Jesus Camp ou la face cachée de « l’axe du bien »
par Shyankar
lundi 17 septembre 2007
Une petite tribune libre sur le film-documentaire Jesus Camp sorti il ya quelque temps déjà plongeant au coeur des églises évangélistes aux Etats-Unis, mais aussi sur l’embrigadement des enfants...
Je viens de terminer Jesus Camp. Pour ceux qui ne l’ont pas vu je vous le conseille grandement. Pour ceux qui ne savent pas de quoi parle ce film c’est très simple : les évangélistes aux Etats-Unis.
Pourtant ce documentaire se focalise plus particulièrement sur ce que l’on peut appeler l’embrigadement des enfants. Ce film m’a donné des sueurs froides. Pas que des gens puissent penser de cette manière, c’est leur droit et je ne pourrais les en blâmer, mais de la manière donc les enfants sont manipulés. Comme le déclare si bien la directrice du « camp de la bible » (une colonie de vacances pour des gamins évangélistes) aux alentours de 7-8-9 ans ce que l’on apprend aux enfants est considéré comme acquis est quasiment impossible à défaire. Ce réel embrigadement va jouer sur toute leur vie.
A de nombreuses reprises certaines séquences m’ont rappelé les Hitlerjugend ou encore les camps des jeunes en URSS. Mais pire que tout certaines phrases m’ont rappelé ce que disent les « terroristes ennemis », ceux tant haïs de « l’axe du mal ». On parle d’ennemi, de nation à défendre, de sang de Jésus pour nous purifier, de porter la voix de Jésus notre sauveur de n’importe quelle manière. On parle d’anti-libéralisme (pas de la manière dont nous l’entendons ou comme beaucoup de gens le comprenne et l’imagine ayant la même définition que capitalisme). On béni George Bush himself et on prie pour lui, mains tendues vers le ciel, les larmes coulant des yeux de ces gamins de moins de 10 ans. J’ai honte. Ce documentaire m’a renforcé dans mon idée que si un Dieu existait il empêcherait ça. Qui plus est si ce dieu prêchait l’amour durant ses 33 années de présence sur Terre.
Il ne faut pas lire Harry Potter car c’est le mal. A l’époque de Jésus ont l’aurais « brûlé ». Pourtant on peut boire des Pepsi sans problème et porter des casquettes Levi’s. Cela on a le droit.
Ces gens ultra-nationalistes sont encore persuadés que les États-Unis sont la nation choisie par le seigneur. Et que quoi qu’il en soit ils doivent le montrer au monde que « désolé de dire cela mais nous, nous avons raison ! » Voilà texto la déclaration de la directrice du camp.
Les méthodes utilisées pour ce bourrage de crâne à proprement parlé sont intolérables. On dit à l’enfant qu’il a péché, qu’il s’est mal comporté, qu’il a pu faire honte à Dieu ou au Christ. Là tous ces gamins en semi-transe se mettent à pleurer, à se rouler par terre, se jeter au sol et la grande prêtresse arrive pour les laver de leurs péchés avec de l’eau du Christ dans une bouteille plastique estampillée Nestlé.
Les causes politiques sont bien entendues mises au premier plan : prions pour le Parti républicain, prions pour le grand Bush, prions pour Rove, prions pour apporter la liberté à ces pauvres Irakiens qui vivent dans le péché.
Ce que l’administration Bush tente de combattre si loin de son pays, eh bien, se retrouve dans son pays même à environ 80 millions de citoyens. Mais comprenez bien que ce n’est pas pareil. Ici on dit Dieu et Jésus et non Allah. Ici on ne fait pas sauter de bombes car aucun pays n’est venu nous apporter la « liberté ».
J’ai vraiment honte que notre monde occidental puisse nous apporter autant d’hypocrisie de la nation qui se déclare élue de Dieu et pire encore, de la plus puissante nation de Dieu.
Prenez les discours de Bush et vous verrez chaque fois un petit « avec l’aide de Dieu nous vaincrons » ou des absurdités de ce genre.
Le plus important à mes yeux dans tout ce documentaire est l’aspect philosophique et l’aspect d’embrigadement.
Au niveau de l’aspect philosophique, il est clair que ces enfants se sentent « à part » comme ils le déclarent eux-mêmes. Mais à part en « bien ». « Je suis meilleur qu’eux car je connais Jésus ». Le fait de rencontrer un non-chrétien a quelque chose de « dégoûtant ». De même, quand ces mêmes gamins distribuent des tracts pour l’élévation de l’âme et que certains n’en veulent pas, la réponse de ces jeunes est franche et sincère : « ils doivent être musulmans ».
Voilà donc. Ces jeunes ont donc, et cela dès leur plus jeunes âge un sentiment de supériorité assez important. Mais aussi la certitude inaliénable qu’ils sont vraiment envoyés par Dieu sur terre. C’est « la génération du changement » comme il doit être dit depuis dix générations.
Ce qui est attristant et effrayant est le fait que quand vous énoncez aux enfants qu’ils sont élus des dieux, quand les parents affirment cette théorie et quand les gens qui essaient de vous convaincre que vous avez tort sont de l’« extérieur », non-chrétien ou non-croyant, vous vous renforcez dans cette idée et cela vous donne tous les droits.
Oui tous les droits comme de poser une bombe, de tuer des gens. Les gamins le chantent en cœur : « Nous sommes prêts à mourir pour Jésus notre sauveur et pour Dieu ». Bienvenue à extrem-fondamentalist land. Bienvenue dans un monde où ces gamins vont perdre leur jeunesse, bienvenue dans ce monde où ils grandiront avec l’intime conviction qu’ils sont les élus et que seul Dieu les jugera, donc, tout leur est permis.
Bienvenue là où, dans une autre partie du monde, on appelle cela islamisation des enfants. Et c’est là-bas que l’on se bat et que l’on arrache des vies.
Shyankar