enseignant les théories de Darwin à de jeunes élèves. On aurait pu s’attendre plutôt à des nouvelles sur l’Iran, concernant l’obscurantisme, car ce pays ne semble pas du tout en reste sur la question. Pour preuve, le 24 juillet dernier, la présidence européenne annonçait qu’elle émettait ses plus vives préoccupations à l’annonce du recours à la lapidation de huit femmes et un homme à Téhéran. La lapidation, ce barbarisme, au XXIe siècle ! À défaut de lapider, quelques jours plus tard, 29 personnes étaient exécutées par pendaison en une seule journée à la prison d’Evine, au nord de la capitale. Le 2 janvier, 13 y avaient déjà été pendues. Soit 155 personnes depuis le début de l’année pour 317 exécutées en 2007 par les autorités iraniennes, pour essentiellement du droit commun (meurtres et viols) ou du trafic de drogue (avec l’opium du voisin immédiat ce n’est pas vraiment une surprise !), un triste record battu par la Chine seulement. Le 20 août dernier, 8 de plus, dont un jeune homme de 17 ans, mineur donc au moment des faits qui lui avaient été reprochés. Le monde de la presse insiste sur son âge, pas une dépêche qui ne rate l’annonce. Quelle barbarie, clame-t-on ! Ils avaient été condamnés le 9 août dernier. En Iran, on ne s’embarrasse pas avec le temps ni avec les excuses pour jeter les gens en prison : le 23 août, le régime des Mollahs arrête 12 étudiants dont 5 jeunes filles avec comme motif criminel de s’être rassemblés lors de la « Journée des étudiants » de décembre dernier. Le 2 juillet, c’était le Parlement iranien qui examinait un projet de loi sur la possible condamnation à mort... pour usage illicite d’internet... On ne sait pas où ça en est aujourd’hui. Pendant ce temps, le régime iranien lançait un satellite, ou affirmait en avoir lancé un (ce n’est pas sûr du tout, on n’en a aucune trace !) Au pays des technologies avancées, les cerveaux ont bien du retard parfois... La faute à la religion et à l’application de textes datant du Moyen Âge à une société mille ans minimum plus âgée.

Un phénomène qui ne touche pas que l’Iran ou la Chine, en fait. L’obscurantisme religieux est une chose fort bien partagée dans ce monde. Mais revenons plutôt à notre prof grisonnant. Il n’est pas Iranien et n’enseigne pas la biologie à Téhéran, mais à la Ridgeview High School, dans une banlieue de Jacksonville, en Floride. Le cours du jour sur l’évolution des espèces est donné à des « sophomores », terme bizarre signifiant des ados de 16 ans en moyenne faisant leur deuxième année de lycée. En face de lui, des étudiants avec lesquels notre enseignant doit faire très attention. Car, depuis leur plus tendre enfance, chez eux où à l’école, on leur a toujours enseigné le contraire des théories de Darwin. C’est Dieu qui a tout créé sur Terre, en fort peu de temps, et tout ce qu’on y trouve a toujours été comme ça. Allez leur enseigner après ça les dinosaures ! Impossible de passer ainsi de l’Eohippus au cheval. Ou alors, faut sacrément ruser.

Essayons donc de nous mettre dans la peau d’un ado de Floride : Dieu a créé l’Eohippus, puis s’est sans doute ravisé et a créé le Pliohippus, puis comme il s’est aperçu que ce n’était pas très pratique un truc de 40 cm de haut pour faire des rodéos, s’est encore ravisé (Dieu ne se trompe pas, il se ravise), pour fabriquer le Mesohippus, qui atteint 55 cm au garrot. Les étriers traînent toujours par terre, mais le créationnisme s’arrange avec tout. Et ainsi de suite, des paléothères au périssodactyles pour en arriver au Palaeotherium et au Merychippus... Dieu fait en quelque sorte dans le prototypage successif... mais on ne sait pas ce qu’il a fait des moules de fabrication, ni pourquoi il en a fabriqué autant avant d’arriver à Jolly Jumper... Dieu est un créateur compulsif, voilà tout. Un collectionneur dans l’âme. Ah non, l’âme aussi c’est à lui. C’est Mickey et sa baguette magique dans Fantasia : à partir d’un seul seau, il vous en fabrique des millions. Vous l’avez compris : enseigner les théories de l’évolution à des gamins qui baignent depuis l’école maternelle dans des idées fumeuses, c’est marcher sur des œufs. La moindre erreur de langage, la moindre allusion ratée et, hop là, le gamin se braque : « le prof a attaqué ma religion »... On le plaint, notre David Campbell, 52 ans, qui explique très bien dans cet excellent article ses difficultés à raccrocher les ados dont il a la charge à la science. Ce ne doit pas être de la tarte ; on se plaint d’enseigner en banlieue parisienne, la Floride me paraît pas mal non plus pour un laïc, voire un athée, face à un public pareil. Sarah Palin souhaite que l’on enseigne les deux visions de l’Histoire, lui se bat pour tenter d’expliquer la seconde à des gamins qui n’en ont eu jusqu’ici qu’une seule. Bon courage.

