Faut-il réhabiliter Judas, suite... et fin !
par Hervé Buschard
vendredi 30 juin 2006
Réponse aux nombreuses réactions suscitées par ma modeste réflexion.
Je suis quelque peu étonné par l’ampleur du débat soulevé par ma petite réflexion... Et je remercie tous ceux qui y ont consacré un peu de leur temps pour y apporter un commentaire, même s’ils ont trouvé parfois que mon article était mauvais ou qu’ils l’ont qualifié de « théologie de comptoir ». Au moins m’ont-ils éclairé un peu de leurs lumières.
Attention, toutefois, car la lumière ne va pas sans sa part d’ombre, et à trop vouloir éclairer parfois, on finit par éblouir son auditoire qui n’y voit en définitive plus rien... Cela dit, je ne peux que constater que Lao Tseu avait bigrement raison : le peuple préfère définitivement les sentiers !
Que de palabres pour une banale petite réflexion. Que de références aux textes « officiels » (mais qui les a déclarés tels ?). Que de prosélytisme ! Et de contrevérités ! Je cite au hasard : Dieu sait tout. D’ailleurs Dieu est Jésus. On croit rêver !
Je passe sur les commentaires qui me donnent la nausée et j’en viens au cœur du débat, si vous le voulez bien.
A ceux qui pensent que les adeptes de la réhabilitation de Judas sont contre l’Eglise catholique ou plus généralement contre le catholicisme, je dis qu’ils se fondent sur des textes qu’ils qualifient eux-mêmes d’officiels, mais qui n’ont pour officialité que le simple fait d’avoir été connus avant le nouvel évangile dont il est question ici. Apocryphes ou canoniques, quelle importance ?
De quoi parle-t-on ? De religion, n’est-ce pas ? J’ai lu par ailleurs une réflexion fort intéressante sur le fait que la religion est justement une affaire personnelle, qui doit puiser sa force à l’intérieur de chacun d’entre nous. Alors pourquoi apporter plus de crédit à tel ou tel texte en fonction de son ancienneté ou des circonstances de sa parution et de sa mise à la disposition du public ? Ceux qui se posent justement en défenseurs du catholicisme ne font, selon moi, que le fragiliser encore davantage. Et ils oublient trop vite les erreurs, les massacres, les mensonges, les non-dits, en un mot les infamies commises au nom de « Notre Seigneur Jésus Christ ».
Je lis encore que la parution du nouvel évangile serait, je cite, la volonté de détruire la chrétienté et tout particulièrement le catholicisme qui met en avant l’humilité et la pauvreté... Là encore on croit rêver. Peut-on véritablement avancer, sans rire, que c’est ce que fait aujourd’hui le Vatican, l’une des plus grosses puissances financières du monde, et siège de l’Eglise catholique ? Chercher à défendre cette Eglise (contre des agresseurs sortis de l’imagination fertile de certains), c’est apporter sa caution par exemple au massacre des Incas, ou aux guerres de religion en général. Soyons sérieux.
Certes, le ton de mon article peut paraître « moqueur » à certain, qui me fait pourtant l’honneur de me considérer comme son collègue. Cher Monsieur Mahamat Seid Abazène Seid, puisque c’est de vous qu’il s’agit, je vous répondrai avec le respect que je dois à la profondeur de votre réflexion sur la religion catholique, à sa justesse et à sa qualité, que Jésus lui-même n’était pas avare de plaisanteries. Qu’il était aussi sujet à la colère (on imagine celle qui s’emparerait de lui aujourd’hui s’il voyait le « temple » du Vatican), qu’il buvait du vin, qu’il s’approcha, ma foi, bien près de Marie-Madeleine, au point d’en faire fantasmer quelques-uns. Bref, qu’il se comportait décidément comme un homme ordinaire.
Et j’en viens à la nature même de Jésus, considéré à tort par certains comme un dieu, voire comme Dieu lui-même. Si l’on s’en tient à la réalité historique et si l’on veut apporter une touche scientifique, en excluant le surnaturel, on doit en arriver à la conclusion que Jésus a bel et bien existé. Et qu’il était, je le répète, un être exceptionnel. Par la force de sa foi et de ses convictions. Comment expliquer, sinon, qu’il suscite encore de nos jours, après plus de deux mille ans, des débats aussi enflammés ? Son empreinte est indiscutable, tout comme sa réalité historique. C’est peut-être le sens de son message qui n’a pas été bien compris. Pensez !
