Le bordel au Paradis

par hommelibre
samedi 20 octobre 2012

Plus on monte au ciel plus il fait froid. C’est physique. Essayez de sortir vous balader sur l’aile de l’avion quand il vole à 10’000 mètres. Il fait froid. Le Paradis c’est encore plus haut au-dessus du ciel. Enfin d’après les dépliants. Alors cela doit être encore plus froid. Mais bien que très froide la destination se vend toujours bien.

On dispose de descriptions qui font envie. Imaginez une plage de sable blanc au bord d’une mer turquoise. C’est la nuit, il y a un feu de camp, et autour du feu il y a tous les humains gentils qui ont mérité une éternité de paix et d’amour. Ça fait du monde sur la plage. C’est le paradis chrétien.

Dans une autre description on est toujours au bord de la mer turquoise. La plage est toujours de sable blanc. C’est la nuit et un peu plus loin que le feu coule une rivière de vin, disons un 13°. Encore un peu plus loin il y a la réception de l’hôtel avec deux vierges très déshabillées qui attendent les nouveaux arrivants. Ça c’est le paradis musulman.

C’est parce qu’il en a parlé de manière ironique que le pianiste classique turc Fazil Say est en procès à Istanbul depuis hier. Athée, il avait tweeté quelques paroles irrévérencieuses :

« Vous dites que des rivières de vin coulent au paradis. Le paradis est-il une taverne pour vous ? Vous dites que deux vierges y attendent chaque croyant. Le paradis est-il un bordel pour vous ? »


Ça va être difficile, deux vierges par croyant : il n’y a pas deux femmes pour un homme dans la population. Quand le stock de vierges sera épuisé il faudra mettre des drag queens. Et puis je croyais l’alcool interdit dans l’islam. Pas au Paradis ?

Pour son tweet Fazil Say est en procès :

« L’artiste tombe sous le coup de l’article 216 du nouveau code pénal turc - adopté en 2004 - qui punit de prison toute offense propageant la haine et l'hostilité contre une institution, mais aussi le dénigrement des croyances religieuses d'un groupe. Selon son avocat, il encourt 18 mois de prison. »

Ce n’est pas la première fois qu’il est la cible du parti islamiste :

« En 2007, l’oratorio Requiem pour Metin Altiok, qu’il a créé à la mémoire du poète turc mort avec 36 autres intellectuels laïcs à Sivas en 1993 dans l'incendie de leur hôtel par des musulmans intégristes, avait été en partie censuré par le ministère turc de la Culture. »

Si l’ironie sur un texte religieux déraisonnable vaut d’être attaqué pour dénigrement, alors il faut protéger aussi les non-croyants contre les croyants. Porter un voile, invoquer Dieu en public, devrait en symétrie être qualifié d’atteinte à la non-croyance et de dénigrement de la raison.

Les religions doivent rester de l’ordre privé et ne pas réclamer pas un statut privilégié. Si leur message doit être entendu, que ce soit par l'intelligence, le coeur et l'exemple. Pas par la contrainte. Or ici un citoyen d’un pays dont la Constitution reconnaît la laïcité, est menacé de prison pour avoir dit que le Paradis est une taverne ou un bordel. Et cela alors que les textes eux-mêmes incitent à cette dérision toute personne saine d’esprit. Dieu y est présenté comme le chef d’un village de vacances. Au Club Paradis deux vierges vous attendent ! Vous boirez autant de vin qu’il vous plaira. Vous pourrez chanter Dirladada. Et vous n’êtes même pas obligé de vous occuper des vierges. « Le bonheur si je veux ».

Sacrée pub ! Elle marche toujours.

Sauf sur les têtes de turc comme Fazil Say, qui s’amuse à foutre le bordel du côté du Bosphore et sur les plages paradisiaques d'Antalya...


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