« Et Allah dans tout ça ? » sur France 2 : Une opération de propagande en toute mauvaise foi !

par guylain chevrier
mardi 22 février 2011

Sur France 2, dans le cadre des programmations « infrarouge », un reportage intitulé « Et Allah dans tout ça ? » de la réalisatrice Philomène Esposito, était diffusé le jeudi 17 février en seconde partie de soirée. La bande annonce ne faisait pas dans la nuance en annonçant la couleur : « la religion musulmane est-elle soluble dans la démocratie française ? Au vu des six millions de fidèles qui en font la seconde religion monothéiste de l’hexagone, la réponse est oui ! Pourquoi cristallise-t-elle autant d’a priori et d’inquiétudes (…) A travers de nombreux témoignages, voici un aperçu sans voile de l’islam de France (…) bien loin des idées reçues au nez et à la barbe de ceux qui tentent de diaboliser cette religion » D’emblée, le décor est posé, il n’y a pas de débat puisque effectivement est affirmé que l’islam est naturellement, en raison du nombre de ses fidèles, soluble dans la République, à moins que ce ne soit la République que l’on dissolve ici derrière ce voilement des choses.

Tariq Ramadan, professeur en donneur de leçons sur l’islam « authentique » est, tient donc !, le fil rouge de ce reportage, parallèlement à un aumônier musulman, Abdelhak Eddouk, dans une complémentarité parfaite. Personne n’aura l’idée, en dehors de cette réalisatrice, d’aller demander à ce sulfureux prédicateur musulman de servir ici de monsieur « Bons offices ». Rappelons qu’il soutient toutes les demandes communautaires qui posent problèmes à société française : horaires séparés des piscines pour les femmes, salles de prière dans les écoles, les universités, les milieux de travail, repas halal dans les cafétérias, revendications du port du voile islamique partout y compris dans les institutions publiques jusqu’à l’école. Il est aussi l’animateur d’une émission à la télévision Press TV, financée par la République islamique d’Iran, un soutien indéfectible au Hamas et au Hezbollah, deux mouvements issus de l’influence de l’Iran qui veulent établir la charia et la république islamique, qui a osé parler d’un moratoire sur la lapidation qui ne saurait être négociable, dont les liens avec les Frères musulmans ne sont plus à démontrer. Le plus grave, ce n’est pas tant que ce prédicateur soit ici présent, mais que son point de vue ne soit contrebalancé par aucun autre. Il en découle un exposé unilatéral qui rompt avec toute objectivité. 

Une tribune à Tariq Ramadan pour une invitation à l’enfermement communautaire

Tout commence par de longues images des prières massives de musulmans dans le 18e arrondissement s’enchaînant avec l’aumônier musulman. Les prieurs qui envahissent la rue et donc l’espace public, dont se plaignent de nombreux riverains sans qu’on y remédie, ce qui est pourtant prévu dans la loi au titre du trouble à l’ordre public, c’est normal. Il explique qu’il n’y a pas assez de lieu de prières, 2000 en France (rien que cela !) dont seulement quatre pour cent de plus de 1000 places, pour accueillir les 5 millions de musulmans. Un argument encore là sans contrepartie alors qu’il n’est pas un secret que les musulmans pratiquants représentent moins d’un cinquième des musulmans.

En fait, cet argument fallacieux ne sert qu’à justifier le financement public des mosquées pour multiplier des lieux de culte créant une influence capable de peser sur ceux qui, justement, ne pratiquent pas et ne se reconnaissent pas dans l’idée d’une communauté musulmane, mais que les religieux pensent être la propriété de leur religion pour les faire tomber sous leur coupe.

Il nous dit encore que ce sont les musulmans qui choisissent librement leur imam puisqu’il n’y aurait pas de clergé dans l’islam. Faux ! On sait qu’en réalité, en France, 90% des imams viennent de l’étranger et pour l’essentiel ne parlent pas le français. Des individus venus enseigner l’islam sur commande qui ne sont donc nullement librement choisis, qui professent des prêches totalement décalés avec la société française et souvent agressifs envers le mode de vie occidental, qui poussent au repli identitaire et au rejet de l’intégration.

Tariq Ramadan explique cette visibilité des musulmans par une prise de conscience, celle d’une communauté qui fut par le passé invisible. Hier en quelque sorte refoulée, dans une France que cela arrangeait, cette communauté se serait libérée par l’effet d’une prise de conscience d’appartenance religieuse. Les musulmans en montrant leur foi exprimeraient s’être sortis d’un ghetto intellectuel qui ne leur correspondait pas. En réalité, une invitation à l’enfermement communautaire à travers l’affirmation de pratiques et de signes identitaires qui marque la différence, voile en tête, font division. Au lieu de s’adapter à la société française on voudrait que cette dernière s’adapte à elle !