Car, en Floride, c’est très récent, cet enseignement. Tout est parti d’une circulaire de février dernier seulement là-bas. Pour la première fois depuis toujours, le Département de l’éducation de l’État affirmait que l’enseignement de la théorie de Darwin devenait une obligation. Grande nouveauté, gagnée de haute lutte par un combat depuis des années de démocrates actifs sur tout le territoire, luttant contre l’influence des religions au sein du système éducatif américain. Et ce pour la première fois en effet depuis la création de l’État en... 1845. Pour y arriver, nous conte le New York Times, cet ancien formateur d’aviation de la Navy passé par l’université Cornell commence par montrer... des diapos de Mickey Mouse. C’est effectivement un vrai pédagogue, ayant le sens de l’enseignement, qui a créé en 2005 la Florida Citizens for Science, une association dont le titre résume la fonction. Dans son projecteur, il a glissé des représentations de Mickey depuis 1928 à maintenant... et laissé ses gamins faire tranquillement des remarques sur les traits du héros de Walt Disney et leurs changements... il n’a plus qu’après à glisser progressivement des diapos sur les serpents ou les tortues... et c’est presque gagné. Presque, car il y en a toujours un au fond de la classe pour lui rappeler qu’il ne faudra même pas essayer avec lui de lui parler de l’évolution des grands singes vers l’être humain, le grand dada des opposants à Darwin depuis 150 ans. Son plus grand rival n’est pas très loin en effet : dès que ses cours ont commencé, le pasteur du coin s’est empressé de distribuer des copies de « Evolution Exposed » à chaque lycéen de première année, l’ouvrage créationniste s’attaquant aux thèses de Darwin. L’ouvrage préféré de la colistière de McCain, qui a aussi d’autres références religieuses semble-t-il. Son arme secrète alors est simple : quand il pose la question à ces étudiants « l’homme descend-t-il du singe », ils s’attendent à ce qu’il réponde lui-même « vrai ». Il répond alors « faux, mais nous avons un ancêtre en commun »... Ce qui a l’air de satisfaire une grande majorité des élèves : ce n’est pas encore totalement gagné, mais ça avance. L’homme passe son temps à faire étudier des fossiles, le T-Rex étant aussi sa passion de toujours. L’étude de l’ADN et des ses mutations est aussi au programme, ce qui aide aussi à la compréhension. Bref, voilà qu’il lutte lui aussi tous les jours à sa manière contre la désinformation et le refus des réalités. Bienvenue au club.

Effacer presque 150 ans d’obscurantisme en Floride (1859, l’Origine des espèces date de 1859) ne va pas être chose aisée. Campbell a encore du pain sur la planche pour lutter contre une pensée archaïque. Un État où l’on peut recourir à la peine de mort à 17 ans, l’âge minimum de son application là-bas. Le même âge qui a tant fait bondir les journalistes américains et même européens cet été sur le cas d’un prisonnier iranien. On ne pend plus, dans l’État, mais l’injection létale est de règle, même si la chaise électrique existe encore et que le condamné a le droit de choisir lui-même depuis 2006 la seringue ou le haut voltage façon Ligne verte (quel progrès !). On y a droit à tous les coups pour « Meurtre au premier degré, délit criminel, grave trafic de drogue, grave agression sexuelle », exactement les mêmes raisons données pour les exécutions en Iran, ce « pays d’arriérés » dénoncé partout. George Bush, au Texas, a signé à lui seul l’exécution de 152 condamnés, McCain et Obama demeurent partisans l’un et l’autre de la peine de mort pour crime sexuel sur enfant. Cet été, rien qu’au mois d’août, le Texas a déjà exécuté 6 prisonniers, le Missouri un seul. Le 29 juillet dernier, le président Bush a même réintroduit la peine de mort dans l’armée, chose qui n’a pas été utilisée depuis Eisenhower en 1957, les exécutions ayant été interdites par les successeurs puis à nouveau autorisées par Reagan sans qu’il n’y ait eu de cas. La Cour suprême les avait à nouveau interdites en 1996. Six condamnés sont concernés, déjà... en attendant les jugements de Guantanamo, pour qui ce rétablissement express semble avoir été fait sur mesure. Comme ça on fera disparaître les principaux (paraît-il) responsables du 11-Septembre, à la même vitesse qu’on a pendu Saddam Hussein, tout aussi encombrant pour les États-Unis. En fait, à l’heure actuelle, on ne sait même pas comment ils seront exécutés, ces condamnés : « the military death penalty has been dormant for so long that it was also unclear what the method of execution would be ». Un comble, non ? Six personnes attendent leur exécution, mais personne à l’heure actuelle n’est capable de leur dire comment elles vont mourir. C’est ça sans doute un pays moderne face à l’obscurantisme iranien... Les arriérés ne sont peut-être pas où on veut tant les voir... En Alaska, la peine de mort n’existe plus depuis 1957, grâce à l’action du député démocrate Warren Taylor et de Vic Fischer, convaincus que la peine de mort touchait avant tout... à des critères raciaux. L’Alaska ayant été rattaché aux États-Unis en 1959 seulement n’a donc jamais connu officiellement la peine de mort (sauf pour le cas des « miner’s laws ») : or, aujourd’hui, la colistière de McCain veut évidemment la rétablir...

