Credo du Tangrisme
par Tomski
samedi 5 novembre 2016
Il y a beaucoup des œuvres littéraires sur Attila et Gengis Khan, écrites par les auteurs européens, américains et russes. L'un de leurs principaux défauts est l'ignorance flagrante de la religion (tangrisme, tengrisme) de ces grandes personnages historiques.
Credo du tangrisme classique
Le tangrisme classique a été basé sur les trois idées, exprimées dans les sources écrites de l'époque de l'Empire Mongol :
Tolérance exemplaire, exprimée de façon suivante : « Comme Dieu a donné à la main plusieurs doigts, de même il a donné aux hommes plusieurs voies vers le Dieu unique ».
Désir du Paix universel qui est souhaité dans les termes : « Par la puissance du Ciel éternel, du lever du soleil jusqu’à son couchant, le monde entier sera uni dans la joie et la paix ».
Idée d’un Gouvernement mondial exprimée par les mots : « Il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel et, sur la terre, il ne doit être qu’un seul maître ».
On peut interpréter ces trois idée comme Credo du tangrisme classique, c’est-à-dire un système de ses dogmes principaux enregistrés officiellement. Les sources écrites sur le tantrisme classique nous avons analysé dans les travaux [1-2].
Le credo de tangrisme avec sa grande tolérance est bien formulé par le grand khan Mengu (Mongka) à Rubrouck : « Nous autres Mongols croyons qu’il n’y a qu’un Dieu, par lequel nous vivons et mourons, et vers lequel nos cœurs sont entièrement portés. Сomme Dieu avait donné aux mains plusieurs doigts, ainsi avait-il ordonné aux hommes plusieurs chemins pour aller en paradis. » Dans sa lettre à Pape il utilise la formule significative « il n’y a qu’un Dieu éternel au ciel, et en terre qu’un souverain seigneur Gengis-Khan, fils de Dieu » et déclare que « par la puissance du Dieu éternel, tout le monde sera uni en paix et en joie » ([3], p. 179-181).
Jean-Paul Roux résume l'essence du tangrisme de la façon suivante :
« C’était l’idée forte des Turcs et des Mongols, celle qui sera répétée pendant quelque deux mille ans des Hiong-nou aux Ottomans. Avec quelques variantes dans la forme, dix fois, cent fois on relira cette phrase : « Comme il n’y a qu’un seul Dieu dans le ciel, il ne doit y avoir qu’un seul souverain sur la terre » … Cela coûterait cher. Une génération serait sacrifiée. Mais le résultat en vaudrait la peine s’ils n’y avait plus de guerres » ([4], с. 242).
Les Turco-Mongols pensaient qu’ils croyaient au même Dieu que les chrétiens, les musulmans, les juifs et que toutes les religions sont les différentes voies qui mènent au même Dieu, unique et tout puissant.
Ils s’étonnaient des disputes et conflits religieux violents chez les peuples sédentaires. Nous lisons dans une lettre, reçue en 1248 par le roi de France d’un représentant du Grand Khan en Iran :
« Le roi du monde ordonne qu’il ne doit avoir, de par la volonté de Dieu, nulle différence entre Latin, Grec, Arménien, nestorien, jacobite et tous qui honorent la Croix : ils ne font en effet qu’un à nos yeux. » ([4], с. 316).
Quand la confrontation entre les représentants des différentes religions devenait trop forte, le pouvoir organisait des discussions et les colloques afin d’entendre toutes les opinions et prendre les décisions nécessaires pour calmer les esprits. Ainsi, en 1258, le Grand Khan Mongka a chargé son frère Khubilaï d’organiser un grand colloque avec la participation de 300 religieux bouddhistes et 200 taoïstes.
Guillaume de Rubrouck, qui a participé à un colloque théologique à Karakorum, en 1254, témoigne de son organisation :
« Nous nous réunîmes donc, la veille de la Pentecôte, dans notre oratoire et Mangou-chan (Mongka) envoya trois secrétaires comme arbitres : un chrétien, un sarrasin et un tuin. Il fut proclamé : « Voici l’ordre de Mangou, et personne n’ose dire que le commandement de Dieu en diffère. Il ordonne que personne n’ose prononcer des paroles agressives ou injurieuses envers autrui, ni susciter un tumulte qui empêche cette entreprise, sous peine de mort. »
Tous se turent. Il y avait là beaucoup de monde. Car chaque partie avait convoqué les plus savants des siens, et beaucoup d’autres avaient afflué. » ([3], с. 183-184 ).
La conversion des autres religions, fortement canonisées, à la religion tangrienne était bien sûr difficile. Mais la plupart des adeptes de ces religions trouvaient facilement les arguments pour justifier la coexistence pacifique de leur religion avec la religion tangrienne. Ainsi, un certain Baha al-Din a expliqué à Khubilaï pourquoi les musulmans ne tuaient pas les Mongols :
« Il est vrai que Dieu nous commande de tuer les infidèles, mais on désigne par ce nom ceux qui ne connaissent pas un être supérieur, et, comme vous mettez le nom de Dieu en tête de vos ordonnances, vous ne pouvez pas être rangés parmi eux. » ([3], с. 397).