Deux mille ans à essayer de comprendre et d’assimiler ce message à travers des évangiles plus ou moins en compétition. Oui, je dis bien compétition, car sinon, pourquoi avoir écrit chacun le sien, et ne pas avoir fait un ouvrage commun ? Douze apôtres, quatre témoignages différents. Pourquoi pas un cinquième ? Même s’il est apocryphe. Cela montre bien la difficulté qu’il y avait déjà pour les hommes qui ont approché, touché, écouté Jésus, de le comprendre. Ces hommes ont vécu plusieurs jours, voire plusieurs mois avec Lui sans parvenir à le cerner complètement. Qui osera prétendre aujourd’hui détenir La vérité ? Le problème est étymologique. Ce qui est aujourd’hui « parole d’évangile » est considéré comme irrécusable. A fortiori les évangiles eux-mêmes ! Mais diable, en voilà un autre qui vient tout mettre en l’air ! Deux mille ans d’efforts pour faire admettre une vérité « interprétée », parfois par la force, remis en question. Soyons juste, cependant, il est vrai que les premiers chrétiens ont subi des persécutions abominables. Mais on doit admettre qu’ils se sont bien rattrapés par la suite !
Jésus est mort sur la croix puis ressuscité, nous disent les catholiques. Ils faut les croire sur parole, au mépris de toute logique. Parce que c’est ce que nous disent les quatre évangiles les plus connus. Et que c’est tellement plus rationnel que d’admettre que Jésus n’était peut-être pas encore mort quand on l’a descendu de la croix, puis enfermé dans son tombeau...
L’évangile de Judas lui, ne parle pas de la crucifixion. Problème. Car la chrétienté ne s’accommode pas des thèses gnostiques et pose comme message principal de Jésus Christ sa résurrection. Thèse irréaliste s’il en est. Et c’est pourtant sur ce genre d’affirmation que se fonde la foi chrétienne. On peut pourtant croire en Dieu, je parle du Tout-Puissant, Un et indivisible, celui qu’on ne peut pas nommer, celui qui est (contrairement à ce que certains pensent) non-agir, non-être et non-vouloir, sans croire au surnaturel. Les fameux sentiers dont parle Lao Tseu.
Croire en « Jésus Christ, fils de Dieu, envoyé sur terre pour la rémission des péchés », l’aduler et le prier comme un dieu, c’est regarder le doigt qui vous montre la lune ! Pourquoi refuser d’admettre que le message de Jésus était d’aimer et de croire en son Père, notre Père à tous, et non en lui ? Pourquoi, s’il était réellement le fils de Dieu envoyé sur terre, se mettre à le prier, lui ? Mais surtout, pourquoi un tel déchaînement de passions quand on pose toutes ces questions... !
L’évangile de Judas me paraît plus frais que les réflexions millénaires et poussiéreuses de l’Eglise catholique, en ce sens qu’il est plus proche de la source. Pourquoi apporter plus de foi à Irénée et à son « Contre les hérétiques » ? Irénée, Père de l’Eglise, était bien évidemment parti pris dans le débat. On peut le comprendre. Et chacun a bien évidemment le droit de croire en ce qu’il veut. Ce qui me paraît plus insupportable, c’est de prétendre être les seuls et uniques à détenir La vérité. Le problème réel n’est pas de savoir si on doit réhabiliter Judas ou non. Le vrai problème qui se pose, selon moi, aujourd’hui, est d’admettre que son évangile existe, même s’il n’a bien sûr pas été écrit par lui, car il ébranle le catholicisme dans ses fondations les plus séculaires. Jésus lui-même doutait, qui s’exclamait sur la croix : Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?, montrant ainsi sa nature humaine. Car comment douter quand on est Le fils de Dieu ? Encore une mauvaise interprétation. Oui, Jésus était le fils de Dieu, mais au même titre que tous les autres êtres humains. En fait, pour bien comprendre son message, il aurait fallu que ce soit Jésus qui écrive son propre évangile, et non des apôtres médusés dont il disait même qu’ils n’avaient rien compris et qu’ils priaient le mauvais Dieu. Jésus abandonné par son Père sur la croix ? Nouvelle preuve que Dieu est non-agir. Pour conclure, je citerai un certain « passant » dont j’ignore hélas le nom et qui pense fort justement que Judas a agi en connaissance de cause tout en sachant que le jugement moral de cette action serait terrible, mais il l’a fait car il savait aussi que ce jugement humain n’avait que peu d’importance et que seul le dessein de Dieu comptait. Partant de là, à vous de voir si cette recherche effrénée de réhabilitation a une réelle importance ».
Hervé Buschard.