Et la France, dans tout ça me direz-vous ? Où en est-elle ? Eh bien nous avons une constitution dans laquelle nous excluons d’avoir recours à la peine de mort... et des tentatives assez sporadiques (heureusement) pour nous replonger dans l’obscurantisme. Celles des plus extrémistes des musulmans pro-iraniens résidant sur le territoire aussi bien que de Tariq Ramadan, qui tient des propos pro-créationnistes, les juifs parmi les plus orthodoxes, plutôt rares en France, les derniers descendants de Mgr Lefebvre... ou certains échappés de l’extrême droite de tradition, et d’étranges initiatives privées. En janvier 2007, des centaines de proviseurs, de bibliothécaires et d’universitaires français ont reçu L’Atlas de la création, ouvrage de 800 pages richement illustré ouvertement créationniste. Ça venait directement de Turquie. Aux dernières nouvelles, ça n’a eu aucun effet, car fort justement le gouvernement, sur ce coup-là, s’était mobilisé assez vite avec une directive envoyée de ne pas répandre l’ouvrage. Mais on a pire encore : une déclaration récente présidentielle, qui dénonce chez les talibans des idées archaïques lors des la commémoration, pour la première fois en soixante ans, du massacre de Maillé. En citant comme un cheveu sur la soupe des soldats « engagés en Afghanistan dans un combat contre la barbarie, l’obscurantisme et le terrorisme ».

L’homme aurait pu éviter : l’obscurantisme est plus près qu’il ne pense. Juste à côté de nos vaillants soldats, chez d’autres vaillants gamins et leur aumônier militaire du Florida National Guard’s 2nd Battalion, 265e Air Defense Artillery de Fort Dix... arrivés en 2004. Ou ceux de la Florida National Guard’s 53rd Infantry Brigade juste débarqués le 26 août dernier. Tous créationnistes, mettant un genou en terre et récitant leurs prières avant d’aller vaincre ces fameuses hordes de barbares et d’obscurantistes d’en face. À Bagram, Afghanistan, un article saisissant de Wired nous apprend que cette base est devenue la vraie « base de Dieu ». “In order to obtain faith, we have to be obedient to God’s commandments that are given to us,” said Sgt. 1st Class Kadesha Thompson, 82nd Combat Aviation Brigade. “[We as Christians cannot] allow our faith to be wavered by anything.” Une religion qu’impose la direction générale avec des moyens jugés trop voyants par certains. Un livre fait débat depuis le 22 août aux États-Unis. Il s’intitule Under Orders : a Spiritual Handbook for Military Personnel, un aumônier, le « chapelain McCoy » en est l’auteur, et le livre a été signé sur la couverture par deux généraux : le major-général Mark Hertling... ainsi que le général en chef Petraeus, quatre étoiles et... fondamentaliste religieux reconnu et avéré ! Dedans, une incroyable promotion signée du commandant en chef pour la religion qui démontre bien une chose : avant d’être sous les ordres de Petraeus, l’armée américaine est avant tout aux ordres de... Dieu.