Ces documents montrent qu’à l’époque de l’Empire mongol l’interprétation monothéiste de la religion tangrienne était dominante. Cette religion servait à l’idée de l’union des peuples « dans la joie et la paix » !
Dans le gouvernement de Gengis Khan nous trouvons des « conseillers ouigours comme T’a-t’-a-t’ong-a, musulmans comme Mahmoûd Yalawâtch, k’i-tan comme Ye-liu Tch’ou-ts’ai. » ([5], p. 314). Kubilaï, le plus connu de ses successeurs, se posait « en souverain universel, aimé de tous les peuples réunis sous sa bannière » ([6], с. 237). Odoric de Pordenone, célèbre missionnaire catholique du XIV siècle, rend hommage à l’administration mongole dans les termes suivants :
« Le fait que tant de races différentes puissent cohabiter paisiblement et être administrées par le même pouvoir me semble une des plus grandes merveilles du monde. » ( [5], p. 387 ).
L’Eglise orthodoxe a décidé, dans la traduction de la littérature chrétienne en langue sakha, d’identifier Tangra (les Sakhas prononcent souvent « Tangara ») avec Dieu. Au Kazakhstan Allah est identifié avec Tangry, en Turquie et au Azerbaïdjan avec Tanri. Nous choisissons Tangra ou Tangri qui est proche à tous ces noms.
Base du tangrisme moderne
Nous formulons le Credo du tangrisme moderne dans les termes suivants compatibles avec sa formulation classique : « Il y a plusieurs voies vers le Dieu unique et la foi de chaque personne doit améliorer sa qualité de vie sans nuire aux autres. Que cette foi contribue au rassemblement des gens de bonne volonté afin que l’Humanité puisse vivre en harmonie et résoudre tous les problèmes qui surgissent ! »
Les religions monothéistes s’accordent sur le fait que toute représentation plus précise de l’Être suprême ou de Dieu ne saurait être proposée par la philosophie.
La force en physique est définie par son effet. Si un homme sent les effets positifs des forces, des champs et des autres sources inconnues à la science moderne, il a certainement le droit d’appeler un dieu un ensemble des sources de ces effets bénéfiques. On peut appliquer ce raisonnement à l’homme préhistorique et antique, qui divinisait, par exemple, la foudre.
C’est pourquoi nous proposons de définir Dieu (Tangra) comme l’ensemble de toutes les sources, des forces et des champs inconnus à la science moderne, capables d’aider l’homme.
Ainsi, nous ne considérons pas Dieu comme Créateur, car ce n'est pas prouvable et suscite des discussions interminables. C'est cette perception plus acceptable que nous appelons Tangra, car notre définition correspond à la perception tangristes exprimée de la façon suivante :
« De nombreux croyants s’interrogent sur la signification du mot « Dieu ». Le Dieu biblique qui s’emporte, se lamente, change d’avis, se met en colère, affiche ses remords est de moins en moins « croyable », parce que trop humain. » ([7], с. 323).
« On recherche un Dieu plus mystérieux, plus impersonnel, qui échappe à l’entendement humain. On parlera alors plus volontiers du « divin » comme d’une force ou d’énergie. » ([7], с. 325).
Alain Houziaux, docteur en théologie et en philosophie, souligne :
« La genèse de la croyance en Dieu, même pour les hommes d’aujourd’hui, n’est pas intellectuelle : Dieu n’est pas d’abord la Cause première de tout ce qui existe. Elle n’est pas non plus d’ordre psychologique : Dieu n’est pas d’abord la réponse à notre besoin d’être aimé. Elle procède d’une forme de surprise, de crainte et d’interrogation devant les forces qui bouleversent le monde cosmique, animent les hommes et suscitent les événements inattendues. Elle procède d’une forme d’étonnement et aussi de saisissement.
Ainsi, même pour nous, la manière la plus spontanée de définir Dieu, c’est de le définir comme une Puissance. » ([8], с. 16).
Notre manière de définir Dieu correspond à ces considérations, mais nous ne demandons à personne d'accepter ce point de vue.
Références
1. Tomski G. Religion d'Attila et de Gengis Khan // CONCORDE, 2014, N 1, p. 34-67.
2. Tomski G. Religion d'Attila et de Gengis Khan et ses versions modernes (en format Amazon Kindle), 2016, 253 p.
3. Rubrouck G. Voyage dans l’Empire mongol, Imprimerie National. - 1993. - 300 p.
4. Roux J.-P. Histoire de l’Empire mongol. - Fayard, 1993. - 597 p.
5. Grousset R. L’Empire des steppes. - Payot, 1965. - 656 р.
6. Morris R. Kubilaï Khan. - Perrin, 1991. - 259 p.
7. Lenoir F. Les métamorphose de Dieu : La nouvelle spiritualité occidentale. - Plon, 2003. - 403 p.
8. Geffé C., Gounelle A., Guiderdoni A., Houziaux A. Dieu, c’est quoi finalement ? - Les Editions de l’Atelier / Les Editions Ouvrières, 2005