Un islam victimaire justifiant le rejet de l’autre et de l’intégration

Un jeune musulman présenté comme le gentil pratiquant, explique que le problème principal, c’est le regard des gens. Quand on dit son nom de consonance musulmane à des jeunes filles, il y aurait tout de suite un mouvement de recul. Donc, on va « éviter au maximum » les relations avec des jeunes filles non-musulmanes, explique-il. Une façon comme une autre de justifier le communautarisme par le rejet de l’autre s’il n’est pas musulman en mettant en accusation de racisme ordinaire toutes les jeunes filles qui ne sont pas de cette religion. C’est l’encouragement à une défiance qui fait tous les jours plus de dégâts, en poussant des musulmans à une pratique de l’islam qui passe par ce genre d’a priori gravissime, pour justifier de ne pas se mélanger. Ce n’est pas l’islam qui est diabolisée mais bien la France et son peuple, auquel on appelle ainsi à ne pas appartenir, un appel à ne pas s’intégrer par ce discours de victimisation qui est porteur de violence parce qu’il justifie, l’air de rien, un racisme anti-blancs. Un discours, encore là, qui n’est pondéré d’aucune nuance. 

Le jeune copain du gentil musulman est lui un pratiquant radical, qui explique refuser de serrer la main des femmes, car cela est interdit par sa religion. La tentation du péché vient bien sûr de la femme, explique-t-il, qu’il faut éviter de toucher, c’est une tentation à la fornication... Un archaïsme sans nom qui justifie une soumission de la femme à l’ordre masculin qui lui assigne sa place. Le respect stricte de cette religion est le reflet de la façon dont elle se définit elle-même :" soumission docile " autrement dit soumission à dieu, en fait, surtout de la femme.

Selon ce reportage, rien de tout cela ne viendrait de la religion. La femme y serait totalement respectée. Un mensonge de plus dans cet amas de fausses vérités : le Coran ne désigne la femme que comme croyante, épouse et mère et affirme la prééminence de l'homme sur elle, sourate 2 - 228 ; Le témoignage d'une femme vaut la moitié de celui d'un homme, sourate 2 - 282 ; la femme perçoit la moitié de la part d’un homme lors d'un héritage, sourate 4-11,12 ; l'homme a droit à la polygamie, sourate 4 - 3 ; « Les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes et soumises (..) Vous réprimanderez celles dont vous aurez à craindre l’inobéissance, vous les relèguerez dans des lits à part, vous les battrez », sourate 4 - 38. Une misogynie égrenée dans différentes sourates qui, appliquées, constituent une véritable discrimination dont la régression se profile derrière le mouvement de revoilement qui s’opère en France sous une relecture littérale du Coran au nom de « l’islam vrai ».

S’il s’habille de façon traditionnelle de la tête aux pieds, c’est pour se distinguer des autres qui ne sont pas musulmans, c’est normal. Sa barbe il la porte parce que c’est obligatoire, il ne faut pas déformer la création. L’homosexualité, « je ne l’accepterait pas ».

L’aumônier musulman pourra philosopher sur la question d’être musulman plutôt que de le paraître, qui noie le poison. Pour lui, c’est par dieu que se construira la place des musulmans. Quid de la République ? Tariq Ramadan lui, très tolérant avec ce genre de radicalisme, nous explique par exemple que la psychologie du converti demande beaucoup de prudence, de ne pas juger trop vite, même lorsqu’il est radical, ce serait l’enfermer… Comme si le radicalisme n’était pas s’enfermer soi-même dangereusement. Un radicalisme qui relèverait de la crise d’adolescence… Comme tout est simple ! Un radicalisme religieux banalisé qui est tout simplement de l’intégrisme. Stratégiquement bien sûr, Tariq Ramadan nous servira un discours de tolérance sur l’homosexualité sans à aucun moment condamner les nombreux pays musulmans qui la punisse de la peine de mort avec le Coran.

Polygamie, mariage forcé, condamnation de l’homosexualité, excision, seraient des traditions qui n’auraient rien à voir avec l’islam.

Une démonstration tente d’être faite, la religion musulmane serait bonne, ce serait certaines traditions qui n’ont rien à voir avec elle qui poseraient problème. La polygamie par exemple ou la condamnation de l’homosexualité qui en seraient une mauvaise interprétation, sont clairement dans le Coran.