Le plus bel exemple de cette emprise religieuse incroyable étant celle du lieutenant-général William G. « Jerry » Boykin, chargé par le Pentagone de la traque de Ben Laden, un évangéliste de premier choix, vétéran des Delta Forces. C’est lui qui a déclaré un jour que c’était Dieu qui avait mis W. Bush à la Maison-Blanche, et affirmé à son retour de Somalie pourquoi il avait gagné la bataille : « I knew my God was bigger than his. I knew that my God was a real God and his was an idol. » L’homme s’est surtout illustré en devenant le responsable de la formation à la prison d’Abou Graïb de si sinistre mémoire. Avant d’arriver à la prison, il avait fait des conférences à travers les États-Unis où il parlait ainsi  : « Satan wants to destroy this nation, he wants to destroy us as a nation, and he wants to destroy us as a Christian army. » Ou bien ce genre de propos : « Why do they [radical Muslims] hate us ? Why do they hate us so much ? Ladies and gentlemen, the answer to that is because we’re a Christian nation. » Sidérant. Ou encore un « Enemies like Osama bin Laden and Saddam Hussein will only be defeated if we come against them in the name of Jesus » sans appel. On comprend mieux les abus sur des personnes déshumanisées par cet excès de croyance et à ce qui ressemble donc bien aux tortures sous l’Inquisition ! Derrière Boykin se cache Stephen Cambone, conseiller au Pentagone (« undersecretary of defense for intelligence ») et ardent évangéliste lui aussi. L’homme, surnommé Gray Fox, a un passé qui parle pour lui : « He went on to draft sections of the Project for a New American Century’s 2001 Report, Rebuilding America’s Defenses, a document notable for recommending that the US develop ethnic and race-based weapons. » En fait, Gray Fox est surtout le nom des opérations très spéciales qui ont été menées en Irak, dont l’organisation de faux attentats, de carnages véritables imputés aux islamistes. Nous l’avions déjà évoqué ici-même. Selon le Washington Post, « Gray Fox project, so one Washington Post report concluded, is geared to perform »deep penetration« missions in Iraq, Afghanistan, Pakistan, Iran, Syria and North Korea, setting up listening posts, conducting acts of sabotage and assassination. When questioned about Gray Fox, Cambone snapped, »We won’t talk about those things« . Des assassinats et des attentats... au nom de Jesus, mais dont on ne veut pas parler en confession... L’homme passe-muraille est en fait un des plus dangereux de la terre  : » in May 2006, the New York Times would comment that Cambone’s “low public profile masks his status as one of the most powerful intelligence officials in the United States.” L’homme est à la base de nouvelles armes employées en Irak, et dont on commence à percevoir le bout de l’iceberg.« Cambone was also deeply involved in Pentagon planning for a multi-billion dollar “Space Radar” project, a constellation of satellites designed to detect moving and stationary objects from the skies in any weather condition and in darkness ». C’est ce que vient de découvrir Bob Woodward. Cambone a depuis 2006 rejoint Qinetiq, firme privée tirant l’essentiel de ses revenus de la guerre en Irak ou en Afghanistan. L’évangélisme guerrier, ça rapporte.

Dans le livre et dans les propos de Petraeus, une phrase de McCoy fait bondir qui se « reserve the right to evangelize the unchurched. » Évangéliser les infidèles ! Voilà qui nous ramène directement... en face, chez les talibans, ces terribles « barbares » à qui on reproche une religion qui elle aussi voudrait s’imposer aux autres. Militaires américains ou talibans, même combat religieux ? On a calculé qu’environ 21 % des militaires américains sont athées. Petraeus a choisi de ne pas les diriger, ou de les forcer à les convaincre de devenir comme le reste du contingent. La photo de Petraeus sur le site d’un fondamentaliste tel qu’Eric Horner est un autre scandale encore. Les photos de nombreux concerts donnés sur les sites militaires par cet artiste bien particulier, que le président Bush rencontre, sont une autre preuve de l’imbrication complète du religieux fondamentaliste dans la chose militaire américaine. Quant à son répertoire, il n’est pas exempt de critiques non plus. Voilà ce qu’il chante : « The enemy is raging on, we’re under full attack / But we have the power in Jesus’ name to bring our country back. » Avec ça le doute n’est plus permis : les alliés de notre cher président en sont pas en guerre. Il sont bien en croisade religieuse ! Comme le note un judicieux commentateur de Mother Jones, « We no longer have a Pentagon ; it has become a Pentecostalgon. » Selon les calculs, environ 30 % de l’armée américaine est devenue fondamentaliste forcenée, contre zéro dans les années 80. Les barbares ne sont pas nécessairement là où on les désigne.

