Laïcité de 1905 dépassée : Vers une nouvelle Laïcité ?

par TS38
samedi 16 janvier 2016

Un an après les attentats de Charlie Hebdo, la question de la Laïcité se pose toujours dans le débat public. La loi de 1905 sur la Laïcité est toujours appliquée aujourd’hui malgré les évolutions profondes de la société française. L’expansion de l’Islam, désormais deuxième religion de France, incite certains observateurs à dépoussiérer la loi sur la Laïcité de 1905, pour la faire évoluer.

Liberté, Egalité, Fraternité telles sont les valeurs fondamentales de la République Française. Ces trois mots de la devise nationale sont parfois accompagnés d’un autre principe fondamental de la République, la laïcité. La laïcité a été mise en place difficilement, suite à une longue opposition intellectuelle, en 1905, avec la loi sur la laïcité. Toujours d’actualité aujourd’hui, elle consiste à travers ses différents articles, à séparer l’Eglise et l’Etat (sécularisation de l’Etat) de manière à rendre l’Etat neutre (qui ne doit subventionner aucune religion), d’assurer la liberté de croire ou de ne pas croire, et la liberté de conscience. Cette loi qui est surtout une réforme de l’Etat de l’époque avait l’objectif plus implicite, de faire reculer le religieux dans l’esprit de la société, faire reculer l’institution religieuse, pour faire avancer l’institution républicaine. Il s’agissait en fait d’unir tous les français quelle que soit leur religion initiale derrière les valeurs républicaines et françaises. Il s’agissait de remplacer d’un point de vue moral, l’Eglise par la République. Si la pilule a eu beaucoup de mal à passer, avec beaucoup de résistances (à l’époque, la population était très majoritairement catholique), force est de constater que cela a plutôt bien marché puisque la religion a reculé et a été rendu plus discrète, plus privée, ce qui a unifié la société derrière la République jusque dans les années 80.

La Loi de 1905 a eu quelques petits ajustements et élargissements comme en 2004 avec l’interdiction du voile à l’école ou comme en 2010 avec l’interdiction de la burqa dans l’espace public.

 

L’Islam et la remise en cause de la laïcité

Avec l’immigration des magrébins (notamment dans les années 80), l’islam apparaît comme troisième (puis deuxième) grande religion en France. Auparavant, le christianisme était la première religion de France (divisé entre catholiques et protestants notamment), la religion juive était bien plus minoritaire mais était également présente. Ces deux religions se sont parfaitement adaptées au principe de laïcité. Ce sont des religions relativement discrètes, et il est difficile de reconnaître l’appartenance religieuse au premier regard. Il y a peu de signes ostentatoires (appartenance religieuse) propre à ces religions. La Kippa en est un pour la religion juive, mais une grande partie de la communauté juive a pris l’habitude respectueuse de ne pas la porter dans les lieux publics et de la réserver aux moments de prières dans leurs lieux de culte. Il faut savoir, que le port de la Kippa n’est pas une obligation religieuse inscrite dans la Torah, mais plus une tradition, qui a traversé les époques (le fait de se couvrir la tête en marque de respect pour la divinité), et également, une marque d’appartenance communautaire.

L’islam est beaucoup moins discret. Il prend plus de place dans la vie d’un musulman, que ce soit pour les valeurs, pour l’habillement, ou encore le langage. Cela vient du fait notamment que les musulmans viennent de pays où l’Islam est omniprésent car religion d’Etat. Se pose notamment et surtout la question du port du voile islamique (mais également des vêtements de prière arborés en public). Au départ, peu d’immigrantes portent le voile, mais ce phénomène grandit et atteint son apogée au début des années 2000 au point de devoir réformer la laïcité pour l’exclure notamment de l’école.

Ce fameux voile, qui n’est pourtant pas présent dans le Coran (il est issu d’une tradition intégriste wahhabite), est un instrument d’appartenance religieuse et de repli communautaire pour les femmes françaises musulmanes. Il pose surtout problème d’un point de vue moral.

En effet ce voile est également, un instrument de soumission de la femme par rapport à l’homme et de non-égalité homme/femme. Un problème majeur souvent nié, mais allant à l’encontre du principe des droits de l’homme et même de l’Egalité et la Fraternité, pourtant devises de la France.

Alors certes, il s’agit d’une liberté, et les femmes musulmanes revendiquent souvent leur « choix » de porter le voile. Or il s’agit d’un « choix » contraint par l’environnement social communautariste. En quelques sortes, il s’agit de la liberté de ne pas être libre. Est-ce vraiment une liberté ?

Au fil des années, nous avons assisté en France à un repli religieux (notamment en ce qui concerne l’Islam), et un retour sur le devant de la scène de la question religieuse. Cette question religieuse a toujours été gênante est l’est d’autant plus aujourd’hui, car la religion est devenu le principal sujet tabou en France. C’est un sujet épineux car il est difficile de critiquer la religion sans être confondu avec un raciste (amalgame), mais également car la critique de la religion, peut blesser certaines personnes croyantes. C’est le sujet tabou principal, pourtant, à l’inverse d’autres tabous (par exemple le « sexe »), il est omniprésent dans la société (dans la rue, dans l’espace public). On ne peut pas en parler mais on est contraint de le voir partout en quelques sortes.