Les témoignages choisis ont été triés sur le volet et instrumentalisés par cette démonstration. Après avoir été brûlée par un musulman qui lui en voulait, à plus de 65 %, une jeune fille musulmane pratiquante explique pardonner au nom de la religion son agresseur qui a ruiné sa vie en agissant au nom de l’islam. Elle reste croyante et persuadée que la religion n’est pour rien dans la motivation de celui qui a bouleversé sa vie. Une façon de montrer cette religion comme tolérante à travers ce pardon, surtout une totale soumission à elle renversant le sens de la réalité, relativisant ainsi un acte criminel inspiré par la misogynie qui s’expose en grand dans le Coran, comme nous l’avons souligné plus haut. Si la réaction de cette jeune fille quasi-illuminée n’est pas une des formes de l’intégrisme, lié à un bourrage de crâne religieux, qu’est-ce que cela est donc ?

Une jeune Guinéenne est convaincue que l’excision qu’elle a subie, tout comme le mariage forcé dont elle a été victime, ne doivent rien au respect de l’islam mais à un obscurantisme tribal. Il n’y a rien de plus faux. Toutes les sociétés qui pratiquent l’excision, c’est un fait, sont musulmanes et la soumission de la femme à laquelle invite cette religion, prise au pied de la lettre, est on ne peut plus favorable à cette tradition. Cette jeune fille qui a été soumise à la religion depuis sa plus tendre enfance, ne peut s’en départir, voyant ailleurs que là où elle est, la responsabilité de sa situation. La recrudescence du mariage forcé en France, pratique qui est toujours liée à l’islam, a été dénoncée par la mission pour l’égalité pour aboutir à ce que, avec des associations de défense des droits des femmes, on mette en place dans des collectivités territoriales des protocoles d’accueil des jeunes filles qui en sont victimes. Pas un mot de cela dans le reportage qui se donne raison par omission.

Une autre jeune femme convertie, qui est passé par l’intégrisme et en est revenue, explique que « notre religion prend tellement de place qu’il n’y en a plus pour dieu », mais Allah reste tout pour elle ! Allez comprendre. Un témoignage qui passe pour essentiel mais ne règle rien de cette enfumage général.

Une opération idéologique dans la tradition des films de propagande aux enjeux très politiques

On voit la valeur de cette prétendue volonté d’aller à la rencontre de la communauté musulmane pour en montrer le « vrai » visage. Un reportage parti pris, poursuivant l’unique objectif de montrer cette religion comme ne posant de problèmes qu’à ceux qui lui en veulent. Une vision agencée, ignorant délibérément les problèmes posés par les revendications communautaires, qui méritent pourtant débat, dont l’économie ne fait l’affaire de personne, ni des musulmans ni de la société française. Il n’y aurait pas de problèmes ? 54% des musulmans en France sont pour l’application totale ou partielle de la charia (CSA 2008). Un scandale de mauvaise foi dans la pure tradition des films de propagande.

Sous la haute autorité de Tariq Ramadan, ce film est un prêche dangereux qui donne du crédit à l’influence néfaste d’une conception de l’islam qui refuse toute remise en cause face à la modernité. Cet islam du revoilement entend imposer à la société française, à travers uns visibilité et une communautarisation croissantes, des rapports et des pratiques qui constituent une régression des mœurs et des mentalités, des droits et libertés, une véritable régression sociale. Pour que les musulmans puissent vivre leur religion dans la paix il faut qu’elle se laïcise au lieu de s‘enfermer.

Le Nouvel Obs.com a cru bon de féliciter France 2 d'avoir eu « le courage » de programmer ce film, participant de l’aveuglement général des grands médias en recherche de bonne conscience. Le service public aurait pourtant mieux à faire que de participer à une telle opération de désinformation.

Au moment où le Président de la République prend l’initiative d’Assises sur la place de l’islam dans la République, prévues pour avril prochain, on ne peut être qu’inquiet des invitations à un financement public des mosquées, comme Jean Baubérot ou Emile Poulat, habitués du fait le proposent, dans le Monde du 16 février dernier. Ce serait justifier le clientélisme religieux et faire voler en éclat la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de décembre 1905, socle de notre République, de notre liberté.

Ce serait porter un coup mortel à la laïcité tout en donnant force de droit et reconnaissance à cet islam de division, au risque d’une fracture au sein de notre société conduisant à livrer la femme de religion musulmane à un statut de citoyenne de seconde zone, mais aussi porter un coup dramatique de plus à la crédibilité du politique et de la démocratie.

Guylain Chevrier, historien.


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