Un homme, comme notre vaillant professeur de Floride, se bat lui aussi contre cette invasion du religieux au sein des armées, nous révèle Courrier International. Il s’appelle Mickey Weinstein, c’est un ancien juriste de l’Air Force, du temps de Reagan, un fils de militaire (il est né sur une base américaine !) et le père de deux jeunes soldats, Casey et Curtis, passés par la base de Colorado Springs, devenu fief religieux lui aussi. L’homme tente d’endiguer la vague d’influence religieuse qui sévit désormais dans l’armée américaine. En dénonçant par exemple dans la presse les techniques utilisées par le Pentagone pour y parvenir. Comme cet incroyable envoi de colis aux soldats, contenant, outre une Bible, un jeu vidéo intitulé « Left Behind » (signé Microsoft), extrait de la série du même nom, où l’on voit des « soldats du Christ » poursuivre des ennemis... tous affublés d’un casque bleu, censés être au service de « l’Antéchrist ». Ceux qui croient que ce n’est pas intentionnel n’ont qu’à se rappeler les circonstances mêmes de l’invasion irakienne. Grâce à son action, les « Colis de la liberté » (c’était leur nom) n’ont jamais été envoyés par l’association évangélique qui souhaitait le faire, l’Operation Straight Up (OSU). Une association qui avait ses entrées très haut placées : « Christian Embassy, which holds prayer meetings weekly at the Pentagon, is so entrenched that Air Force Maj. Gen. John J. Catton Jr. said he’d assumed the organization was a  »quasi-federal entity."

Pour mieux lutter contre ces pratiques insidieuses, Weinstein a fondé la Military Religious Freedom Foundation qui regroupe du beau linge issu des opposants au régime de G. W. Bush. C’est ainsi qu’on y trouve Joe Wilson, le mari de Valerie Palme, l’ex-agent de la CIA dévoilée par Karl Rove. Ils ont découvert en même temps qu’une forte imprégnation protestante, des relents évidents d’antisémitisme au sein des garnisons américaine. Selon lui, la base de Wright-Patterson, dans l’Ohio, serait un des foyers principaux de contamination de l’Air Force. Ce qu’il y a d’étrange, à Patterson, c’est que dans son musée on trouve une exposition sur l’Holocauste, censée rappeler pourquoi les Américains s’étaient battus à partir de 1941... ce qui n’empêche les actes de harcèlement à la base comme en Irak. Un des témoignages qu’il rapporte est confondant : "Once I got to know people and heard more conversations, I realized that for many officers, the war in Iraq is not at all politically motivated, but religiously motivated. It is a fundamentalist Christian jihad that will bring on the apocalypse and rapture, which is what they want..." Un autre fait remarquer le titre d’un des cours donnés à la base même "The title of the class was Jesus vs. Mohammed : An Examination of the Life of Both Prophets and Why Jesus Christ is Superior to All, at a nearby off-base mega-evangelical church here in the community. You couldn’t do a better recruiting film for al-Qaeda or the Taliban." La découverte en avril dernier de contrats pour 1,7 million de dollars passé par le Pentagone à la secte polygamiste connue de Warren Jeff’s, pour des pièces d’avions fabriquées par trois de ces usines, n’est pas faite pour arranger les choses. La dérive religieuse est telle, qu’elle descend jusqu’au sectarisme et son encouragement. Rappelons que le responsable du contractant Blackwater est aussi fondamentaliste. "Les nouveaux missionnaires" participent bien de la reprise en main du pays.

Bob Dylan, ce prophète des temps modernes chantait il y a bientôt cinquante ans "With God on our side" et ses paroles demeurent toujours d’actualité. L’obscurantisme n’est pas nécessairement d’un seul côté dans cette guerre dite "asymétrique". Les obscurantistes sont aussi les alliés de notre président qui voit des terroristes partout, alors que certains n’y voient que des hommes défendant aussi ce qui a toujours été leur territoire et que les Russes eux-mêmes, qui s’y connaissaient pourtant en répression religieuse, n’ont pas réussi à dompter. On parle de leur religion arriérée, on oublie que celle des fondamentalistes américains ne vaut guère mieux. Les Américains n’ont pas choisi de faire la guerre : ils ont choisi d’évangéliser le monde. On se disait récemment au stade de la guerre froide, et on retombé, avec eux, en plein... Moyen Âge.

Oh mon nom ne signifie rien
Et mon âge encore moins
Le pays d’où je viens
On l’appelle le Midwest
C’est là que j’ai grandi et qu’on m’a appris
A respecter les lois
Et que cette terre où je vis
A Dieu de son côté.

 


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