 

Vers une réforme de la laïcité : la nouvelle Laïcité

Avec l’arrivée de l’Islam, on peut dire que la laïcité de 1905 est périmée. En effet, celle-ci était destinée aux religions chrétiennes avant tout (les religions juives et musulmanes étaient minoritaires), et il convient de relancer le débat aujourd’hui pour adapter (et donc durcir) la laïcité aux nouvelles religions présentes en France. Dans ce sens, le rapport Baroin de 2003 (de François Baroin, alors vice-président de l’assemblée nationale) a fait apparaître un nouveau terme, la nouvelle laïcité. Ce rapport est en faveur d’une évolution et une adaptation de la laïcité à la religion actuelle.

Aujourd’hui la question la religion n’est plus seulement religieuse, mais également et surtout culturelle et identitaire, et a tendance à prendre la place de la France dans l’inculcation des valeurs.

Il est nécessaire d’unifier la société française derrière un ensemble de valeurs communes, il s’agit donc de faire reculer la religion implicitement, alors que celle-ci prend une place publique trop importante. Il faut, dans l’esprit de la laïcité de 1905 que la religion se cantonne à une croyance intime et privée. Il ne faut pas d’une religion culturelle, communautaire, et identitaire qui divise trop à cause de valeurs opposées. Il ne faut pas que religion et culture soient confondues. La religion doit rester une croyance intime, et non pas une culture à part entière. La culture (ensemble de valeurs) qu’il faut avoir c’est la culture française, l’amour de la liberté, les valeurs d’égalité et de fraternité, le respect des droits de l’homme. Il est certain que la morale religieuse va à l’encontre de plusieurs de ces principes. C’est à l’école notamment d’inculquer ces valeurs. Mais la religion, malgré sa limitation à l’école reste un frein.

Pour amorcer ce recul, il faut étendre la laïcité « scolaire » à tout l’espace public. Il s’agit en premier lieu d’interdire tous les signes religieux ostentatoires, que ce soit le voile, la kippa ou tout autre habit de prière réservé au domicile, ou aux lieux de cultes. Ces signes ne sont pas « nécessaires » à la croyance et sont surtout des signes communautaristes qui entretiennent une religiosité trop importante. Les signes ostentatoires religieux doivent être réservées à la sphère intime (c’est-à-dire le domicile, et aux lieux de cultes. Aujourd’hui en France, il y a des personnes qui se sentent plus musulmanes, chrétiennes ou juives que française, alors qu’on doit se sentir en premier lieu français. Il faut recentrer chaque citoyen sur les valeurs républicaines françaises plutôt que de se replier vers une culture religieuse. Il faut que chaque français, malgré sa diversité avec les autres, ait les valeurs fondamentales, communes avec ces concitoyens. Ce qui n’est pas forcément le cas puisque la religion est primaire dans l’esprit de nombreux citoyens alors qu’elle doit être secondaire.

Pour le cas particulier de l’Islam, qui est une religion très communautariste, cela permettra de laïciser cette religion, et de créer un Islam de France, républicain (au lieu de l’Islam en France actuel). Bien entendu un recul du religieux dans l’esprit de nos concitoyens permettra également, un recul de l’intégrisme puisque la religion « basique » est le terreau de l’intégrisme (cumulés à d’autres facteurs bien sûr).

L’objectif de cette nouvelle laïcité est multiple. Bien que la pilule mettra du temps à passer, cela amorcerait un changement profond mais bénéfique de notre société et cela privilégierai l’intégration des descendants d’immigrés, puisqu’à l’heure actuelle, il est certain que la religion dans sa forme omniprésente est un obstacle à l’intégration.

Paradoxalement, cette nouvelle laïcité permettra aux croyants de croire en toute tranquillité, et en toute intimité. Ce qui nous amènera à un recul de la xénophobie et en particulier de l’islamophobie et de l’antisémitisme. Aujourd’hui le racisme dans sa forme originelle (inégalité des « races ») est quasiment banni de notre société, seule persiste une xénophobie portée notamment sur l’aspect religieux et communautaire. Il ne faut pas éradiquer les religions bien entendu. Il faut simplement limiter la religion au religieux, et non plus au culturel, au communautaire, et à l’identitaire.

La société s’en sortira apaisée même si il s’agit d’une réforme structurelle, de la même envergure que celle de 1905, il y aura donc de nombreux freins et réticences.

Pour que cet idéal de société se réalise, il faudrait que les politiques osent un peu plus, mais surtout que tous nos concitoyens religieux fassent l’effort de se laïciser, l’effort de jouer le jeu et de s’ouvrir à la France au lieu de se fermer sur une religion. Un jeu, où tout le monde sera finalement gagnant.


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